Fondée en 1987, l’entreprise comptait initialement 1 laboratoire et 4 employés spécialisés dans la chimie analytique. Eurofins Scientific a fait ses débuts en développant une méthode d’analyse pour étudier la composition, la pureté et l’origine de différents produits alimentaires dans le but d’identifier de potentielles fraudes, indétectables jusqu’à lors.

Aujourd’hui, le groupe exploite plus de 900 laboratoires et compte environ 55 000 employés dans plus de 50 pays. Plus de 450 millions de tests sont réalisés chaque année dans les différentes unités qui détiennent désormais un portefeuille de 200 000 méthodes d’analyses et travaille avec 90% des leaders mondiaux des industries alimentaires et pharmaceutiques. Dans les années 2000, à la suite du large développement dans l’industrie alimentaire, Eurofins Scientific a commencé à s'adresser à l’industrie pharmaceutique, aux biotechnologies et aux sciences agronomiques pour les accompagner dans le développement et la certification de leurs produits. Dans un même temps, alors que la pérennité de l’environnement n'était pas encore autant remise en question, les équipes de recherche du groupe se sont intéressées à la sûreté environnementale et ont développé des batteries de test pour analyser la composition de l’eau, de l’air et des sols. Ce n’est que plus tard, en 2014, que la branche relative aux diagnostics cliniques à vu le jour. Un segment en pleine croissance qui va lui permettre de s'installer dans des marchés de niche à forte valeur ajoutée (transplantation, oncologie, traitements personnalisés) et ainsi creuser l'écart avec ses concurrents.

 

Evolution historique du chiffre d'affaires de Eurofins Scientific. Source : Communiqué officiel Eurofins Scientific

Tout comme le font les géants du secteur pharmaceutique, Eurofins Scientific base son développement sur une stratégie de croissance externe et d’acquisition de brevets (plus de 300 acquisitions en 23 ans). A noter que l’entreprise n’a pas indiqué vouloir se séparer de certaines activités dans le futur proche. 

 

Nombre moyen d'acquisitions de Eurofins Scientific sur différentes périodes. Source : Communiqué officiel Eurofins Scientific

Au-delà de la croissance externe, le groupe accorde une importance particulière au développement interne et à la R&D au travers de sa branche Eurofins Technologies. Ce dernier point leur a d’ailleurs permis de répondre présent au challenge covid-19. Le groupe a su développer une importante capacité de tests PCR (fin 2020, le groupe a réalisé et analysé plus de 15 millions de tests PCR) et a pu profiter des directives gouvernementales en accompagnant plusieurs entreprises dans le développement d’un vaccin ou de traitements.

Présentation des différents segments

Services biopharmaceutiques : 

Le rôle des équipes d’Eurofins Scientific est d’assister les clients du groupe dans le développement de leurs médicaments, l’objectif étant de passer les 3 phases en limitant les échecs. Il faut non seulement étudier et comprendre la libération du principe actif, sa dissolution et son absorption par l’organisme mais aussi être prêts pour la mise sur le marché dans le cas où le développement est un succès. Eurofins Scientific dispose d’une expertise à ces différentes étapes et connaît parfaitement les régulations, les barrières et éventuelles solutions pour distribuer rapidement et efficacement un produit. Sachant qu’un brevet ne dure que 20 ans et que les réglementations sont toujours plus challengeantes pour les groupes pharmaceutiques, les services de Eurofins sont clés pour que le médicament soit sûr et que son développement soit rentable avant que les génériques affluent sur le marché.

Au-delà du développement de médicaments, le groupe est leader dans les services liés à la génomique tels que le séquençage ADN, la synthèse ADN et l’analyse de l’expression génétique.

Du fait de sa position de champion de l’externalisation de la recherche, le groupe dispose aussi d’outils avancés dans l’analyse et l’exploitation de données. Il est donc en mesure de conseiller et accompagner ses clients dans l’étude de nouvelles pistes de développement. 

Analyse des denrées alimentaires et aliments pour animaux : 

Étant à l’origine du business de Eurofins Scientific, le groupe continue d'asseoir sa position de leader dans les tests des denrées alimentaires et des aliments pour animaux.

L’entreprise intervient auprès de ses clients dans l’étude de la composition, de l'authenticité, l’origine et la traçabilité de leurs produits. L’objectif du groupe est de garantir la sûreté des produits sur le marché, potentiellement les certifier, et de permettre leur exportation dans des pays où les réglementations sont différentes. On imagine aussi que le groupe est parfois commissionné par des clients pour analyser les produits d’autres entreprises en vue de confirmer ou non la provenance des ingrédients ou vérifier que leur composition n’est pas copiée sur ceux du client, mais le groupe ne communique pas à ce sujet.

