Dans le but de prévenir un effondrement du marché chinois comme ce fut le cas en 2015-2016, les autorités encouragent les fonds à investir dans des sociétés ayant des difficultés de trésorerie et poussent aux fusions et acquisitions.

Ces mesures représentent un revirement par rapport à la politique plus restrictive mise en place il y a deux à trois ans, qui visait à éviter la création et l'éclatement de bulles spéculatives qui ont déclenché la débâcle boursière.

Le récent assouplissement des règles a toutefois provoqué une envolée immédiate des paris spéculatifs sur des cibles potentielles d'OPA et des transactions sur les petites valeurs.

Un indice reflétant les performances boursière de sociétés déficitaires à hauts risques ou encore candidates à une éventuelle sortie de la cote, appelées sociétés à "traitement spécial" (ST), a grimpé de 30% depuis l'annonce le 19 octobre par l'autorité de régulation chinoise d'une série de mesures visant à rétablir la confiance des investisseurs.

Dans le même temps, l'indice des valeurs vedettes des marchés chinois, très recherché l'an dernier, n'a pris que 3%.

L'argent afflue également vers les sociétés qui, selon les spéculateurs, pourraient être des cibles de rachat dans le cadre d'OPA inversées permettant à des entreprises ne répondant pas aux critères exigés de faire leur entrée en Bourse malgré tout.

C'est ainsi que l'équipementier automobile Hengli Industrial Development Group a vu son cours tripler sur les trois dernières semaines, les investisseurs pariant sur un rachat de la société.

Le laboratoire Changsheng Bio-technology, en pleine tourmente après un scandale de falsifications de documents relatifs à la production d'un vaccin contre la rage, a signé vendredi sa septième séance consécutive de hausse au cours desquelles il a gagné 40,7%.

Entre 2013 et 2015, une réglementation plutôt laxiste a alimenté un courant massif de fusions et acquisitions et de placements privés, qui ont débouché sur une croissance débridée, des rachats d'entreprises sur des bases de valorisations excessives, une inflation des cours de Bourse et des montagnes de survaleurs non justifiées dans les bilans des entreprises.

A la suite du krach boursier de 2015-16, la China Securities Regulatory Commission (CSRC) a resserré le contrôle des ventes de titres et des fusions et acquisitions.

Mais les dernières mesures du régulateur chinois inversent la tendance: le 19 octobre, le CSRC a mis en place une procédure d'approbation rapide des opérations de fusion et acquisition.

Le lendemain, il a dit qu'il soutiendrait les OPA inversées pour les sociétés dont le prospectus d'introduction en Bourse a été refusé.

Et la semaine dernière, il a modifié la réglementation pour autoriser les sociétés à émettre plus fréquemment des actions.

Faciliter les levées de fonds permet aux entreprises de rembourser leur dette et de se lancer dans des acquisitions d'entreprises. La perspective d'une baisse des taux d'intérêt de la banque centrale chinoise alimente également le marché.

Pour certains investisseurs, les récentes décisions du régulateur ne font que lever des contraintes législatives qui freinent le marché. Mais pour d'autres, ces nouvelles politiques s'apparentent à de dangereux "paris faustiens" qui privilégient la stabilité à court terme au détriment d'une valorisation durable des actifs financiers.

"Actuellement, toutes les mesures prises en urgence sont des pactes avec le diable", dit Yuan Yuwei, partenaire chez Water Wisdom Asset Management. "Demander aux spéculateurs de sauver le marché pourrait le mettre en difficulté", ajoute-t-il.

Mais pour le moment, les autorités chinoises semblent plus préoccupées par la baisse des cours que par l'émergence d'une nouvelle bulle spéculative.

(Juliette Rouillon pour le service français, édité par Blandine Hénault)

par Samuel Shen et John Ruwitch