Vaulx-Milieu (awp/afp) - Confronté à une moindre acceptabilité des projets de carrières, le producteur de minéraux industriels Imerys se projette dans "l'après-mines", en lançant la construction d'une extension de son centre de recherche lyonnais consacrée aux minéraux synthétiques.

"On peut imaginer qu'un jour Imerys ne fasse plus du tout d'extraction minière", relève Judith Pommay, une des responsables du centre. "Au vu de la raréfaction des matières premières, c'est quelque chose à laquelle nous devons faire face".

Depuis ses origines à la fin du 19e siècle, alors qu'il s'appelait encore Peñarroya, le groupe français a toujours été investi dans l'extraction minière.

D'abord dans les minerais non ferreux, puis progressivement dans les "minéraux de performances": argile, kaolin, talc, quartz ou autres corindons que les industriels incorporent, finement broyés, dans leurs produits pour en améliorer la brillance, l'opacité, la blancheur, la dureté ou la durée de vie...

Son tournant industriel s'est accéléré en 2017 avec l'acquisition de Kerneos. Cette ancienne filiale de Lafarge produit des ciments à base d'aluminates de calcium obtenus par cuisson à très haute température de chaux et d'alumine.

L'opération a fait de la construction le premier marché d'Imerys, avec 32% de ses ventes.

De Kerneos, Imerys a aussi hérité son centre de recherche de Vaulx-Milieu (Isère), en grande banlieue lyonnaise, petit bijou technologique un peu perdu au milieu de la plus vaste zone logistique de France.

"Un labo de classe mondiale", avec ses 93 chercheurs et techniciens, s'enorgueillit son patron Chris Parr. L'un des sept dont dispose Imerys dans le monde.

Il est notamment doté d'un microscope électronique à balayage disposant d'une platine chauffant jusqu'à 1.600°, qui permet de visualiser en temps réel la transformation de matières soumises à de très fortes températures. Il n'y en a que trois en France, les deux autres se trouvant dans des centres de recherche académique.

La nouvelle extension du centre, lancée dans les prochains jours pour un coût compris entre 3 et 5 millions d'euros, étudiera comment produire certains des minéraux actuellement extraits du sous-sol par Imerys à partir de déchets ou de coproduits.

"De la même manière qu'un diamant peut être trouvé dans une mine ou synthétisé en usine", souligne M. Parr.

Un premier démonstrateur devrait être opérationnel en fin d'année.

Béton vert

Le centre de recherche continuera par ailleurs à mettre au point de nouvelles solutions permettant de rendre plus "verts" les métiers de la construction - un enjeu majeur de la transition écologique.

Une quinzaine de nouveaux produits, développés en partenariat avec les grands clients du groupe, devraient en sortir cette année, jouant sur les qualités uniques des aluminates de calcium.

Comme leur capacité à se figer rapidement. Imerys étudie ainsi comment les mélanger au béton pour construire des bâtiments avec des imprimantes 3D. Difficile en effet d'envisager des murs qui "coulent" avant de durcir !

Ou leur résistance au feu, qui permet de les utiliser comme isolants. Les produits alternatifs, dérivés du pétrole, dégagent des fumées toxiques en brûlant, comme l'avait montré le catastrophique incendie de la tour Grenfell à Londres en 2017 (71 morts).

En mélangeant un "coulis" d'aluminates avec des tensioactifs, Imerys est parvenu à obtenir une mousse légère qui permet de "farcir" des parpaings creux sur le site même d'un chantier. Cet isolant minéral, composé à 95% d'air, présente les mêmes caractéristiques que le polystyrène pour un poids à peine supérieur.

La réduction de l'empreinte carbone du béton est une priorité pour l'industrie du bâtiment qui génère 8% du CO2 rejeté dans le monde.

En y ajoutant un mélange d'argiles calcinées et de calcaire, son impact carbone peut être réduit de 35%. Problème, ce béton "écolo" met une semaine à durcir, note Hervé Fryda, responsable de la recherche et développement en matière de construction.

L'apport de 1% à 2% d'aluminates permet "d'ajuster le temps de prise de quelques secondes à quelques heures", explique le responsable, démonstration à l'appui.

afp/rp