Le portefeuille de tests de l’entreprise (plus de 130 000 méthodes d’analyses sur ce segment), lui permet d’identifier des potentiels polluants, dioxines, pesticides, allergènes, pathogènes ou OGM dans les produits alimentaires. 

Comme nous l’avons mentionné plus haut, en plus de conduire des tests, l’entreprise accompagne ses clients dans le respect des programmes de sécurité et est en mesure de réaliser des missions de formation, d’audit ou de certification. Eurofins Scientific peut aussi conduire des recherches pour le compte de ses clients et ainsi les garder informés sur les tendances du business et les derniers dangers identifiés dans certains ingrédients.

Tests environnementaux :

Depuis les années 2000, Eurofins Scientific s’adresse aux entreprises, aux ONG et aux autorités gouvernementales en proposant des méthodes d’analyse de l’eau, de l’air et des sols. 

Le groupe peut réaliser des études poussées de l’eau de mer, de nappes phréatiques, de la qualité de l’eau au robinet et ainsi s’assurer que les standards d’hygiène sont respectés dans certains établissements (hôpitaux par exemple), ou garantir l’exploitabilité d’une source. Il réalise aussi des tests d'émissions de gaz, peut garantir la qualité de l’air dans des bureaux ou étudier l’air environnant d’une entreprise industrielle à la recherche de pesticides ou autres polluants. Enfin, des organisations peuvent faire appel à Eurofins Scientific pour analyser du composte, des sédiments ou encore le sol de sites industriels en vue de réhabilitation par exemple.

Diagnostics cliniques :

Dans ce segment, le groupe réalise des analyses de fluides (urine et sang principalement) et conduit des diagnostics. Eurofins Scientific déploie aussi des tests prénataux et des tests de fertilité mais le groupe s'intéresse de plus en plus à l’étude du génome au travers de Onconext (Eurofins Genoma) pour identifier des prédispositions génétiques au cancer et comprendre comment personnaliser les traitements pour rendre le combat plus facile et plus efficace. Le groupe a aussi une expertise dans les opérations de transplantation. Au travers de ses tests Viracor TRAC, TruGraf Liver et son centre d’observation TRULO, il peut conduire des tests de compatibilité, des recherches de donneurs, détecter des potentiels rejets et ainsi accélérer le processus et identifier les risques itinérants à l’opération.

Analyse des produits du quotidien et des produits de consommation discrétionnaire : 

Les entreprises pharmaceutiques ne sont pas les seules intéressées par les services du groupe. En effet, des réglementations et standards d’hygiène existent aussi pour d’autres produits du quotidien. A titre d’exemple, on peut citer les cosmétiques, le textile, les chaussures, les jouets et même certains produits électroniques. Le rôle d’Eurofins Scientific est d’accompagner ses clients dans la commercialisation de leurs produits en s’assurant que tout soit en règle et ainsi éviter les retards. Le groupe est en mesure de conduire des audits et délivrer des certifications ou modifier la composition de certains produits pour qu’ils puissent traverser les frontières sans déconvenues.

Eurofins Technologies :

Le groupe est un leader des tests du type ELISA (immunodosage enzymatique pour détecter la présence d’une molécule dans un échantillon, tests que l’entreprise a su automatiser avec des outils brevetés tels que The ThunderBolt et The Bolt) et PCR (méthode de multiplication de séquence d’ADN in vitro) et a choisi dans la présentation de ses activités de séparer ses activités d’immunodosage, même si elles peuvent s’adresser à bon nombre des clients que nous avons décrits ci dessus.

Cette branche inclut l’exploitation de kit de tests développés en interne tels que les tests PCR qui ont permis de répondre à la crise pandémique (identification de nouveau variant, diagnostics, tests rapides…) et les avancées dans l’automatisation des tests d’identification de tous types de molécules (allergènes, pathogènes, toxines, vitamines, virus, pesticides, tensioactifs etc…). Il me semble que le groupe a choisi de présenter cette branche à part entière car les outils développés nécessitent aussi bien une recherche avancée que des compétences d’industrialisation.

Répartition du chiffre d’affaires

Le groupe ne communique pas vraiment sur la répartition détaillée de son chiffre d’affaires par activités. La répartition géographique est par contre plus précise. Le rapport du cabinet d’analyse Berenberg m’a permis d’y voir un peu plus clair sur le poids de chaque segment. 

