Washington (awp/afp) - Le marché du travail est resté solide en mai aux Etats-Unis, avec des créations d'emplois bien plus nombreuses qu'attendu, et un taux de chômage toujours bas. Les salaires, eux, grimpent moins vite, une bonne nouvelle pour la lutte contre l'inflation.

"Aujourd'hui est une bonne journée pour l'économie américaine et pour les travailleurs américains", s'est réjoui le président Joe Biden dans un communiqué.

En mai, 339.000 emplois ont été créés aux Etats-Unis, a annoncé vendredi le département du Travail, quand 190.000 seulement étaient attendus, selon le consensus de MarketWatch. Et une révision des chiffres de mars et avril fait apparaître 93.000 emplois supplémentaires sur ces deux mois.

Parmi les secteurs prolifiques: services aux professionnels et entreprises, gouvernement, santé, construction, transports et logistique, services sociaux.

Malgré cela, le taux de chômage a lui augmenté, un peu plus même qu'attendu, à 3,7% (+0,3 point), quand les analystes tablaient sur 3,5%. Il est au plus haut depuis octobre 2022 mais à un niveau toujours historiquement bas.

L'évolution dans des directions opposées des créations d'emplois et du taux de chômage peut s'expliquer par l'origine de ces données, issues de deux enquêtes différentes: l'une réalisée auprès des entreprises, l'autre auprès des ménages.

L'emploi y est mesuré différemment, ainsi, les résultats "peuvent diverger considérablement", précise le Conseil des conseillers économiques de la Maison Blanche sur Twitter, le CEA.

"Histoires différentes"

D'autres économistes cependant attribuent cela aux travailleurs indépendants qui abandonnent leur activité pour se tourner vers le salariat, sans pour autant trouver d'emploi immédiatement.

"Le grand écart (...) vient du travail indépendant qui a perdu 369.000 personnes" en mai, et plus de 600.000 depuis février, explique ainsi Adam Ozimek, chef économiste de Economic Innovation Group, dans un tweet.

Les licenciements massifs de mars et avril 2020 avaient conduit de nombreux travailleurs américains à se créer leur propre emploi.

Mais le mouvement s'inverse "à mesure que le marché du travail se normalise et que les travailleurs indépendants recherchent une plus grande sécurité (...) dans les entreprises face au risque de récession", a précisé à l'AFP Krishna Guha, économiste pour Evercore, société de conseil en investissements.

Ces données divergentes "racontent des histoires différentes. (...) Espérons que les signes inquiétants de ce rapport ne soient qu'une aberration de ce mois. Malheureusement, nous ne pouvons pas en être certains", alerte Nick Bunker, économiste pour le site de recherche d'emplois Indeed. Et, souligne-t-il, "près de la moitié de l'augmentation du nombre de chômeurs est lié à un pic du chômage des travailleurs noirs".

Le taux de participation au marché du travail reste stable, à 62,6%.

Les conseillers économiques de Joe Biden soulignent cependant que les femmes de 25 à 54 ans, qui avaient massivement quitté l'emploi avec l'arrivée du Covid-19 pour s'occuper de leurs enfants ou parents âgés, y sont de retour, avec désormais 77,6% de participation, "le taux le plus élevé" depuis 1948, lorsque les données ont commencé à être calculées.

Salaires

La hausse des salaires, en revanche, qui avait contribué à la forte inflation, semble ralentir.

"La croissance de l'emploi se poursuit à un rythme rapide, mais les pressions sur les salaires ne suivent pas", relève Rubeela Farooqi, cheffe économiste pour HFE.

Départs en retraite, difficultés de garde d'enfants, immigration très basse, ont, depuis plus de deux ans, conduit à une pénurie de travailleurs. Cela a poussé les employeurs à relever les salaires pour attirer les candidats et conserver le personnel, contribuant à faire flamber l'inflation.

Dans le seul secteur privé aussi, la hausse des salaires a nettement ralenti en mai, selon l'enquête mensuelle ADP/Stanford Lab publiée jeudi.

"L'inflation induite par les salaires pourrait être moins préoccupante pour l'économie malgré des embauches robustes", selon Nela Richardson, cheffe économiste d'ADP.

Depuis mars 2022, pour faire ralentir l'inflation, la Fed relève ses taux directeurs. Cela conduit les banques à rehausser le coût des crédits qu'elles proposent aux ménages et aux entreprises, pour faire ralentir consommation et investissement, et, in fine, desserrer la pression sur les prix.

Lors de sa prochaine réunion, les 13 et 14 juin, elle pourrait choisir de relever les taux pour une 11e fois d'affilée, ou faire une pause pour observer les effets des hausses précédentes et éviter de faire plonger l'économie dans la récession.

afp/rp