Les lecteurs se souviendront peut-être de nos derniers commentaires le concernant. Sinon, voir à ce sujet Ericsson AB : Tonneau des danaïdes publié en octobre 2023, et Ericsson AB : Le pire est-il passé ? publié trois mois plus tard dans ces mêmes colonnes.

Ce n’était pas la première fois que les actionnaires d’Ericsson priaient pour qu’enfin le pire soit passé. Il y a cinq ans, tous les espoirs étaient déjà permis tant le suédois semblait idéalement placé pour saisir au vol le nouveau cycle  d’investissements des grands opérateurs. Même Zonebourse y a cru. Voir à ce sujet Ericsson AB : Prêt pour la 5G.

Hélas, 2024 s’achève sur un bilan mitigé. Le chiffre d’affaires recule de 6%, secoué par des dégringolades massives en Asie, avec des ventes qui reculent de 38% sur la zone Asie du Sud-Est et Océanie, et de 19% en Asie du Nord-Est. L’ensemble est sauvé par un marché nord-américain qui reprend des couleurs, puisque les ventes y progressent de 24%.

Toujours à court de ressources — leurs retours sur capitaux sont anémiques, leurs endettements trop lourds et les exigences de leurs actionnaires en matière de dividendes excessivement élevées — les opérateurs n’ont toujours pas lancé le « grand bond en avant » tant attendu dans la modernisation de leurs infrastructures. 

En conséquence, malgré leur position compétitive privilégiée en duopole, les deux grands équipementiers occidentaux Ericsson et Nokia n’ont pas enregistré de croissance des volumes de commandes, ni pu passer les hausses de prix qui leur permettrait au moins de répercuter l’inflation de leurs coûts. Voir à ce sujet Nokia Oyj : Surplace parti pour durer.

Cette année encore, le segment Réseaux — qui représente les deux-tiers du chiffre d’affaires consolidé d’Ericsson — voit ses ventes reculer de 8% au fil des douze mois qui s’achèvent. La performance des deux autres segments Logiciels & Services et Entreprises n’est guère plus reluisante. 

Cela dit, au niveau consolidé, le cash-flow libre est positif et s’améliore très notablement. Il atteint 40 milliards de SEK en 2024, soit $3.6 milliards de dollars américains, ce qui retient forcément l’attention face à la valeur d’entreprise de l’équipementier qui oscille actuellement autour de $25 milliards.

On tempérera cet enthousiasme en soulignant que la moitié de ce cash-flow libre découle d’une diminution du besoin en fonds de roulement — en clair : d’une baisse de l’activité. Le résultat net est d’ailleurs à zéro, ce qui en soi représente une nette amélioration par rapport à la perte de $2.6 milliards subie durant l’exercice précédent. 

Tout ceci pour dire que la situation d’Ericsson en ce début d’année 2025 n’est somme toute pas si différente de celles dans lesquelles il se trouvait déjà aux débuts de 2024 ou de 2020. Le sens de l’urgence étant réel, le plan de restructuration implémenté depuis maintenant un certain temps et la conjoncture si morose qu’on imagine mal qu’elle puisse encore empirer, l’espoir d’une prochaine amélioration semble promis.

C’est d’ailleurs ce que semble penser Investor AB, puisque la holding de la famille Wallenberg — qui se distingue elle par un parcours quasi sans-fautes — a augmenté sa participation au capital d’Ericsson cette année. Voir à ce sujet Investor AB : La holding de la famille Wallenberg boucle une excellente année.

Le bilan à long terme de l’équipementier reste en tout cas épouvantable. Son profit d’exploitation est identique en 2024 au niveau qu’il occupait il y a vingt ans. Sauf que la couronne suédoise n’a eu de cesse de se déprécier face au dollar depuis ; en billets verts, le profit d’exploitation annuel d’Ericsson a ainsi été divisé par deux en deux décennies. 

Nokia a été davantage épargné par cette érosion. Voir à ce sujet notre dernier commentaire de résultats du groupe finlandais Nokia Oyj : Un niveau de valorisation qui retient l'attention.