Paris (awp/afp) - La Commission de régulation de l'énergie (CRE) met la pression sur les fournisseurs d'électricité alternatifs, dont l'un, Ohm Energie est désormais sous le coup d'une première enquête, soupçonné d'avoir fait des profits indus sur les marchés avec une électricité nucléaire achetée bon marché à EDF.

Les prix de gros de l'électricité en Europe ont explosé depuis la guerre en Ukraine, dépassant parfois 1000 euros le mégawattheure contre moins de 50 euros historiquement, au point que l'Union européenne envisage désormais sérieusement une réforme du marché.

Cette flambée des prix a conduit le gendarme français de l'énergie à renforcer cet été sa surveillance des opérateurs en France, qui bénéficient d'une électricité de facto subventionnée.

"Une première enquête a été lancée sur la société Ohm Energie, ce qui ne préjuge en rien à ce stade de l'existence ou non de manquements que seule une instruction au fond permettra le cas échéant d'établir", a annoncé la commission vendredi dans un communiqué.

Elle "confirme que certains fournisseurs font l'objet d'investigations en cours, en particulier s'agissant d'agissements susceptibles de constituer un abus d'Arenh" (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique), c'est-à-dire le mécanisme par lequel les fournisseurs achètent de l'électricité nucléaire à bon marché auprès d'EDF.

Cette première enquête, révélée par Le Parisien, vise le fournisseur alternatif Ohm Energie, fondé en 2018 et qui revendique 250'000 compteurs, contre environ 100'000 il y a un an.

Contacté par l'AFP, il avait affirmé plus tôt "n'avoir reçu aucune notification de la CRE concernant le lancement d'une procédure à son encontre".

L'autorité indépendante présidée par l'ancienne ministre Emmanuelle Wargon le soupçonne d'avoir acheté de l'électricité nucléaire issue de l'Arenh et de l'avoir revendue sur les marchés à un tarif supérieur au lieu d'en faire profiter ses clients.

Des faits que conteste Ohm Energie, qui assure n'avoir "jamais revendu le moindre kWh de l'Arenh sur les marchés", selon son président François Joubert, un ancien ingénieur d'EDF.

"Ses tarifs après augmentation restent inférieurs ou équivalents à ceux de ses concurrents et (...) elle compte les maintenir tout l'hiver sans augmentation supplémentaire", a encore soutenu la société.

"La responsabilité de la crise n'est pas à chercher chez les alternatifs mais plus dans une indisponibilité catastrophique du nucléaire", a dit M. Joubert à l'AFP.

"faille spéculative"

Les investigations de la CRE pourront mener à une saisine du Comité de règlement des différends et sanctions (CORDIS), qui pourra décider d'éventuelles sanctions.

Dans un communiqué, l'association de consommateurs CLCV explique avoir déjà alerté depuis des mois les autorités sur "un risque de faille spéculative Arenh" de la part des fournisseurs alternatifs.

Le problème selon elle, un "contournement des règles Arenh" qui consiste "à vouloir beaucoup de clients en avril et septembre" au moment du "contrôle des quantités Arenh".

"Pendant l'hiver, ils démarchaient les clients avec un tarif avantageux, de -10% environ par rapport au tarif réglementé, sauf que dans le contrat, le tarif ne commençait qu'à partir d'avril", a décrit à l'AFP François Carlier, délégué général de la CLCV.

"Ils ne veulent avoir des clients qu'entre août et fin septembre, quand il n'y a pas de chauffage et qu'il y a les contrôles d'Arenh", a-t-il résumé.

Selon l'association, des soupçons visent aussi sur la société Mint Energie contre laquelle la société a engagé une action de groupe. "Mint a pratiqué des prix plus bas que d'habitude sur une période de contrôles Arenh", souligne M. Carlier.

Le marché de l'électricité a été ouvert à la concurrence en 2007 pour les particuliers, une ouverture entamée dès 1999 pour les entreprises très consommatrices d'énergie.

Fin août, la CRE a appelé les fournisseurs "à adopter un comportement responsable", en pleine flambée des prix de gros, nourrie d'abord par la reprise post-Covid puis par la guerre en Ukraine qui a fait grimper les cours du gaz. Pour le régulateur du secteur, il s'agit notamment de s'assurer de la régularité des modifications des contrats en cours et contrôler l'absence de "bénéfice indu" sur l'Arenh.

Le régulateur rappelle que les particuliers et certains petits professionnels peuvent toujours changer de contrat, et choisir les tarifs réglementés d'EDF, gelés depuis février par le "bouclier tarifaire" du gouvernement.

afp/ck