Il y a un an et demi, l’éditeur de jeux vidéo lançait EA Sports FC 24, la nouvelle version de sa franchise phare, connue auparavant sous le nom de FIFA. N’ayant pas trouvé d’accord financier avec l’organisation éponyme pour le renouvellement de la licence, Electronic Arts avait en effet préféré changer le nom du jeu. Et pour cause, les montants réclamés par la FIFA étaient de l’ordre de 2.5 milliards de dollars sur 10 ans, selon la presse anglophone.
Résultats décevants
Ce changement de nom était-il une erreur ? Nous n’avons sans doute pas assez de recul pour répondre à cette question avec certitude. Mais nous savons que les dernières nouvelles ne sont pas rassurantes. L’entreprise vient d’abaisser ses prévisions pour 2025, avec un chiffre d'affaires estimé à 2,22 milliards de dollars pour le troisième trimestre de son exercice fiscal. Les analystes interrogés par FactSet s'attendaient à 2,51 milliards de dollars. Ces prévisions ont fait chuter le titre de 17%.
L'éditeur américain de jeux vidéo, qui tablait initialement sur une croissance de 5% de ses réservations nettes, prévoit désormais une chute de 5%, invoquant le récent ralentissement de son activité "Global Football" après deux exercices consécutifs de croissance à deux chiffres. En effet les performances de sa principale franchise FC 25 sont décevantes, avec en particulier un repli des achats sur le mode Ultimate Team, qui sont donc effectués après l’achat du jeu en lui-même pour progresser plus vite ; c’est ce qu’on appelle dans le jargon du jeux vidéo les microtransactions. Un autre titre a enregistré une performance décevante : Dragon Age. 1.5 million de joueurs ont été recensés durant le trimestre soit 50% de moins que les prévisions d’Electronic Arts.
Trop de jeux…
La contre-performance d’Electronic Arts est symbolique d’une industrie où l’offre est devenue trop abondante par rapport à la demande. La croissance des ventes observée pendant la pandémie de Covid a poussé les studios à produire plus de jeux. Des jeux qui sont désormais sur le marché, alors que la demande a ralenti. Selon les calculs du Financial Times, 19 000 jeux sont sortis sur la plateforme Steam en 2024.
Pour le dire simplement, les éditeurs se sont mis à produire des jeux comme si tous les joueurs allaient passer 10 heures par jour devant leurs consoles pour le restant de leur vie et dépenser tout leur budget loisirs en jeux vidéo. Ce qui n’est évidemment pas le cas, d’autant que l’inflation a forcé les consommateurs à faire des arbitrages dans leurs dépenses. Et en face de cela, le prix des jeux a augmenté ces dernières années. Le prix classique d’un jeu AAA (les blockbusters comme FIFA ou Call of Duty), est désormais de 80 euros contre 60 à 70 euros il y a encore peu de temps.
… et GTA VI
Le warning d’Electronic Arts fait suite à ceux d’autres grands noms du secteur. Ainsi, Sony a récemment fermé deux studios après le flop monumental du jeu Concord, et ses 200 millions d’euros de coût de développement. Plus proche de nous, Ubisoft n’en finit plus de décevoir les investisseurs. Star Wars Outlaws a été un échec commercial cuisant et la sortie du prochain Assassin’s Creed ne cesse d’être repoussée.
Et tout ce petit monde n’est sans doute pas au bout de ses peines car ils devront bientôt affronter GTA VI. Le jeu vidéo le plus attendu de l’Histoire pourrait en effet sortir fin 2025, soit 12 ans après la dernière version. Une éternité à l’échelle de cette industrie. Et selon les estimations, le nouvel opus du blockbuster de Rockstar Games, propriété de Take-Two Interactive, devrait dépasser 1 milliard de dollars de revenus… grâce aux seules précommandes.
Fin de partie pour EA ?
Malgré des performances positives sur les deux dernières années, le titre a largement sous-performé son indice de référence le Nasdaq100 (+ 20% contre + 94% entre début 2023 et fin 2024). Et malgré l’ajustement du cours consécutif à la révision des objectifs, la valorisation reste élevée. A 30.3 fois les bénéfices 2025, Electronic Arts est certes un peu en-dessous de sa moyenne 10 ans (31 fois) mais cela nous parait toujours trop élevé compte tenu de l’incertitude sur les résultats. Résultats dont les révisions sont plutôt orientées à la baisse ces derniers mois.
Pour l’heure les analystes de Zonebourse rejoignent donc les conclusions de leurs confrères de Wedbush qui estiment que l’action est « dead money » jusqu’à ce qu’Electronic Arts dévoile sa guidance pour l’année complète, communication qui a lieu traditionnellement début mai, à l’occasion des résultats du 4ème trimestre.