Sur le papier, 2024 s’inscrit largement dans la continuité de 2023 malgré une baisse de 6% du profit d’exploitation hors activités nucléaires. Engie réalise ainsi un cash-flow d’exploitation de €13.1 milliards, comme l’an passé, avec des investissements qui eux s’élèvent à €10 milliards, contre €10.6 milliards l’an passé.

A ce titre, le cash-flow libre atteint €3.1 milliards en 2024, contre €2.5 milliards en 2023. Si ce développement semble salué par le marché, notons qu’il ne couvre pas la distribution de dividendes qui atteint elle €4.1 milliards. L’année dernière déjà, le dividende n’était pas couvert par le cash-flow libre, d’où deux années consécutives de hausse de l’endettement — qui augmente encore de €3.7 milliards cette année, sans dégrader les ratios de solvabilité cependant.

Zonebourse confesse ne se sentir qu’à demi-confortable avec cette situation. D’autant que la question de la création de valeur, qui se pose de manière aigüe chez tous les grands énergéticiens européens, laisse place ici à de considérables inconnues.

Exemple flagrant avec le segment renouvelables d'Engie, bien sûr au centre de sa communication financière. En 2024, le groupe a porté sa capacité totale en génération d’énergies renouvelables à 46GW — grosso modo répartis pour moitié entre l’hydro d’un côté, et le tandem éolien-solaire de l’autre — contre 41.4GW à la fin 2023. Sa capacité totale, pour sa part, atteint 102GW.

Cette expansion a englouti €4 milliards d’investissements sur les douze derniers mois, soit un montant identique à 2023. Or, le profit d’exploitation du segment recule de €196 millions en 2024. Même chose sur le segment gaz, dont le profit d’exploitation recule de €46 millions malgré l’engagement de €1.2 milliard d’investissements supposés « de croissance ».

Dans un cas comme dans l’autre, il est bien naturel et légitime de soutenir qu’il faut donner du temps au temps. Toutes ces nouvelles capacités, après tout, ne s’installent pas du jour au lendemain. N’en reste pas moins que ces dynamiques soulignent bien comme il est difficile d’amortir des investissements colossaux et de parvenir à créer de la valeur sur ceux-là. 

Toujours contrôlé à hauteur du quart du capital par l’Etat français, Engie, au fond, n’aurait-il pas intérêt à se concentrer sur l’exploitation de ses meilleurs actifs — par exemple son segment réseaux, de loin le plus stable et le plus rentable — ou au moins à mettre le holà sur ses projets d’expansion ?

C’est sans doute en sachant que la question serait sur toutes les lèvres — elle l’est depuis trente ans quand on pense à la situation de l’énergéticien — que le management met en avant un cash-flow libre théorique avant projets de croissance de €7.5 milliards sur une base annuelle. Mais à quoi cela avance-t-il vraiment les actionnaires ?

Le marché n’est bien entendu pas complètement dupe. Il valorise d’ailleurs le titre du groupe en premier chef par rapport à son rendement sur dividende, qui atteint 8.6% au cours du moment si le dividende proposé pour 2024 est approuvé en assemblée générale, ce qui trahit ici un niveau de défiance élevé. 

Il est vrai que les prévisions d'Engie n’indiquent pas de croissance du profit d’exploitation supposé « récurrent »  sur les trois prochains exercices annuels. Ceci, malgré des investissements supposés de « croissance » on l’a dit conséquents.