* Projet de résolution occidental au Conseil de Sécurité

* L'attaque a "franchi beaucoup de lignes", déclare Trump

* Les Occidentaux imputent au régime syrien la responsabilité de l'attaque chimique

* L'ambassadrice américaine à l'Onu évoque une possible action unilatérale

* Moscou défend Assad et accuse les rebelles

par Tom Perry et Jeff Mason

WASHINGTON/BEYROUTH, 6 avril (Reuters) - Le président américain Donald Trump a accusé mercredi le régime de Bachar al Assad d'avoir dépassé une "ligne rouge" en menant une attaque chimique sur des civils et a annoncé que sa position sur la Syrie avait changé, ouvrant la possibilité d'une rupture avec Moscou.

Sans préciser comment son administration entendait agir, Donald Trump a estimé que le raid qui a fait au moins 70 morts dont de nombreux enfants, avait "franchi beaucoup de lignes, au-delà de la ligne rouge", une allusion à son prédécesseur Barack Obama qui avait renoncé à agir lors d'une précédente attaque chimique en 2013.

"Je vais vous dire, ce qui est arrivé hier est inacceptable pour moi", a déclaré le président américain lors d'une conférence de presse conjointe avec le roi Abdallah de Jordanie.

"Et je vais vous dire, (...) mon attitude envers la Syrie et Assad a déjà beaucoup changé", a-t-il poursuivi. Interrogé sur la préparation d'une nouvelle stratégie en Syrie lors d'une réunion antérieure, Donald Trump s'était contenté de répondre: "Vous verrez."

Ces commentaires interviennent alors que Washington disait il y a quelques jours que le départ de Bachar al Assad n'était plus une priorité. Ils risquent d'accroître les tensions avec Moscou, même si le Kremlin et la Maison blanche affirment vouloir améliorer leurs relations.

"Toutes les options sont sur la table" a déclaré le vice-président Mike Pence, interrogé sur le départ d'Assad et l'établissement de zones de sécurité par la chaîne Fox News. La Russie doit respecter ses engagements en matière d'élimination des armes chimiques, a-t-il ajouté.

Le secrétaire d'Etat américain, Rex Tillerson, a exhorté la Russie à repenser son soutien au président syrien.

Les Etats-Unis et les autres pays occidentaux imputent aux forces gouvernementales syriennes la responsabilité de l'attaque de Khan Cheikoune.

Les services de renseignement américains jugent qu'il s'agit probablement d'une attaque au gaz sarin. Selon Médecins sans frontières, des victimes du bombardement présentent des symptômes caractéristiques d'une exposition à ce type d'agent neurotoxique.

La Russie a affirmé quant à elle que la contamination aux gaz provenait d'une fuite d'armes chimiques entreposées par les rebelles dans un dépôt bombardé par les forces gouvernementales syriennes.

Un haut responsable de la Maison blanche s'exprimant sous le sceau de l'anonymat a jugé que cette explication, rejetée par les rebelles, ne tenait pas. "Nous n'y croyons pas", a-t-il dit.

CONTRE RÉSOLUTION

Au siège des Nations unies, les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont présenté une résolution condamnant l'attaque chimique présumée.

La Russie a jugé le texte "inacceptable", basé selon elle sur de "fausses informations". Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a déclaré que Moscou réclamerait que la responsabilité des rebelles soit mentionnée. Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Gennady Gatilov, a annoncé que le Russie opposerait son veto si les pays occidentaux soumettaient le projet à un vote sans nouvelles consultations.

Moscou a proposé au Conseil de sécurité son propre projet de résolution, a déclaré un porte-parole de la représentation russe à l'Onu cité par l'agence TASS.

Les négociations se poursuivent, a fait savoir l'ambassadeur britannique Matthew Rycroft, qui a exclu un vote mercredi.

La Russie a opposé pour la septième fois en février son veto à un projet de résolution afin de protéger le régime syrien contre des sanctions de l'Onu.

S'exprimant devant les Quinze, la représentante permanente des Etats-Unis à l'Onu, Nikki Haley, a prévenu que les Etats devaient prendre leurs responsabilités.

"Lorsque les Nations unies manquent constamment à leur devoir d'agir collectivement, il arrive des moments dans la vie des Etats où nous sommes obligés d'agir nous-mêmes."

PLUS DE CENT MORTS SELON ANKARA

Donald Trump a qualifié le raid de Khan Cheikhoune d'"horrible" et "épouvantable". Barack Obama a gâché une "grande occasion" de résoudre la crise en 2013, a-t-il estimé, avant d'ajouter que toute réponse était désormais de sa responsabilité.

Certains rebelles syriens ont accueilli cette apparente inflexion de la position américaine, tandis que d'autres se gardaient de commenter les déclarations de Trump, encore trop imprécises selon eux pour signifier de vrais changements.

"La déclaration d'aujourd'hui contient d'importantes différences par rapport aux précédentes, et nous nous attendons à du positif (...) du rôle américain", a déclaré Fares al Bayoush, un commandant de l'Armée syrienne libre (ASL).

Pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui parle mercredi d'au moins 70 morts, les victimes de Khan Cheikhoune présentaient des symptômes correspondant à une exposition à des "substances chimiques organophosphorées, une catégorie de produits chimiques qui inclut les agents neurotoxiques".

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré que l'attaque avait fait plus de cent morts.

Cette exposition à des armes chimiques, dont la réalité n'est pas démentie par Damas et Moscou, est la plus meurtrière en Syrie depuis le bombardement au gaz sarin qui a fait plusieurs centaines de morts dans la région de la Ghouta, près de Damas, en août 2013. (Avec Maria Tsvetkova et Polina Devitt à Moscou, Michelle Nichols à New York, Lesley Wroughton et Steve Holland à Washington; Julie Carriat, Nicolas Delame, Henri-Pierre André et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)