Christine Lejoux,

Agefi-Dow Jones

PARIS (Agefi-Dow Jones)--Le débat enfle au sein du comité de politique monétaire (FOMC) de la Réserve fédérale (Fed) sur la pertinence de relever une troisième fois les taux directeurs d'ici à la fin de l'année. Incidemment, Wall Street se demande si les analystes financiers ne sont pas allés trop vite en besogne en rehaussant leurs prévisions de résultats pour le secteur bancaire américain.

Cette année, la Fed a déjà procédé à deux hausses de ses taux, d'un quart de point à chaque fois, le 15 mars puis le 14 juin, les portant à cette occasion dans une fourchette de 1% à 1,25%. L'institution les avait déjà relevés mi-décembre. Or s'il est un secteur qui profite de l'augmentation des taux d'intérêt, c'est bien celui de la finance, et plus particulièrement de l'industrie bancaire. Celle-ci voit notamment regonfler les marges nettes d'intérêt issues de son activité de transformation de ressources à court terme en prêts à long terme. Grâce à l'augmentation des taux directeurs, les banques bénéficient également d'une meilleure rémunération des liquidités qu'elles entreposent dans les coffres de la Fed, et d'une hausse des rendements de leurs placements financiers.

"Avec trois hausses des taux en six mois, les analystes ont-ils relevé leurs prévisions de résultats pour les banques pour l'année 2017?", s'interroge FactSet, dans une étude. "La réponse est "oui"", poursuit le fournisseur de données financières, chiffres à l'appui. Trois des quatre sous-segments de l'industrie financière où la proportion de relèvements des perspectives bénéficiaires a été le plus important depuis le début de l'année concernent le secteur bancaire : il s'agit de la banque d'investissement, des banques diversifiées et des banques régionales.

Dans ces trois sous-secteurs, le resserrement de la politique monétaire de la Fed a conduit les analystes à accroître leurs estimations de résultats 2017 pour 100% des entreprises, 80% et 75%, respectivement.

Une troisième hausse des taux mise en question

Les comptes trimestriels publiés par les banques américaines au titre du premier trimestre portaient déjà la trace positive des relèvements de taux de la Fed. Bank of America (>> Bank of America) en particulier a vu ses revenus nets d'intérêt grimper de 7,4%, à 11,06 milliards de dollars, de janvier à mars. Et la banque table sur un bond de 3,3 milliards de dollars de ses revenus nets d'intérêt au cours des douze prochains mois, si la Fed poursuit le resserrement de sa politique monétaire.

Cette hypothèse semble moins acquise aujourd'hui qu'il y a encore quelques semaines, en raison du récent affaiblissement de l'inflation aux Etats-Unis. Certes, à l'issue de leurs réunion des 13 et 14 juin, les membres du FOMC ont maintenu pour la fin 2017 leur anticipation d'un niveau du loyer de l'argent correspondant à trois hausses des taux sur l'ensemble de l'année, y compris celles survenues le 15 mars et le 14 juin. Mais, ces derniers jours, les présidents des Fed de Chicago, de Dallas et de St. Louis ont estimé, contrairement à Janet Yellen, la présidente de l'institution, que le tassement de l'inflation n'avait peut-être rien de temporaire et que l'opportunité d'une troisième hausse des taux d'ici à la fin de l'année semblait donc moins justifiée. Une pierre dans le jardin des banques.

La courbe des taux s'aplatit

Celles-ci ont également maille à partir avec la baisse des taux longs américains. Lundi, après la publication décevante des commandes de biens durables pour le mois de mai aux Etats-Unis, qui ont accentué les craintes des investisseurs quant à la vigueur de l'inflation et de l'économie américaine, le rendement du bon du Trésor à dix ans a connu un nouvel accès de faiblesse. Il est tombé à 2,135% en séance, non loin de son plus bas annuel de 2,103% touché le 14 juin.

Or, plus encore que la faiblesse des taux, c'est l'aplatissement de la courbe des taux, c'est-à-dire l'écart entre les rendements des taux longs et ceux des taux courts, qui menace les marges nettes d'intérêt des banques. La semaine dernière, l'écart entre le rendement des bons du Trésor américain à 5 ans et celui des titres à 30 ans est descendu au plus bas depuis décembre 2007, à 95 points de base. Et l'écart entre le rendement des bons à 2 ans et celui du 10 ans américain s'est réduit à 80 points de base, s'approchant du plancher de 73 points de base inscrit mi-2016.

Les analystes semblent donc bien pécher par excès d'optimisme sur le secteur bancaire américain. Les investisseurs ne s'y trompent pas. Le sous-indice S&P 500 des valeurs financières signe la troisième plus mauvaise performance à la Bourse de New York depuis le 1er janvier, avec une progression de seulement 3,32%.

-Christine Lejoux, Agefi-Dow Jones ; 33 (0)1 41 27 48 14 ; clejoux@agefi.fr ed : ECH

Valeurs citées dans l'article : Bank of America