(Actualisé avec réactions d'EDF et Total)

PARIS, 20 mai (Reuters) - Le tribunal de commerce de Paris a ordonné mercredi à EDF de ne plus s'opposer à la suspension d'une partie des engagements d'achat d'électricité pris par Total dans le cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), en jugeant que la clause de force majeure peut être valablement invoquée dans le contexte du coronavirus.

Dans son ordonnance de référé, dont Reuters a obtenu une copie, le président du tribunal considère que les conditions de la force majeure, telle que définie dans l'accord-cadre liant les parties, "sont manifestement réunies". Il condamne également EDF à verser 50.000 euros à Total Direct Energie.

EDF a annoncé son intention de faire appel afin d'obtenir un jugement au fond tandis que Total a fait savoir qu'il prenait acte de la décision du tribunal et qu'il ne ferait pas d'autre commentaire sur "cette affaire commerciale".

Sa filiale Total Direct Energie et d'autres fournisseurs alternatifs d'électricité cherchaient depuis mi-mars à obtenir la suspension d'une partie au moins de leurs contrats d'Arenh en faisant valoir que, sous l'effet du coronavirus et des mesures de confinement, ils disposaient d'un surplus d'électricité qu'ils devaient écouler sur le marché à un prix bien inférieur à celui auquel ils l'avaient acheté.

Réclamant l'activation d'une clause de force majeure qui leur permettrait de mettre fin aux livraisons des volumes d'Arenh et de s'approvisionner sur le marché à un prix beaucoup plus bas, ils s'étaient vu opposer une fin de non-recevoir par l'électricien public, ainsi que par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et le Conseil d'Etat.

Le président du tribunal de commerce observe quant à lui dans sa décision que "la diffusion du virus revêt, à l'évidence, un caractère extérieur aux parties, qu'elle est irrésistible et qu'elle était imprévisible comme en témoigne la soudaineté et l'ampleur de son apparition".

Il relève également que Total Direct Energie est "confrontée à une baisse brutale et imprévisible de la consommation", ce qui conduit la société "à céder des quantités qu'elle est dans l'obligation d'acheter auprès d'EDF à un prix très sensiblement inférieur à son coût d'acquisition", la CRE constatant un prix de 21 euros par mégawatt-heure (MWh) contre un coût d'achat de 42 euros par MWh.

Il en résulte donc pour la filiale de Total "des pertes importantes immédiates et définitives sur une durée dont elle n'a pas la maîtrise".

Le tribunal a en outre jugé recevable l'intervention de l'AFIEG (Association française indépendante de l'électricité et du gaz), qui s'était associée à la procédure de Total pour défendre les intérêts de ses membres - parmi lesquels Gazprom Energy, Alpiq, BKW, Enel, E.ON et Vattenfall.

Gazel Energie, ex-filiale de l'allemand Uniper désormais détenue par la holding EPH, propriété du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, a elle aussi engagé une procédure devant le tribunal de commerce de Paris, pour laquelle une décision doit intervenir fin mai. (Benjamin Mallet, édité par Bertrand Boucey)