-Le rachat des navires SeaFrance par Eurotunnel porte atteinte à la concurrence et risque de faire monter les prix, selon la Commission de la concurrence au Royaume-Uni

-Eurotunnel fait appel de l'interdiction prononcée par le régulateur britannique

-Cette décision intervient après la validation de l'opération par les autorités françaises

-Le gouvernement français favorable à une procédure d'arbitrage international

(Actualisation: réaction du gouvernement français, déclaration du porte-parole de la Commission de la concurrence britannique)

La Commission de la concurrence britannique a interdit jeudi à Eurotunnel (>> Ryman Hospitality Properties Inc) d'assurer son service de ferries au départ de Douvres, jugeant que cette activité limitait la concurrence et risquait de conduire à une hausse des prix du transport transmanche de passagers et de marchandises.

Le concessionnaire du tunnel sous la Manche a fait part de son intention de faire appel de cette décision, qui ne pourra être appliquée qu'au terme d'un délai "d'au moins six mois", selon un porte-parole de la Commission joint par téléphone.

Le rachat par Eurotunnel de trois navires de l'ancien SeaFrance, désormais exploités par MyFerryLink, devrait porter au-dessus de 50% la part de marché du groupe franco-britannique, a estimé la Commission dans son rapport final.

En conséquence, le régulateur britannique de la concurrence a prononcé une interdiction totale d'opérer pendant une durée de deux ans. Pour deux des trois ferries concernés, la durée de l'interdiction est portée à dix ans.

Selon le rapport publié jeudi, le groupe "a décidé d'acquérir les ferries SeaFrance afin d'empêcher l'opérateur DFDS/LD de les acheter" et par crainte de voir les prix de la traversée baisser.

"Cela ne peut pas être bon pour la concurrence qu'Eurotunnel, qui détient déjà une part de marché de plus de 40%, développe une activité de ferries, particulièrement lorsqu'il le fait pour empêcher un concurrent de racheter ces ferries", a estimé le vice-président de la Commission de la concurrence, Alasdair Smith, placé à la tête du groupe de travail chargé de se pencher sur le dossier.

Divergences franco-britanniques

Dans un rapport intermédiaire publié en février dernier, déjà contesté par Eurotunnel, l'autorité britannique avait fait part de son inquiétude quant aux atteintes à la concurrence que risquait d'entraîner cette acquisition.

Pour sa part, l'autorité française de la concurrence a validé en novembre 2012, sous certaines conditions, le rachat d'actifs de SeaFrance par Eurotunnel.

Par la voix du ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, le gouvernement français a "regretté" jeudi les conclusions de la procédure britannique et a appelé à "examiner les possibilités d'une procédure commune d'arbitrage entre les décisions des deux autorités de la concurrence".

L'opération de rachat d'actifs de SeaFrance, réalisée à l'été 2012, a permis au concessionnaire du tunnel de devenir propriétaire de trois navires du transporteur en faillite, qu'il loue désormais à MyFerryLink, une coopérative ouvrière formée par des anciens salariés de SeaFrance.

Pour obtenir le feu vert de l'autorité française, Eurotunnel s'est engagé, pour une durée de cinq ans, à ne pas accorder de remise à ses clients qui utiliseraient également le service de fret maritime de MyFerryLink.

Vers une cession des ferries?

Eurotunnel a annoncé jeudi son intention de faire appel d'une décision qu'il qualifie "d'incompréhensible, et gravement disproportionnée". L'interdiction prononcée "réduit l'offre de service sur le détroit, au détriment du consommateur. Elle se traduira inévitablement par une hausse des prix de la traversée", a réagi le PDG d'Eurotunnel, Jacques Gounon, dans un communiqué.

Dans une note d'analyse publiée jeudi, Aurel BGC estime pour sa part que "la situation se complique franchement pour Eurotunnel", qui entre "dans une période d'incertitude assez forte". Le courtier s'interroge notamment sur l'éventuelle levée de l'interdiction de revente des actifs SeaFrance prononcée pour une durée de cinq ans par le tribunal de commerce de Paris.

Le cours de Bourse d'Eurotunnel devrait être pénalisé à court terme, conclut Aurel, même si selon le courtier, "il n'est pas certain que la sortie du métier maritime pénalise Eurotunnel, les ferries n'étant probablement pas considérés comme un métier prometteur sur le long terme par le marché".

A 15h25, l'action Eurotunnel reculait de 1,3% à 6,02 euros, dans un marché en légère hausse.

-Thomas Varela, Dow Jones Newswires; +33 (0)1 40 17 17 72; thomas.varela@dowjones.com

(Mimosa Spencer a contribué à cet article)

Valeurs citées dans l'article : Ryman Hospitality Properties Inc