Le président Emmanuel Macron ne pourra pas compter sur le traditionnel front anti extrême droite des électeurs français au second tour et devra intensifier sa campagne s'il veut battre Marine Le Pen, qui a réussi à adoucir son image.

Bien que les projections prévoient que Macron obtienne un score meilleur que prévu au premier tour (28 %), améliorant ainsi son résultat de 2017, il ne peut pas compter sur la victoire : les sondages prévoient une marge de victoire très mince contre Le Pen au second tour du 24 avril.

Lors des élections passées aux niveaux national, régional et municipal, les électeurs de gauche et de droite se sont historiquement unis pour bloquer l'extrême droite au pouvoir, un phénomène connu sous le nom de "front républicain".

Alors que tous les candidats traditionnels, y compris ceux du parti conservateur Les Républicains et du parti socialiste, ont soutenu Macron pour le second tour dimanche soir, il n'est pas certain que leurs électeurs suivent. De plus, leurs faibles scores à un chiffre étaient si pitoyables que leur soutien pourrait avoir peu de poids.

"Parmi les politiciens, le front républicain se met en mouvement. Reste à savoir si les électeurs suivront", a déclaré Mathieu Gallard, responsable des études chez Ipsos France.

Un sondage Ifop réalisé à l'extérieur des bureaux de vote pendant le scrutin de dimanche prévoyait que Macron obtiendrait 51 % du soutien des électeurs dans deux semaines, ce qui indique clairement que le "front républicain" s'effrite.

Pour compliquer la tâche de Macron, Le Pen a largement abandonné sa rhétorique anti-immigration et anti-Union européenne plus pugnace, se concentrant davantage sur les questions de coût de la vie.

Un autre sondage Ifop en mars a montré que moins de la moitié des Français la trouvent désormais "effrayante".

Dans son discours de dimanche, elle s'est dépeinte comme une figure unificatrice, qui guérirait les "fractures" de la France et mettrait fin au "chaos" prétendument provoqué par Macron, un ancien banquier qui, selon elle, incarne le "pouvoir de l'argent" et travaille pour une minorité.

BATAILLE POUR LA GAUCHE

Pendant ce temps, Macron ne peut pas prendre les électeurs de gauche pour acquis.

Le candidat arrivé en troisième position, Jean-Luc Mélenchon, a exhorté les électeurs à ne pas soutenir Le Pen, mais n'a pas voulu soutenir Macron, ce qui accroît l'incertitude quant à la manière dont les 21 % d'électeurs qui ont soutenu le feu follet d'extrême gauche voteront.

Les sondages montrent que beaucoup pourraient décider de s'abstenir.

"La politique de Macron ... a renforcé l'extrême droite", a déclaré à Reuters l'électrice Léa Druet, 27 ans, au siège de campagne de Mélenchon. Elle a voté pour Macron en 2017 et a déclaré qu'elle s'abstiendrait au second tour de ce mois.

D'autres partisans de Mélenchon étaient encore incertains. "Je vais voir comment se déroulent les deux prochaines semaines. Si les sondages disent 49-51, à ce moment-là je voterai Macron", a déclaré Guillaume Raffi, 36 ans, un producteur de musique de Montpellier.

Les partisans de Macron et les initiés de la campagne disent que le leader sortant devra passer plus de temps à faire campagne sur le terrain qu'il ne l'a fait pendant la période précédant le premier tour s'il veut contrer Le Pen, qui a exploité la colère contre l'augmentation du coût de la vie et le mécontentement profondément ancré envers une élite distante.

Macron a reconnu être entré trop tard dans la campagne car il s'est concentré sur la gestion des retombées de la guerre en Ukraine.

"Au second tour, Emmanuel Macron devra retrousser ses manches un peu plus qu'il ne l'a fait pour le premier", a écrit sur Twitter l'ancien ambassadeur français à Washington, Gérard Araud.