PARIS (Reuters) - Un rejet du projet de réorganisation d'EDF maintiendrait le groupe dans une position difficile en le privant de nouveaux moyens financiers sans lesquels sa part dans la production d'électricité en France "baisserait rapidement", fait valoir son PDG, Jean-Bernard Lévy, dans un courrier aux syndicats.

La France tente depuis plusieurs mois de finaliser ses négociations avec la Commission européenne en vue d'une nouvelle régulation du parc nucléaire d'EDF, qui passerait par une hausse du prix de vente de sa production et s'accompagnerait d'une refonte du groupe.

Celle-ci doit, selon Jean-Bernard Lévy, permettre à EDF d'investir davantage dans les énergies renouvelables - en particulier le solaire et l'éolien -, appelées à monter en puissance en France face au nucléaire et à représenter jusqu'à 50% de la production d'électricité du pays à l'horizon 2035.

"Pour rester un grand acteur du secteur électrique en France, EDF doit impérativement être en mesure d'investir dans ces nouvelles formes de production électrique. Dans le cas contraire, la part d'EDF dans la production d'électricité en France baisserait rapidement", fait valoir le PDG dans son courrier adressé le 28 avril aux secrétaires généraux des grandes fédérations syndicales.

Le projet de réorganisation, précédemment nommé "Hercule", passerait par la création d'un ensemble regroupant le parc nucléaire et thermique, qui serait intégralement renationalisé et qui détiendrait lui-même 100% d'une entité dédiée à l'hydroélectricité, dans un système de quasi-régie permettant d'éviter une mise en concurrence des barrages du groupe.

EDF, dont l'Etat détient aujourd'hui 83,7% du capital, créerait une troisième entité regroupant les énergies renouvelables, la distribution, les services et la commercialisation, dont le capital serait ouvert à des actionnaires minoritaires - potentiellement à hauteur de 30% - et bénéficiant d'un financement propre.

"CE PROJET PEUT BIEN ENTENDU ÊTRE REJETÉ EN BLOC"

Le projet suscite toutefois une vive opposition des syndicats et d'une partie de la classe politique, qui mettent en garde contre le risque de démantèlement et le début d'une privatisation d'EDF.

"Ce projet peut bien entendu être rejeté en bloc. Mais y renoncer nous exposerait collectivement à poursuivre dans la situation que nous connaissons depuis 10 ans et dont le groupe souffre profondément", estime Jean-Bernard Lévy.

"Avant de finaliser les discussions avec la Commission européenne" et après une série de rencontres avec les syndicats à Bercy qui doivent se poursuivre dans les jours qui viennent, le PDG dit également son souhait que les représentants des salariés "puissent s'approprier le projet dans toutes ses dimensions, parfois complexes, et formuler des propositions".

"Les conditions dans lesquelles est né et s'est développé ce projet n'ont pas facilité la co-construction ni l'appropriation avec les salariés et leurs représentants, et je le regrette", écrit également Jean-Bernard Lévy.

EDF n'a pas souhaité commenter ce courrier.

"De notre point de vue, votre lettre (...) vise probablement à disloquer une interfédérale soudée et qui vous pose un problème depuis le début", a réagi la fédération des mines et de l'énergie de la CGT dans une réponse au PDG.

Le syndicat "ne voit pas comment le personnel et (ses) collègues pourraient s'engager dans la voie (du) projet de scission d'EDF" et redit son "opposition frontale permanente" à la réorganisation envisagée, tout en prônant une "sortie du marché" de l'électricité et du gaz, qu'elle compte promouvoir dans le cadre de diverses actions en région au mois de mai et lors d'une manifestation nationale à Paris le 22 juin.

(Benjamin Mallet, édité par Blandine Hénault et Jean-Michel Bélot)