Sa principale activité est le courtage de "créneaux d'applications" sur les nouveaux téléphones Android. Cela signifie que, sur la base des données relatives aux abonnés fournies par l'opérateur, Digital Turbine choisit automatiquement les applications à préinstaller sur le téléphone.

En échange de ce service (appelé "Out-Of-The-Box"), les développeurs paient Digital Turbine pour placer leur produit sur le téléphone. La société partage les recettes avec l'opérateur, ce qui permet à ce dernier de monétiser une partie de l'espace de l'écran, de gagner des revenus à forte marge et d'améliorer l'expérience globale du propriétaire.  

En apparence, il s'agit d'une activité simple. Les revenus sont fonction du nombre d'appareils pour lesquels Digital Turbine sert de courtier en applications préchargées, puis des revenus générés par chaque appareil.

En effet, la monétisation provient à la fois d'un modèle de paiement à l'installation et d'un modèle de partage des revenus, dans lequel Digital Turbine capture une partie de la valeur à vie d'un utilisateur sur une application spécifique. Pensez aux implications pour les applications à forte utilisation telles que Uber ou Disney+ par exemple.

La société a également mis au point une nouvelle fonction appelée "SingleTap", qui améliore considérablement la probabilité qu’une application soit installée lorsqu'un utilisateur clique sur la publicité liée au service. De manière impressionnante, SingleTap est passée de zéro à une entreprise de plus de 100 millions de dollars avec seulement 15 clients. 

Lors de la journée des analystes, le directeur des revenus de Digital Turbine a indiqué la voie à suivre pour faire de cette technologie une activité de plus d'un milliard de dollars au cours des prochaines années. La technologie SingleTap pourrait également être cédée sous licence à d'autres plateformes, telles que Snap et Meta Platform, qui la testent actuellement.

Les logiciels de Digital Turbine sont installés sur plus de 1,5 milliard d'appareils. La direction a fait un excellent travail en s'associant à des opérateurs (aux États-Unis, par exemple, ils ont Verizon et AT&T Wireless), à des fabricants (tels que Samsung, OPPO et Vivo, qui vendent ensemble environ 40% des téléphones Android dans le monde) et à de grands annonceurs (Amazon, Netflix, Disney+). L'exécution a été tout simplement exceptionnelle.

L'année dernière, Digital Turbine a réalisé trois acquisitions pour contrôler le processus de publicité mobile de bout en bout. Cela devrait renforcer l'avantage concurrentiel déjà important de la société : ses logiciels sont préinstallés sur les appareils et elle collecte des données de première main grâce à ses partenariats avec les opérateurs.

La direction a présenté un plan visant à quadrupler les revenus et à multiplier par 10 l'EBITDA au cours des trois à cinq prochaines années. La société pense ainsi maintenir un niveau de croissance élevée de l’ordre de 25-30% par an. 

Source : Digital Turbine

Digital Turbine entend s’appuyer sur la TAM (Total Available Market) énorme qui lui reste à conquérir et les vents séculaires de la digitalisation de la publicité, même si la (très) probable récession qui nous pend au nez risque de faire passer le secteur par une tempête (et c’est bien la raison de la chute récente du titre). On estime que le marché mondial de la publicité mobile passera de 340 milliards de dollars en 2021 à plus de 600 milliards de dollars en 2025. 

Source : Digital Turbine

Parmi les autres raisons d'être optimiste à moyen terme, citons le fait que leur logiciel est actuellement installé sur moins de 20% des téléphones mobiles, que la société a la possibilité d'augmenter le nombre d'opérateurs et de fabricants de téléphones avec lesquels elle travaille et qu’un certain nombre de nouveaux services pourraient être vendus aux opérateurs.

Néanmoins, les actions de Digital Turbine ont été martelées par l'éclatement de la bulle technologique, les craintes de récession qui ont fait chuter les entreprises liées à la publicité numérique, ainsi que les craintes que Google ne modifie ses politiques sur les appareils Android concernant le ciblage et l'attribution de la publicité.

En outre, le déploiement des nouveaux produits de Digital Turbine, dont SingleTap, a été retardé, peut-être en raison du manque d'enthousiasme d’AT&T et de Verizon. Compte tenu de leur taille et de leur pouvoir sur le marché, la société n'a pas beaucoup d'influence sur ces clients.

Ces revers, associés à l'impossibilité pure et simple de modéliser avec précision les revenus à venir en raison des centaines d'entrées et des relations en constante évolution avec les multiples parties prenantes (opérateurs, fabricants, développeurs, etc.), ont découragé les investisseurs et fait chuter les actions de 100 dollars à moins de 20 dollars, incitant le PDG William Stone à vendre une part importante de ses actions. 

Il existe d'autres risques : 

  • La concurrence des plates-formes de marketing numérique sophistiquées pourrait surgir ; 
  • Les livraisons de nouveaux téléphones sont en chute libre ; 
  • Apple dépasse Android pour franchir la barre des 50% des smartphones utilisés aux États-Unis ; 
  • Les opérateurs et Google pourraient également décider de créer une offre concurrentielle. Pour l'instant, il s'agit d'un marché très étroit, de sorte qu'ils ont accepté de laisser les miettes à Digital Turbine, mais il est clair que beaucoup de choses pourraient mal tourner ici. 

Pourtant, la société a augmenté ses revenus à un taux de croissance annuel moyen (CAGR) impressionnant de 80% au cours des six dernières années. 

Source : Zonebourse

Elle est devenue positive en termes de flux de trésorerie et s'efforce de déployer ses stratégies de monétisation améliorées et naissantes. En dépit de ces points positifs, l’évaluation se maintient à dix fois son EBITDA et deux fois son chiffre d’affaires (ce dernier n'est pas nécessairement un critère pertinent car Digital Turbine a des marges brutes beaucoup plus faibles que la grande majorité des sociétés de type plateforme/place de marché). 

Soit dit en passant, son concurrent le plus direct, IronSource, est en train d'être racheté par Unity Software dans le cadre d'une transaction qui implique une évaluation d'environ quatre fois son chiffre d’affaires à terme et quatorze fois son EBITDA, c’est-à-dire des mesures deux fois plus élevées que celles appliquées actuellement aux actions de Digital Turbine

La chute du titre de plus de 80% depuis ses plus hauts réalisés en mars 2021 a ramené la valorisation en territoire abordable. Il faut dire que la valeur a grimpé de 0,56 dollars en octobre 2016 à 3,5 dollars en mars 2020 avant d’atteindre un pic à 100$ en mars 2021, soit une performance de plus de 17.000% en moins de six ans. 

Graphique Digital Turbine, Inc.
Source : Zonebourse

Conclusion 

Il s'agit d'une entreprise qui a un historique de croissance rapide et encore un beau potentiel pour les années à venir, une économie unitaire solide et une équipe de gestion très compétente. Si la croissance est compromise de façon permanente, les choses peuvent aller à zéro. Mais il y a de multiples façons de gagner si la société parvient à se tailler un créneau durable et rentable. Les investisseurs axés sur les technologies de pointe et peu averse à la volatilité du titre pourraient à juste titre suivre le mouvement sur les cours actuels alors que la capitalisation boursière est proche des 1,6 milliard de dollars. 

Source : Zonebourse