Selon les travaux de Berenberg sur les comptes de 2019 (hors covid donc), on obtient la répartition suivante :

 

Répartition géographique et par segment de Eurofins Scientific en 2019. Source : Cabinet d'analyse Berenberg

Aujourd’hui, le chiffre d’affaires est estimé à 6.5 Md€ pour 2021 (l’entreprise publie ses résultats annuels le 22 février). En 2020, dans son rapport annuel, la direction du groupe estime que les revenus provenant des tests covid-19 approchent les 810 M€ (14.7% du CA). En 2021, cet “excédent” de revenus est attendu à 1,4 Md€ (20% du CA au vu des estimations). Bien que cette activité ait nécessité des investissements et la constitution de stocks, le groupe reconnaît qu’elle a un impact très significatif sur la marge d’EBITDA et les flux de trésorerie. L’urgence à un prix !

 

Evolution et estimations des revenus et de l'EBITDA de ERF hors covid et covid. Source : Cabinet d'analyse Berenberg

Selon l'entreprise et les travaux de Global Market Insights qu’elle cite, le marché des diagnostics cliniques et de la génomique sont les plus prometteurs sur le moyen terme. Celui-ci devrait atteindre les 312 Md€ en 2025. Une conclusion assez floue mais intéressante lorsqu’elle est comparée aux autres activités historiques du groupe sur lesquelles il s’est largement illustré et agit désormais en leader incontesté.

 

Positionnement et taille des marchés sur lesquels évolue Eurofins Scientific. Source : Communiqué officiel Eurofins Scientific

Les finances du groupe

Le bilan du groupe, estimé à 8 Md€ pour 2021 est relativement solide. Du fait de sa stratégie de croissance externe, Eurofins Scientific a besoin de financements conséquents et nous a habitués à des ratios dette nette / EBITDA supérieur à 2 et un gearing au-dessus de 80%. Cependant, sur les derniers exercices, le groupe a réussi à réduire significativement son “levier” par la réduction de 10% de sa dette nette entre décembre 2020 (2.2 Md€) et juin 2021 (2 Md€). De plus, la dernière émission obligataire du groupe (750 M€ d’Eurobond Baa3, émises en mai 2021 avec une maturité 10 ans) présente un coupon extrêmement faible de 0.875%, contre 3.75% sur un financement similaire (de maturité 6 ans) émis l’année précédente. Il semblerait que l’ajout de la valeur dans le CAC40 et/ou son rôle dans le combat contre le virus lui permette de se financer bien moins cher. Cette dernière émission a conduit l’entreprise à réduire le coût moyen de sa dette à 1.8%. On peut aussi noter que l’entreprise s’est débarrassée (entre 2021 et 2021) de la majeure partie des tranches à taux variables des prêts privés de droit Allemand auxquels elle avait souscrit. Pour rappel, la note crédit Baa3 de Moody's est équivalente à la note BBB- de Fitch.

Cette dette permet de financer un capital économique d’environ 6,4 Md€, majoritairement composé du goodwill issu des acquisitions (68%). Le BFR est relativement faible (proche des 6.6% du CA) et ses récentes variations s’expliquent principalement par l’augmentation des stocks pour répondre à la demande de tests covid ainsi que le report des charges sociales et taxes, autorisés par certains pays lors de la crise sanitaire.

Ce capital économique a donc permis de générer un CA de 5.4 Md€ en 2020 et celui-ci devrait encore nettement s’apprécier sur l’exercice 2021 pour atteindre 6,5 Md€. En 2020, la marge d’EBITDA du groupe était de 26% (augmentation de 560 points de base par rapport à 2019). L’EBITDA 2020 était donc de 1,41 Md€ et est attendu à 1,87 Md€ pour 2021. La rentabilité économique avant impôt du groupe (EBIT ajusté / Capital économique) est passée de 9.1% à 15.9% entre 2019 et 2020. L’amélioration des marges décuple le taux de croissance des postes intermédiaires et explique pourquoi le BNPA ajusté est en croissance de plus de 107% entre 2019 et 2020. Néanmoins, comme nous l’avons évoqué précédemment, l’augmentation des marges s'explique principalement par l’activité covid-19 (très rentable mais qui devrait drastiquement diminuer d’ici la fin de l’année 2023), ainsi que les impôts différés.

