Paris (awp/afp) - S'endetter pour financer spécifiquement la transition durable: les émissions de "dettes vertes" mondiales se sont établies au-dessus de 50 milliards de dollars en septembre, un record, et sont de plus en plus utilisées à la fois par les États et les entreprises.

Adidas, EDF, Orange... mais aussi Allemagne, Egypte, Suède: entreprises et États ont multiplié les émissions de dettes vertes à un niveau jamais vu le mois dernier. Elles étaient cinq fois inférieures en août.

Grâce au mois de septembre, les émissions de dettes vertes depuis le 1er janvier ont atteint 176,3 milliards de dollars, en hausse de 26% par rapport à la même période en 2019.

Ce montant comprend les dettes vertes selon la définition de l'International Capital Market Association, l'organisation professionnelle mondiale des acteurs du marché obligataire, et d'après les données agrégées par l'agence Bloomberg.

L'ICMA définit la dette verte notamment comme une obligation qui finance exclusivement des projets "verts" c'est-à-dire dans une des catégories qu'elle recense comme les énergies renouvelables, la préservation de la biodiversité, le logement plus écologique...

"En 2019, les dettes vertes représentaient moins de 5% du volume des dettes émises", a toutefois rappelé lundi dans un discours au forum européen de la Finance soutenable Isabel Schnabel, membre influente du directoire de la Banque centrale européenne (BCE). La zone euro est la principale émettrice de ce type d'obligation.

Cette année, septembre bénéfice sans doute du report de nombreuses opérations lors du premier semestre, où les émissions étaient en léger recul par rapport à l'année précédente.

"Le volume des émissions des entreprises a été plus important que celui des États", note Jovita Razauskaite, spécialiste des dettes vertes pour NN investment Partners.

Risque de "greenwashing"

C'est pourtant l'arrivée d'un émetteur souverain qui a fait les gros titres, avec la première émission verte de l'Allemagne, à hauteur de 6,5 milliards euros. Le pays en prévoit une deuxième de 5 milliards d'ici à la fin de l'année.

"Nous nous attendons à un panel encore plus large encore d'émetteurs dans le futur. Les entreprises industrielles devraient venir de plus en plus sur le marché, tandis que les dettes supra-nationales vont augmenter quand l'Union européenne commencera à financer près d'un tiers de son plan de relance avec de la dette verte", rappelle Mme Razauskaite.

Toutefois, le secteur a encore beaucoup à faire, et notamment dans l'évaluation des projets. "Les notations environnementales des obligations vertes - quand elles existent - sont souvent peu consistantes, pas comparables et, parfois, peu fiables", a tancé Isabel Schnabel, pointant du doigt le risque d'un "greenwashing".

C'est ainsi que des "obligations de transition" ont fait leur apparition sur le marché en 2019, leur appellation beaucoup plus floue permettant éventuellement à des secteurs polluants, comme le gaz, de pouvoir y prétendre.

L'émission de dettes vertes n'est d'ailleurs pas corrélée à un moindre rejet de CO2 au niveau de l'entreprise, y compris sur la durée, selon une étude publiée en septembre par la banque des règlements internationaux.

D'autres entreprises, comme la maison de luxe Chanel, émettent des "dettes de développement durable" (sustainability linked bonds), où l'argent peut servir à n'importe quel projet, mais l'entreprise s'engage à atteindre des objectifs de développement durable et, en cas d'échec, à payer des pénalités. A partir du 1er janvier 2021, elles seront acceptées en garantie par la BCE, a annoncé l'institution mi-septembre.

"Il y a des critères d'évaluation, mais l'investisseur doit faire sa propre sélection" en fonction de ses exigences et des données disponibles, complète Mme Razauskaite.

afp/lk