Zonebourse n’aime pas tirer sur l’ambulance, mais HelloFresh pourrait fournir un énième exemple au sein de cette funeste catégorie. Ecartelée entre un coût d’acquisition de la clientèle très élevé et un plafond de verre indépassable sur ses propres prix, et par ailleurs victime d’un taux d’annulation des abonnements critique au moment même où son impératif capitalistique grandissait, l’entreprise, finalement, donnait peu de gages de viabilité. 

Comme nous l’écrivions plus tôt cette année dans HelloFresh : Anatomie d’une Chute, malgré une remarquable expansion de son chiffre d’affaires, les marges se sont effondrées et, après la parenthèse enchantée de la pandémie, l’exploitation est revenue dans le rouge. En parallèle, la tentative de percée aux Etats-Unis ne réussissait pas, si bien que l’hémorragie de cash menaçait d’aller en empirant.  

Dans cette conjoncture délicate, les résultats semestriels du groupe, publiés hier, ont été étonnamment bien accueillis. En tête de communiqué — et repris par toutes les dépêches — est annoncé un profit d’exploitation avant dépréciations et amortissements ajusté de €163 millions sur le premier semestre, paraît-il supérieur aux attentes. 

Ce nombre, toutefois, ne veut pas dire grand-chose. En effet, retraité des €60 millions de rémunérations en stock-options et autres « éléments exceptionnels », l’EBITDA ressort à €103 millions. Si l’on retraite ensuite les investissements — plutôt que les dépréciations et amortissements, une charge non-cash —  qui représentent peu ou prou €100 millions ce semestre, le profit d’exploitation réel est de zéro. 

Reconnaissons que la situation est moins dramatique que l’an dernier à la même époque, lorsque cette perte d’exploitation recalculée par nos soins atteignait €113 millions. Voici sans doute ce que le marché saluait hier, car il y autrement peu de matière à réjouissance : le volume de commandes baisse encore de 3.1% ce semestre, ce que l’entreprise est parvenue à compenser par des hausses de prix de 5.4% ; mais cette pirouette ne sert qu’à gagner du temps. 

L’équipe de direction annonce qu’elle prend acte de la non-viabilité du modèle d’affaires des repas à préparer livrés à domicile, et qu’elle entend désormais réorienter l’entreprise vers les repas déjà préparés, dits « RTE » pour « ready-to-eat ». Ceci met HelloFresh en concurrence frontale avec des acteurs comme Just Eat ou Uber Eats, qui eux-mêmes n’ont pas atteint la profitabilité malgré des échelles considérables. Autant dire que la partie s'annonce serrée. 

Par ailleurs, on appréciera assez peu que le prix d’exercice moyen des stock-options attribuées au management ait été réévalué à la baisse, de €17.7 l’an dernier à la même époque à €11.5. A ne pas en douter, les actionnaires qui supportent d'énormes pertes aimeraient bien pouvoir eux aussi réévaluer de la sorte leur coût d'acquisition.