PARIS (Agefi-Dow Jones)--Europcar Mobility Group s'apprête à revenir dans le SBF 120. Le loueur automobile réintégrera vendredi après la clôture du marché l'indice parisien, quasiment un an jour pour jour après l'avoir quitté.

Durant ce laps de temps, le groupe a subi de plein fouet la crise sanitaire, accusant une perte nette de 645 millions d'euros sur l'ensemble de 2020. La société a rapidement lancé puis finalisé en février une importante recapitalisation qui lui a permis d'assainir son bilan au prix d'une forte dilution de ses actionnaires. Si l'activité du groupe est restée en berne sur le début de 2021 en raison des restrictions sanitaires, "la restructuration financière a remis les compteurs de la dette à zéro", soulignait le mois dernier Octo Finances.

Dans un entretien accordé à l'agence Agefi-Dow Jones, la directrice générale du groupe, Caroline Parot, détaille les efforts entrepris par le loueur automobile pour résister à la crise sanitaire. La dirigeante explique aussi comment la pandémie a modifié le comportement de ses clients et développe ses attentes en matière d'activité pour l'exercice 2021.

Agefi-Dow Jones: Un an après l'avoir quitté, Europcar Mobility Group revient dans l'indice SBF 120. Comment interprétez-vous ce retour ?

Caroline Parot: "Cette rentrée dans le SBF 120 s'explique par une raison technique. La crise a eu un lourd impact sur notre activité, avec une chute de notre chiffre d'affaires de 45% en 2020. Europcar Mobility Group a en conséquence dû mener une lourde restructuration financière qui a permis de convertir 1,1 milliard d'euros de dettes en capital et, par ailleurs, d'injecter 250 millions d'euros supplémentaires de fonds propres. Mécaniquement, la valeur intrinsèque du groupe a beaucoup augmenté : notre capitalisation boursière atteint 1,8 milliard d'euros, ce qui nous permet de rentrer dans les critères du conseil scientifique d'Euronext pour revenir dans le SBF 120. Au-delà de ces aspects techniques, ce retour montre qu'Europcar Mobility Group revient dans le jeu et que, maintenant que notre restructuration financière est achevée, les marchés se projettent désormais dans la phase de reprise de notre activité".

Agefi-Dow Jones: Outre cette restructuration, quelles mesures le groupe a-t-il mis en place pour résister aux conséquences de la pandémie ?

C.P: "Europcar Mobility Group a abaissé de façon drastique son point mort opérationnel en réduisant ses coûts et en augmentant la proportion de ses coûts variables par rapport aux fixes. Au premier trimestre 2021, les coûts fixes et semi-fixes ont ainsi diminué de plus de 30% par rapport à la même période de 2020. Par ailleurs, nous avons fortement réduit notre flotte de véhicules. Au niveau de nos effectifs, nous avons mis dès avril 2020 nos équipes en chômage partiel partout où cela était possible. Le groupe a également préservé autant que possible l'emploi en réduisant fortement le recours aux intérimaires et aux sous-traitants. Grâce à ces mesures, nous serons capables de maintenir notre base de coûts à un niveau faible cette année, alors que nous ne bénéficierons quasiment plus des dispositifs de chômage partiel. A plus long terme, ces mesures nous permettrons de bénéficier de marges plus élevées au fur et à mesure que l'activité se redressera".

Agefi-Dow Jones: Comment voyez-vous votre activité évoluer cette année ?

C.P: "Nous ne reviendrons pas à la situation pré-Covid en 2021 car nous avons encore pâti de restrictions sanitaires sévères en Europe jusqu'à la fin avril. A titre d'exemple, la période des vacances de Pâques, extrêmement importante pour nous, n'a pas existé dans notre compte de résultat. Nous aurons donc encore consommé de la trésorerie au premier semestre. Sur la seconde partie de l'année, nous espérons que le troisième trimestre va bien, voire très bien, se tenir. Pour le moment, la tendance est bonne. Elle est toutefois difficile à évaluer précisément, les gouvernements changeant parfois les règles du jeu d'un jour sur l'autre. L'Angleterre vient ainsi d'annoncer le report de quatre semaines de la levée des dernières restrictions sanitaires".

