La mesure, prise par le secrétaire à l’Intérieur Doug Burgum, va au-delà du gel de nouvelles concessions ou du ralentissement des procédures d’octroi de permis. L’ordre de suspendre la construction repose sur des doutes émis quant à la validité de l’analyse environnementale du projet. Dans un mémorandum rendu public, Burgum explique que "l'approbation du projet a été précipitée par l'administration précédente sans analyse suffisante ni consultation des agences concernées quant aux effets potentiels du projet".
Donald Trump avait fait campagne sur la promesse de mettre un terme au développement de l’éolien en mer, qu’il jugeait coûteux et nuisible à la faune marine, notamment aux baleines et aux oiseaux. Dès son entrée en fonction en janvier, il avait signé un décret suspendant l’attribution de nouveaux baux éoliens en eaux fédérales.
1,6 milliard de dollars déjà engagés, 3500 emplois menacés
"Le fait d’arrêter un projet énergétique financé et autorisé envoie un signal très clair à toutes les entreprises – bien au-delà de l’éolien offshore – que leurs investissements aux Etats-Unis ne sont pas en sécurité", a réagi Liz Burdock, directrice générale de l’Oceantic Network, qui défend la filière. Selon Oceantic, Empire Wind a déjà généré 1,6 milliard de dollars d’investissements dans la chaîne d’approvisionnement et soutient plus de 3 500 emplois. L’ensemble du secteur prévoit jusqu’à 65 milliards de dollars d’investissements d’ici à 2030, selon l’American Clean Power Association.
Plusieurs représentants de l’industrie ont exprimé leur incompréhension face à une décision qu’ils jugent en contradiction avec la volonté affichée de l’administration de renforcer la production énergétique nationale. "Le décalage grandissant entre la demande croissante d’électricité et l’offre disponible constitue une menace sérieuse pour la croissance économique", a déclaré Hillary Bright, directrice exécutive de Turn Forward. "Il est clairement dans notre intérêt national de déployer des sources d’énergie telles que l’éolien en mer."
Plusieurs acteurs impactés, surtout en Europe
Equinor a confirmé avoir suspendu les travaux, en précisant vouloir dialoguer avec l’administration pour mieux cerner les préoccupations relatives à son permis. Le département de l’Intérieur n’a pas réagi dans l’immédiat.
L’arrêt d’Empire Wind, un des quatre projets offshore actuellement en construction aux Etats-Unis, laisse planer le doute sur l’avenir des autres chantiers. Deux d’entre eux sont portés par le Danois Orsted : Sunrise Wind, également au large de New York, et Revolution Wind, au large de Rhode Island. Le quatrième, Coastal Virginia Offshore Wind, est mené par Dominion Energy. "Le chantier de Coastal Virginia Offshore Wind est achevé à plus de 50 % et reste dans les délais pour une mise en service fin 2026", a précisé un porte-parole de Dominion, ajoutant que les autres zones louées ne faisaient l’objet d’aucun plan ferme à ce stade. Orsted n’avait pas communiqué jeudi soir.
Paradoxalement, les entreprises du secteur n'ont pas décroché hier : Equinor et Orsted ont terminé assez proche de l'équilibre. Certains autres acteurs de l'industrie ont été plus impactés, à l'image de Vestas (-2,7%), de DEME (-4,6%) ou de SIF Holding (-7,6%)
L’Association nationale des industries océaniques (NOIA), qui regroupe notamment les acteurs de l’éolien et des hydrocarbures offshore, a indiqué vouloir trouver un terrain d’entente avec les autorités fédérales. De leur côté, les défenseurs de l’environnement s’inquiètent des conséquences de cette volte-face réglementaire sur l’attractivité du pays pour les investisseurs. Mais faire bouger l'administration Trump sur le sujet s'annonce très, très compliqué.