Paris (awp/afp) - L'opérateur français de satellites Eutelsat est en discussions pour fusionner avec le britannique OneWeb et sa constellation, une opération destinée à créer un géant dans la course à l'internet depuis l'espace face au mastodonte Starlink de l'américain SpaceX.

Eutelsat a annoncé lundi être en "discussions (...) en vue d'un éventuel rapprochement" avec OneWeb, dont il est déjà actionnaire à hauteur de 23%.

Eutelsat est spécialiste de l'orbite géostationnaire, avec sa flotte de 35 satellites positionnés à 36.000 kilomètres de la Terre, qui servent principalement et historiquement à la diffusion de télévision par satellite, mais fournissent aussi de l'internet à haut débit.

La société britannique OneWeb est elle spécialisée dans l'internet fourni depuis l'espace: elle a déjà déployé 428 des 648 satellites de sa constellation en orbite basse, à quelques centaines de kilomètres d'altitude, et prévoit le lancement de son service au niveau mondial à la fin de l'année.

"L'entité combinée serait le premier opérateur satellite multi-orbites offrant des solutions intégrées GEO/LEO (géostationnaire et orbite basse, NDLR), et serait singulièrement positionnée pour adresser le marché de la connectivité en plein essor, estimé à 16 milliards de dollars à horizon 2030", affirme Eutelsat dans un communiqué sur ce projet de fusion.

Cette opération, si elle voit le jour, s'inscrit dans des grandes manoeuvres au sein du secteur spatial pour répondre aux besoins toujours plus croissants d'internet à haut débit en orbite basse.

Positionnés à quelques centaines de kilomètres d'altitude, ces satellites, plus petits que les traditionnels satellites de télécommunications, permettent des communications à faible latence, c'est-à-dire avec un délai de transmission réduit.

Les besoins sont énormes, qu'il s'agisse de desservir les régions isolées dépourvues de fibre optique ou pour répondre aux futurs besoins de la voiture connectée par exemple.

Dans cette course, l'américain SpaceX du milliardaire américain Elon Musk a pris une longueur d'avance. Plus de la moitié des 4.408 satellites de sa constellation Starlink a déjà été déployée (il en souhaite 42.000 à terme). Jeff Bezos, fondateur d'Amazon, compte lui déployer plus de 3.200 satellites pour sa constellation Kuiper.

Mettre fin aux "zones blanches" ___

L'Union européenne souhaite elle aussi déployer sa propre constellation en orbite basse d'environ 250 satellites à partir de 2024, au nom de la souveraineté.

Cette constellation permettra, selon le commissaire européen Thierry Breton, de mettre fin aux "zones blanches" en Europe, d'offrir des communications cryptées aux Etats à l'aide de technologies quantiques, et d'avoir une redondance par rapport aux réseaux terrestres, cibles de cyberattaques.

Quant à la Chine, elle dispose elle aussi de son propre projet de constellation, Guowang, de 13.000 satellites.

"Les constellations à basse orbite sont un marché qui peut potentiellement devenir stratégique pour les gouvernements", a souligné auprès de l'AFP Romain Pierredon, analyste chez AlphaValue.

"En ce moment, les enjeux sont de plus en plus souverains, on le voit avec les semi-conducteurs et dans d'autres industries. Le but est de ne dépendre de personne, donc l'Europe serait un potentiel gros client de OneWeb", a-t-il ajouté.

Selon les termes de la transaction envisagée, "les actionnaires d'Eutelsat et de OneWeb détiendraient chacun 50% des actions du groupe combiné", a précisé Eutelsat.

La transaction se ferait par échange d'actions, les actionnaires de chacun des deux groupes détenant la moitié de la future entité.

A la clôture des marchés lundi, le titre Eutelsat a plongé de 17,8% à 8,57 euros à la Bourse de Paris, qui a fini légèrement en hausse de 0,33%.

Mis en faillite pendant la pandémie de Covid-19, OneWeb a été repris par le conglomérat indien Bharti et par le gouvernement britannique. Aujourd'hui, Bharti détient 30% de son capital, Eutelsat 22,9%, Londres et le japonais Softbank 17,6% chacun, et le conglomérat coréen Hanwa 8,8%.

Eutelsat est lui détenu à 20% par Bpifrance, la banque publique d'investissement de l'Etat français, ainsi que par le Fonds stratégique de participations (FSP) détenu par sept assureurs (7,6%).

L'opérateur français avait rejeté il y a quelques mois une offre non sollicitée de rachat par le milliardaire Patrick Drahi, actionnaire majoritaire du groupe de médias Altice.

afp/rp