D’une activité historique tournée vers la R&D dans les diagnostics et les solutions thérapeutiques associant pertes opérationnelles et recapitalisations récurrentes, le groupe a entamé un virage stratégique au début des années 2010 visant à intégrer l’activité de distribution, profitable et moins sujette aux risques de développement. Cinq acquisitions plus tard, cette medtech publie des résultats solides tout en conservant un déficit reportable de 125 M€. Surtout, elle est en première ligne pour répondre à l’explosion de la demande de tests Covid-19. Entretien avec le directeur général Denis Fortier.

Tout d’abord, quel est le positionnement d’Eurobio Scientific ?

"Eurobio est un groupe de diagnostic in vitro de spécialités qui s’est constitué par croissance externe. Notre métier consiste essentiellement à adresser des réactifs aux laboratoires d’analyse et aux hôpitaux. Nous bénéficions d’une tendance de fond : le besoin croissant de diagnostic pour une médecine en quête d’efficacité. Les activités du groupe vont de la R&D à la distribution de produits propriétaires (15 % du CA) ou tiers qui répondent aux besoins des médecins spécialistes prescripteurs et aux biologistes spécialisés. Nos tests, réalisés en petites et moyennes séries, font appel à des technologies sophistiquées qui permettent de diagnostiquer des maladies graves. La croissance de notre marché est supérieure à celle de l’ensemble du marché des diagnostics, globalement stable en France où nous réalisons 85% de nos ventes. La concurrence est modérée sur nos marchés, nous occupons en France la place de 1er distributeur grâce à notre très bonne implantation dans les grands plateaux techniques d’acteurs comme Eurofins ou Cerba. L’atteinte d’une taille critique en 2018 nous a donné un leadership fort sur le marché français qui nous positionne désormais comme un acteur de référence prenant part au mouvement de consolidation actuel dans le secteur, au côté de grands acteurs internationaux comme Biomérieux, Roche ou Becton Dickinson."

Les marchés d'Eurobio

Quel regard portez-vous sur les résultats de l’exercice 2019 qu’Eurobio Scientific vient de publier ?

"Nous sommes très satisfaits de ces résultats qui confirment la réalisation des objectifs de croissance et de rentabilité avec près d’un an d’avance. Le chiffre d’affaires 2019 atteint 59,1 M€ en hausse de 17% dont 15% à périmètre comparable, c’est-à-dire en excluant les ventes des sociétés acquises Pathway et Personal Diagnostics. Le retrait de la marge brute de 37,6% à 33,8% est lié au renchérissement du dollar en 2019 et à des réallocations de charges classées précédemment en frais généraux et administratifs qui n’empêchent pas notre EBITDA de progresser de 40% à 7,0 M€. Le bas du compte de résultat traduit cette tendance à l’amélioration globale de notre profitabilité avec, hors amortissement des écarts d’acquisition et produit d’impôt, un résultat net bénéficiaire de 3,0 M€. Eurobio Scientific confirme ainsi l’effet vertueux d’une organisation structurée pour une croissance supérieure au marché et source de levier opérationnel sur nos marges.

Cette bonne rentabilité nous permet de renforcer notre capacité à produire et distribuer des outils de diagnostic essentiels pour la médecine. Notre mobilisation rapide pour offrir une gamme complète de tests et d’équipements pour les laboratoires publics et privés qui sont en première ligne dans la lutte contre l’épidémie COVID-19 en est la preuve."

Que pouvez-vous nous dire à l’heure actuelle sur ce nouveau débouché ?

"Dans le contexte de crise sanitaire lié à l’épidémie COVID-19, Eurobio Scientific a réussi à mettre rapidement à disposition des laboratoires publics et privés une gamme de tests efficaces, importés ou produits en interne. Le Groupe répond actuellement au surcroît d’activité, à de nouveaux besoins d’installation et d’entretien d’instruments dans la soixante de laboratoires clients hospitaliers et privés, et monte en charge dans la fabrication de kits de tests propriétaires. Depuis le début de la crise, les produits vendus sont les tests de biologie moléculaire destinés à identifier la présence du virus. Il s’agit du test Allplex Coronavirus du coréen Seegene dont Eurobio Scientific est le distributeur exclusif en France (volume livré actuellement : 100 000 tests par semaine avec une montée en puissance dans les semaines à venir) et du test propriétaire EBX 041 SARS CoV2, conçu et produit en interne. Eurobio Scientific a enregistré sur mars-avril un montant total de commandes d’environ 14 millions d’euros pour tous les tests et équipements liés à Covid-19, dont 7 millions d’euros ont déjà été facturés.

De surcroit, à ces tests de biologie moléculaire vont progressivement s’ajouter les tests sérologiques dont l’objectif est d’identifier dans le sang la présence ou non d’anticorps dirigés contre le virus, pour lesquels Eurobio Scientific est prêt avec le lancement d’un premier test sérologique automatisé MagLumi COVID-19 de son partenaire chinois SNIBE. Nous attendons la validation sur le terrain par le CNR de ce test même si son marquage CE nous autorise déjà à le mettre en vente."

Quelles sont vos perspectives 2020 dans ce contexte ?

"Il est trop tôt pour vous donner des chiffres. Ce que nous pouvons vous dire à date, c’est que les services de santé s’étant concentrés prioritairement sur la lutte contre Covid-19, un certain nombre d’actes médicaux courants ont été annulés ou reportés. Dans ce contexte, la société anticipe donc un ralentissement de son activité hors Covid-19 mais, à date, le surcroît d’activité lié à Covid-19 a plus que compensé ce ralentissement et la société s’attend à une augmentation sensible de son chiffre d’affaires sur l’exercice 2020. A moyen terme, le nombre important de nouvelles machines installées actuellement chez nos clients laboratoires constituent un actif indéniable car ces machines permettront dans les prochaines années de réaliser bien d’autres tests et donc de vendre des réactifs de façon récurrente et très rentable."

Sur quel type de marge brute tablez-vous sur ces tests Covid ?

"La marge brute est très variable selon le type de test et selon que nous sommes propriétaires du test ou simple distributeur. Les tests PCR seront relutifs pour la marge brute du groupe et mieux margés que les tests de sérologie de façon générale. Les tests les moins margés commencent à 25% de marge brute et les mieux margés peuvent monter à 80%. La répartition des ventes COVID-19 est imprévisible pour le moment."

Quelle est la situation bilantielle d’Eurobio ?

"Nous avons très récemment renouvelé nos moyens financiers en levant 11 M€ de dette avec une maturité de 6 ans et un taux d’intérêt inférieur à 2%. La forte augmentation d’activité qui nous attend nous amène à envisager le recours à un Prêt Garanti par l’Etat. Cela viendra renforcer le montant total de la trésorerie qui s’élevait à 7,6 M€ au 31 décembre 2019 pour des capitaux propres de 35,2 M€. La dette financière était elle en réduction à 15,1 M€ hors crédit-bail par rapport à 20,0 M€ à fin 2018. Cette baisse d’environ 25% traduit la volonté du groupe de poursuivre son désendettement pour pouvoir relancer sa politique d’acquisition à l’échelle européenne."

Le bilan de la société