L'offre hostile de Glencore sur Teck Resources a galvanisé certains investisseurs institutionnels canadiens, qui ont fait pression sur le gouvernement fédéral pour qu'il incite les plus grands fonds de pension du pays à augmenter leur exposition aux entreprises nationales, selon une présentation vue par Reuters.

Cette proposition, qui n'avait pas été signalée auparavant, est une démarche inhabituelle, mais elle reflète le sentiment nationaliste plus large qui s'est manifesté au Canada depuis l'approche non sollicitée du mineur suisse pour l'une des plus grandes sociétés minières du pays en termes de valeur de marché.

Des politiciens et des groupes de pression commerciaux ont demandé au gouvernement fédéral de bloquer l'offre de 22,5 milliards de dollars et Ottawa a déclaré que Glencore ferait l'objet d'un examen rigoureux.

Les grands fonds de pension canadiens sont des investisseurs mondialement connus, qui gèrent plus de 1 000 milliards de dollars d'épargne, mais leur exposition aux actions nationales a régulièrement diminué au cours de la dernière décennie, puisque les marchés d'actions canadiens ne représentent que 3 % du marché mondial des actions. Selon la présentation, les fonds de pension canadiens ont étalonné leurs investissements à ce niveau.

Les fonds de pension australiens ont investi environ 50 % de leurs actifs totaux dans des actions nationales, selon la présentation.

Le mois dernier, Teck a retiré sa proposition de scinder la société en deux activités distinctes, le charbon et le cuivre, après n'avoir pas réussi à décrocher le soutien des actionnaires.

China Investment Corp est le plus gros investisseur institutionnel de Teck avec une participation de 10,3 %, le fonds de richesse norvégien Norges Bank en détient 1,52 %, tandis que les fonds de pension canadiens détiennent ensemble une participation de 0,78 %, d'après les données de Refinitiv.

Les investisseurs institutionnels affirment qu'une participation plus importante aurait aidé Teck à réaliser son projet et aurait mis fin à la poursuite de Glencore.

Peter Letko, vice-président de Letko Brosseau, un investisseur de Teck qui était en faveur du plan de séparation, a déclaré que l'absence de fonds de pension canadiens dans des "entreprises publiques importantes n'aide pas l'économie nationale".

Lekto, basé à Montréal, a déclaré qu'il avait récemment écrit au ministère des finances du gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux pour exhorter les fonds de pension à augmenter leur exposition au marché national.

Le ministère des finances n'a pas répondu immédiatement à une demande de renseignements par courrier électronique.

PENSIONS ET POLITIQUE

La Caisse de retraite du Québec (CDPQ) a refusé de commenter les "questions politiques et législatives". Tous les autres fonds de pension n'ont pas répondu à la demande de commentaires de Reuters.

Les fonds de pension canadiens représentent 30 % de l'épargne financière totale des Canadiens.

"Étant donné qu'une grande partie de ces capitaux est orientée vers l'investissement international, ils risquent de ne pas contribuer à la croissance économique du Canada", a ajouté M. Letko.

Cependant, tout le monde n'est pas d'accord avec cette approche.

Michael Osborne, avocat spécialiste de la concurrence au cabinet Cozen O'Connor, a déclaré que plus vous intervenez dans les opérations des régimes de retraite canadiens, "plus vous mettez en péril les rendements des régimes de retraite".

"Nous savons tous, grâce à notre propre épargne retraite, que placer tous vos investissements dans un seul pays - qu'il s'agisse du Canada ou d'un autre pays - est une mauvaise stratégie d'investissement.

M. Lekto a néanmoins trouvé quelques partisans, dont Kim Shannon, fondateur de Sionna Investments et ancien membre du conseil d'administration du Comité canadien de gouvernement d'entreprise. Mme Shannon ajoute que les actions canadiennes ont généré de meilleurs rendements avec des risques moindres au cours des trois dernières décennies.

Letko a également trouvé le soutien de certains chefs d'entreprise.

"Il est vraiment honteux que deux des plus grands fonds de pension investis dans Teck soient chinois et norvégien", a déclaré Pierre Lassonde, un entrepreneur minier canadien qui a proposé d'investir dans les actifs houillers de Teck pour contrecarrer les efforts de Glencore. M. Lassonde soutient également la proposition de M. Letko.

Clément Gignac, sénateur canadien et économiste chevronné, a déclaré qu'il n'appartenait pas aux politiciens de décider dans quels pays les fonds de pension investissent, mais que l'industrie dans son ensemble devrait améliorer la divulgation de l'information sur les placements des épargnants canadiens. (Article rédigé par Divya Rajagopal, complété par Maiya Keidan et révisé par Denny Thomas et Marguerita Choy)