Agefi-Dow Jones: Vous n'avez pas donné d'objectifs chiffrés pour cette année. Pourrez-vous le faire à la fin juillet, lors de la publication de vos résultats semestriels ?

C.P: "Nous serons en mesure d'être plus précis à cette date car nous bénéficierons d'une meilleure visibilité. Il est néanmoins trop tôt pour donner davantage de détails. Nos systèmes de réservations montrent une accélération de la demande mais la période de réservation de nos clients reste très courte, de quelques jours à peine. Nous avons donc du mal à extrapoler ces données pour avoir une vision claire. Il est certain que les flux de touristes américains et asiatiques demeureront marginaux et que l'activité sera portée par le tourisme intra-européen. S'il y a toutefois un sujet qui fait l'unanimité, c'est que nos clients veulent voyager, retrouver des vacances ainsi que la liberté de se déplacer".

Agefi-Dow Jones: Quand retrouverez-vous votre niveau d'activité pré-Covid ?

C.P: "En novembre 2020 nous avions établi un scénario qui tablait sur l'année 2023. Nous ne l'avons pas révisé depuis, alors que certains observateurs le jugent désormais pessimiste. Il faudra néanmoins attendre la fin de l'année 2021 et voir comment la reprise se formalise pour déterminer s'il convient de revisiter ce scénario, dans un sens comme dans un autre".

Agefi-Dow Jones : Comment la crise a-t-elle modifié le comportement de vos clients ?

C.P: "Sur le segment loisirs, les clients s'intéressent davantage aux voyages dits "éco-responsables" ce qui pourrait bénéficier aux véhicules électriques et hybrides. L'activité de proximité, qui regroupe les petites et moyennes entreprises, se développe beaucoup car ces sociétés sont davantage demandeuses de solutions de mobilités flexibles, leur permettant de louer des véhicules pour quelques jours ou quelques heures, plutôt que de les détenir en propre. Le télétravail accélère probablement cette tendance. Le voyage d'affaires est probablement le segment qui va le plus pâtir de la crise, en raison notamment de l'essor des téléconférences. Ce segment ne reviendra probablement pas à son niveau d'activité pré-Covid ou alors dans très longtemps. La crise a par ailleurs renforcé le besoin de sécurité sanitaire de la part de nos clients".

Agefi-Dow Jones: Dans le contexte actuel, envisagez-vous de nouvelles acquisitions ?

C.P: "Nous avions expliqué à la fin 2019 que le rachat de la société américaine Fox Rent A Car constituait la dernière acquisition de notre programme visant à repositionner le périmètre du groupe. Aujourd'hui nous comptons développer de façon organique cette société alors que l'activité a connu une reprise forte aux Etats-Unis, avec quasiment une courbe en V. A fin mars, les revenus de Fox Rent A Car étaient revenus à leur niveau de 2019. Marginalement, la question des acquisitions pourra se reposer dans les années à venir. Mais aujourd'hui, nous nous focalisons avant tout sur la mise en oeuvre de notre stratégie".

Agefi-Dow Jones: La crise des semi-conducteurs se répercute-t-elle sur votre activité ?

C.P: "Cette pénurie est survenue au moment où nous avions fortement réduit notre flotte de véhicules. Mais, depuis le deuxième trimestre, nous commençons à l'augmenter car la demande se redresse. Le fait que cette crise perturbe la capacité des constructeurs à produire leurs automobiles et donc à nous les livrer en temps et en heure obère par conséquent notre visibilité sur la flotte. Cela nous contraint à une 'gymnastique opérationnelle' visant à avoir le niveau adéquat de véhicules. Cette pénurie réduit le nombre de voitures disponibles pour l'ensemble du secteur, et peut, potentiellement, se ressentir sur les prix de nos services. Mais au-delà de ces tensions opérationnelles, cette crise ne devrait pas avoir d'impact sur nos résultats".

Propos recueillis par Julien Marion, Agefi-Dow Jones; Agefi-Dow Jones; 01 41 27 47 94; jmarion@agefi.fr ed: ECH

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June 18, 2021 03:09 ET (07:09 GMT)