Le N°2 mondial du catamaran, derrière Lagoon/Beneteau mais toujours devant l’ambitieux Catana, a publié un chiffre d’affaires à fin septembre en hausse de 8.6%. Une progression freinée par les difficultés d’approvisionnement alors que la demande reste très soutenue et assure plusieurs années de visibilité aux leaders de la filière. Nous avons fait le point avec Nicolas Gardies à l’issue des salons d’automne et à quelques semaines du Nautic de Paris. 

Nicolas Gardies, le carnet de commandes du groupe a très fortement progressé en 2022, et pourtant la croissance n’est ressortie qu’à 8.6% sur l’exercice clos à fin août. Comment comptez-vous lever les freins à la production sur les exercices à venir ?

"Commercialement, tous les voyants sont au vert : notre gamme de catamarans et monocoques, complète et renouvelée, correspond aux attentes de nos clients particuliers et professionnels de la location. Le montant des acomptes sur commandes fermes, correspondant à 20% du prix de vente, dépasse les 100 M€, ce qui nous donne au moins deux ans de visibilité.
Notre sujet est donc un sujet d’exécution de ce carnet de commandes, avec des tensions sur les approvisionnements résolues pour les trois quarts. Le quart restant concerne les difficultés rencontrées par toute la filière à s’approvisionner en moteurs, groupes électrogènes et climatisations. Nous tablons sur une résolution progressive du phénomène sur l’exercice 2022/2023. La main d’œuvre cristallise des problématiques plus structurelles et plus longues à régler puisqu’il s’agit de recruter, intégrer, former, accompagner des hommes sans avoir la certitude du résultat. Nous avons recruté une centaine de personnes sur le dernier exercice, contre 150 espérés, et estimons nos besoins à 150 voire 200 personnes supplémentaires sur l’exercice en cours. D’où notre accord de sous-traitance avec le chantier Couach qui nous offre une capacité de production d’une centaine de personnes. Le premier bateau vient de sortir du chantier, avec une montée en cadence progressive sur l’exercice, ce qui nous permet de libérer la moitié de notre usine de la Rochelle afin d’assurer la production de notre nouveau catamaran de 80 pieds."

La balance inflation est-elle restée négative sur le second semestre 2021/2022 ?

"Ce que je peux vous dire, en attendant la publication de nos comptes à la mi-décembre, c’est que le pincement sur la marge brute a été finalement compensé par la vente de bateaux mieux margés car plus grands et par la répercussion progressive des hausses de nos approvisionnement. En effet, nous passons en début d’exercice des hausses annuelles de prix de 3 à 5% hors lancement alors que nos fournisseurs font régulièrement évoluer leurs tarifs. Nous constatons sur ces derniers un ralentissement de la hausse, avec des baisses qui restent anecdotiques. De plus, même si nos coûts énergétiques sont faibles, ceux de nos fournisseurs peuvent être important et seront progressivement répercutés, d’où un effet inflationniste qui pourrait persister. L’un dans l’autre et grâce à l’amélioration de notre mix produits, nous tablons sur une balance inflationniste positive sur l’exercice en cours et le suivant."

Quatre ans après l’intégration de Dufour Yachts, où en êtes-vous du redressement de la rentabilité du chantier ?

"Dufour Yacht contribuera positivement aux résultats du groupe cette année. Nous avons dû opérer de profondes transformations dans le mode de production chez Dufour, à l’image du passage en ligne unique et aux 2x8 comme sur l’ensemble des sites, nous a pris du temps et de l’énergie. Commercialement, nous sommes très satisfaits des nouveautés : les bateaux plaisent."

Comment le groupe compte-t-il gagner la course à la décarbonation de la plaisance dans laquelle il s’est engagé ? A quel prix et à quel horizon ?

"Fountaine Pajot est pionnier sur ce thème qui constitue un axe majeur de notre plan stratégique Odysséa 2024. Il faut savoir que 80% des émissions carbone d'un multicoque sont liées à son utilisation : propulsion mais également vie à bord. Fountaine Pajot entend progressivement supprimer ces 80% d'émissions et compenser les 20% restant, le tout à horizon 2030. L'Aura 51 dans sa version Smart Electric constitue le premier résultat de cette démarche : un seul moteur thermique remplace les 3 habituels grâce à l'utilisation de l'énergie solaire, éolienne et hydrolienne. Moins bruyante, cette solution améliore la qualité de vie à bord. Une dizaine de prototypes seront réalisés sur la saison en cours, et une industrialisation est prévue à l'automne 2023 avec des ventes significatives attendues à partir de 2024, sachant que la solution coutera 150 K€ soit un supplément sur le prix du bateau de l’ordre de 10 à 20%."

L’Aura 51 dans sa version Smart Electric (source : Fountaine Pajot) 


Fountaine Pajot a également choisi de se différencier par la montée en gamme …

"Après l'Alegria 67, nous venons de lancer le New 80 avec un positionnement prix allant de 5 à 7 M€. Nous avons déjà une commande ferme et d’autres signatures attendues sur la saison. La capacité de production sur le site de La Rochelle est estimée à 2 voire 3 unités par an avec, a priori, un impact relutif sur les marges du groupe." 

Le New 80, lancé en septembre (source : Fountaine Pajot) 

L'auteur est actionnaire de la société à titre personnel