Concernant les investissements, le rapport CAPEX/CA, maintenu au-dessus des 7% entre 2015 et 2019 a chuté à 6.4% sur l’exercice 2020 et marque la fin d’un lourd programme d’investissement sur 5 ans. De manière générale, 40% de ces investissements sont utilisés pour moderniser les bâtiments et bails du groupe, 35% est dépensé dans les équipements de laboratoire et 20% dans le matériel informatique. Il est important de noter qu’en termes de cash flows, la baisse du poids du CAPEX sera loin de compenser la baisse de l’activité Covid.

Les concurrents du groupe

Pour changer mon approche et vous présenter des méthodes que vous pouvez facilement répliquer sur Zonebourse, j’ai conduit une rapide analyse des concurrents de Eurofins Scientific à l’aide de notre screener. J’ai créé une liste de valeurs en m’appuyant sur différents rapports d’analyse qui poussent la recherche segment par segment. En effet, Eurofins Scientific n’a pas vraiment de concurrent global (on pourrait tout de même citer SGS, Bureau Veritas et Intertek) mais fait face à un nombre important d’acteurs sur chacune de ses activités.

J’ai ensuite sélectionné 5 filtres qui me paraissaient intéressants : La notation ZB (notre recette secrète basée sur la croissance du CA, le rapport Cap/CA, les révisions du BNPA, le consensus, le taux de surprise, la marge nette et l’endettement net) , la croissance à long terme (croissance du CA moyen sur les 10 années passées et estimations des 3 années futures), la croissance BNA LT (croissance du BNPA moyen sur les 10 années passées et estimations des 3 années futures), la valorisation (VE/EBITDA) et un dernier à titre indicatif : la capitalisation boursière. L’ensemble de ces notes sont calculées avec une approche relative par rapport à l’ensemble des sociétés cotées, incluses dans la base de données de Zonebourse.

 

Résultat du screening avec les filtres mentionnés ci-dessus. Source : Screener Zonebourse

On notera que l’ensemble de ces sociétés sont sur des hauts niveaux de valorisation par rapport au marché, mais rien de surprenant à cela. 

Les notations LT de ERF sont excellentes, mais si nous avions pris des filtres de croissance sur le court terme, les 3 prochaines années auraient plus de poids et la notation serait bien moins bonne (les estimations anticipent une chute de l’activité covid qui a largement poussée le CA et les éléments intermédiaires du compte de résultats sur ces deux dernières années). 

A titre d’exemple, on remarque que Evotec est, avec ces filtres, mieux classée que Eurofins Scientific, cependant, le business du groupe Allemand est bien moins diversifié que celui de ERF qui s’adresse à un nombre bien plus important de clients. 

Je vous laisse vous amuser à reconstruire cette liste chez vous pour modifier les filtres à votre convenance.

En ce qui concerne la valorisation de ERF, puisque je sais que cela en intéresse beaucoup, j’ai tiré deux graphiques mis en forme par Berenberg. Graphiques qui retracent l’évolution du PER (depuis 2007) et du ratio VE/EBITDA (depuis 2009). 

 

Evolution de différents multiples de valorisation pour la société Eurofins Scientific. Source : Cabinet d'analyse Berenberg

Une entreprise bien positionnée

La position de leader d’Eurofins Scientific sur le segment de la chimie bioanalytique lui a permis d’améliorer significativement ses marges par rapport à son business d’origine. Le groupe est en train de reproduire cette stratégie avec les diagnostics cliniques et autres marchés de niche à forte valeur ajoutée. Les fondamentaux de l’entreprise, et en particulier la croissance de son chiffre d’affaires, expliquent le parcours sans faute du titre sur les marchés. Cependant, ce parcours est quelque peu remis en cause depuis la chute des valeurs technologiques ainsi que l’anticipation d’une sortie de crise qui se résume aujourd’hui à un variant très contagieux mais bien moins dangereux. 

Il est très important de garder en tête que Eurofins Scientific a, par le passé, basé toute sa stratégie de croissance externe sur des niveaux de dette très importants. Il est intéressant de remarquer que le timing pour réduire cet endettement est particulièrement bien choisi (contexte économique qui tend à devenir moins accommodant). Enfin, nous avons vu que l’ajout de la valeur dans l’indice a fait beaucoup de bien au taux d’intérêt apparent lié à sa dette obligataire.

La mégatendance dans laquelle s’inscrit ERF (régulations plus strictes sur la sûreté et la qualité de ce que nous consommons) et surtout l’évolution historique de son cours font qu’elle reste toujours très attractive aux yeux des investisseurs, en dépit des risques itinérants à sa stratégie tels que la bonne intégration des entreprises que le groupe rachète et la diminution des revenus covid (qui va accessoirement casser la croissance historique du CA).