par Joan Faus et Sergio Goncalves
BARCELONE/LISBONNE, 9 décembre (Reuters) - Le projet
d'interconnexion sous-marine entre Barcelone et Marseille visant
à transporter de l'hydrogène vert coûtera environ 2 milliards
d'euros, selon des estimations provisoires, ont déclaré deux
sources à Reuters.
Ce projet "BarMar" qui réunit Espagne, France et Portugal
reflète la volonté des Européens d'accélérer les énergies
renouvelables comme alternative au gaz russe dans le contexte de
crise énergétique déclenchée par la guerre en Ukraine.
Madrid et Lisbonne ont pour objectif de devenir des
exportateurs nets d'énergie et des plates-formes de distribution
d'hydrogène, ce qui crée des tensions avec la France qui
ambitionne de produire son propre hydrogène à partir du
nucléaire.
Les dirigeants des trois pays, qui se retrouveront ce
vendredi à Alicante, en Espagne, pour un sommet des pays du sud
de l'Union européenne, devraient débattre avec la présidente de
la Commission, Ursula von der Leyen, du calendrier et du
financement de ce chantier.
Les deux milliards d'euros estimés n'intègrent pas le coût
lié à l'installation des connexions terrestres, précisent les
deux sources interrogées par Reuters. Selon l'une d'entre elles,
une source industrielle, il pourrait s'élever à environ 3
milliards d'euros en fonction du tracé sous-marin du "pipeline".
Le projet "BarMar" a été proposé en octobre pour remplacer
le projet de gazoduc "MidCat" reliant la Catalogne à la région
Midi-Pyrénées, défendu par l'Espagne et le Portugal mais auquel
la France s'oppose.
La canalisation ne transportera que de l'hydrogène, afin de
respecter les objectifs de financement de l'UE, même si des
"améliorations" pourraient être apportées dans le futur afin
d'acheminer du gaz, a dit une source gouvernementale espagnole.
CALENDRIER INCERTAIN
Le président français Emmanuel Macron, le président du
gouvernement espagnol Pedro Sanchez et le Premier ministre
portugais Antonio Costa envisagent de présenter rapidement une
demande de financement auprès de l'UE peut-être dès le début de
la semaine prochaine, ont déclaré cette source espagnole et une
source à l'Elysée.
Selon la source industrielle, les trois pays incitent leurs
gestionnaires de transport gazier à accélérer les études
techniques, les plans et les évaluations de coûts.
Les ministères espagnol et français de l'énergie ainsi que
les opérateurs espagnol Enagas, portugais REN et
français GRTgaz et Téréga n'ont pas souhaité commenter les
estimations financières.
Le calendrier reste incertain. Sans tenir compte d'obstacles
techniques, environnementaux ou réglementaires, le chantier
pourrait être achevé en quatre ou cinq ans, a dit à Reuters la
première source proche du dossier.
Selon la deuxième source proche du secteur, les responsables
français considèrent comme optimiste la date de 2030 pour
l'achèvement du chantier.
Une grande part de l'investissement européen dans
l'hydrogène concerne la péninsule ibérique. La compagnie
pétrolière Cepsa a annoncé le 1er décembre qu'elle investirait 3
milliards d'euros dans cette énergie renouvelable. Le Portugal
veut également devenir un pays producteur et exportateur de
premier plan.
Certains observateurs restent sceptiques sur les chances de
succès de "BarMar". Faig Abbasov, de l'ONG basée à Bruxelles
Transport & Environment, qualifie le projet de "cosmétique" pour
réduire les tensions politiques liées au projet MidCat.
"Quand vous avez déjà un pipeline terrestre, pourquoi
construire un pipeline sous-marin ?" interroge-t-il. "L'Espagne
ferait mieux d'exporter par voie maritime."
(Avec la contribution de Belén Carreño, Michel Rose et Charlie
Devereux; version française Jean-Stéphane Brosse)