CORRECTION Bien lire au 3e paragraphe que Danone a acté un programme de don d'action, et non qu'il y procédait pour la 2e année consécutive comme indiqué précédemment par erreur.

PARIS (awp/afp) - L'actionnariat salarié, encouragé par les pouvoirs publics, séduit de plus en plus d'entreprises pour fidéliser leurs employés, les impliquer davantage et leur offrir une autre forme de rémunération.

"L'association accrue des salariés dans la gouvernance des entreprises est la garantie de mieux participer au partage des richesses. Je crois à la politique d'intéressement et de la participation", a rappelé le président de la République Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse jeudi.

Un message semble-t-il entendu parmi les grandes entreprises. Le géant des spiritueux Pernod-Ricard a justement annoncé vendredi qu'il lancerait lundi son premier plan d'actionnariat salarié. Et Danone a acté jeudi lors de son assemblée générale le don d'une action à chacun de ses 100.000 employés.

La pratique séduit aussi les plus petites entreprises.

Quand un des associés de Softluent a cédé ses 20% de cette société d'informatique, Daniel Cohen-Zardi, son président, a réservé cette part aux 60 salariés. "On est dans un milieu concurrentiel, c'est intéressant pour les inciter à rester", a-t-il expliqué à l'AFP.

Lors de la première opération en septembre 2018, neuf salariés sur dix ont décidé d'acquérir un peu des premiers 10% proposés. En mai, une nouvelle opportunité sera lancée. "C'est un moyen de dire, +l'entreprise nous appartient à tous+", juge M. Cohen-Zardi.

Record en 2018

En France, "championne d'Europe" de l'actionnariat des salariés, ceux-ci détenaient en 2018 environ 4% du capital de leur entreprise, contre 1,68% pour la moyenne européenne, selon la Fédération européenne de l'actionnaire salarié.

Et 2018 a accentué cette tendance. Pour les entreprises cotées, le montant du capital proposé aux salariés a battu un record, selon des estimations de la société de conseil et de distribution d'offres d'épargne salariale Eres.

"Le record tient plus au montant total des opérations réalisées qu'au nombre d'entreprises qui ont lancé des plans", précise à l'AFP Mirela Stoeva, responsable marketing et communication chez Eres.

Les entreprises recourent à deux mécanismes principaux: le fonds commun de placement d'entreprise (FCPE) par l'intermédiaire duquel les salariés peuvent acquérir des actions, souvent avec des abondements de leur employeur ou des décotes sur le prix; ou l'octroi d'actions gratuites, comme chez Danone, jusqu'ici détenu à 1,30% par ses salariés.

Le bâtiment est le secteur le plus avancé: les salariés détiennent par exemple 17,6% d'Eiffage.

"Chaque année comme depuis 30 ans, Eiffage propose à ses salariés de souscrire à une augmentation du capital qui leur est réservée. Plus de 70% ont participé, les nouveaux comme les anciens car le meilleur atout du dispositif est le bouche-à-oreille", se satisfait Christian Cassayre, directeur financier du groupe, interrogé par l'AFP.

Le dispositif a été reconduit lors de l'assemblée générale, mercredi. "Il a été voté à 69% (...) Tous les ans, c'est la résolution la moins bien votée, car certains actionnaires sont moins dans une vision de long terme", relève M. Cassayre.

Objectif: 10% du capital aux salariés

L'objectif fixé par le gouvernement de 10% du capital des entreprises aux mains des salariés est encore loin.

"Pour les salariés ces dispositifs sont un peu nébuleux et complexes. Les actions sont aussi bloquées quelques années", observe auprès de l'AFP Nathalie Hellio, avocate fiscaliste de la société de conseil Helma.

Les étapes administratives peuvent aussi effrayer. "On a mis plusieurs mois avant de finaliser l'opération", reconnaît Daniel Cohen-Zardi.

"L'instabilité législative" est aussi un frein, indique à l'AFP Stéphanie Le Men Tenailleau, avocate au cabinet Galahad. "En 2012, des mesures ont baissé l'attractivité de l'actionnariat salarié. La loi Macron en 2015 puis la loi Pacte en ce moment vont, en revanche, dans le bon sens."

Le "forfait social", prélèvement acquitté par les employeurs sur l'intéressement et la participation, a baissé, tandis que le plafond de la décote sur les actions proposées aux salariés remontait.

Ces aides permettent que, même si le cours des actions recule, le salarié reste gagnant. Mais de l'avis de Jean-Philippe Debas, président d'Equalis, une société qui accompagne les entreprises ouvrant leur capital aux salariés, "quand une boîte propose ce type d'offre, c'est un signe de bonne santé".

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