Le départ du directeur artistique, dont le contrat arrivait à échéance ce mois-ci, a été confirmé à Reuters mercredi de source proche du groupe.

"Marc Jacobs quitte Vuitton et va se concentrer sur sa propre marque", a indiqué cette source, faisant allusion au label qui porte son nom et qui est contrôlé par LVMH.

Il va s'atteler à la mise en Bourse de sa marque, a-t-on ajouté. La société Marc Jacobs International est contrôlée à près de 100% par LVMH, tandis que les droits attachés au nom de la marque sont partagés entre LVMH, Marc Jacobs et son associé Robert Duffy. La griffe compte, avec Céline, parmi les marques à plus forte croissance du groupe LVMH. Ses ventes sont estimées à environ 500 millions d'euros par les analystes.

Dans l'après-midi, LVMH n'avait pas officiellement confirmé le départ de Marc Jacobs. Le Women's Wear Daily indiquait quant à lui que l'information lui avait été confiée par le PDG de LVMH Bernard Arnault.

A la Bourse de Paris, le titre LVMH accusait une des plus fortes baisse du CAC vers 17h00, reculant de 2,4% à 144,50 euros, dans un marché en baisse de 1,13%.

"Le départ de Marc Jacobs en soi, était attendu. Mais si la mise en Bourse de sa marque se confirme, LVMH va être privé d'une de ses griffes qui enregistre la plus forte croissance", commente Antoine Belge, analyste chez HSBC.

Le créateur américain pourrait être remplacé par Nicolas Ghesquière, qui a quitté Balenciaga (groupe Kering) il y a près d'un an et qui est très proche de Delphine Arnault, fille de Bernard Arnault, nommée directrice générale adjointe de Louis Vuitton en juin.

UN MOMENT CHARNIÈRE POUR LA MARQUE

"Ghesquière compte parmi les créateurs les plus en vue du moment et il apporterait un nouveau souffle créatif à la marque", commente David da Maia, analyste d'Aurel BGC.

En tandem avec Yves Carcelle, PDG du maroquinier jusqu'en 2012, Marc Jacobs, entré chez Louis Vuitton en 1997, a contribué au formidable développement de ce qui était autrefois une petite marque de maroquinerie sage et bourgeoise.

La griffe, qui a multiplié ses ventes par plus de dix en dix ans, pèse aujourd'hui plus de 7,0 milliards d'euros de chiffre d'affaires, s'est diversifiée dans la mode, les accessoires, la joaillerie et bientôt le parfum, et compte pour plus de la moitié de la rentabilité du groupe LVMH.

Le changement de directeur artistique intervient à un moment clé pour le maroquinier qui a changé de PDG il y a un an. Michael Burke est venu remplacer Jordi Constans, que Bernard Arnault avait choisi pour succéder à Yves Carcelle et qui a dû se retirer pour raisons de santé.

Après des années de croissance à deux chiffres et une phénoménale expansion de son réseau de boutiques (près de 500 aujourd'hui), Vuitton marque le pas, voyant sa croissance tomber à 5% au deuxième trimestre, après 2% au premier.

"Marc Jacobs a effectué un travail formidable chez Vuitton, mais je pense qu'il faut aujourd'hui recadrer la proposition, en maroquinerie comme en mode, qui a d'ailleurs jusqu'ici surtout consisté à mettre en valeur les sacs", selon un expert du secteur qui a souhaité garder l'anonymat.

La taille de Vuitton constitue un vrai défi. La clientèle du luxe s'est lassée de produits jugés peu distinctifs et elle recherche des sacs plus exclusifs qui font le succès d'Hermès ou de Bottega Veneta (groupe Kering).

REPOSITIONNEMENT

Consciente de la difficulté, Vuitton a entamé un repositionnement de son offre vers davantage de sacs en cuir haut de gamme et sans logo mais dont les marges sont inférieures à celles des célèbres toiles enduites monogrammées.

Pour accélérer le pas et apporter un nouveau souffle créatif à la maroquinerie, Delphine Arnault vient d'engager le styliste italo-canadien Darren Spaziani, déjà passé chez Vuitton et chez Balenciaga.

Au dernier jour de la "fashion week" parisienne, Marc Jacobs a livré un défilé en forme d'adieu, reprenant des éléments de décor choisis parmi ses précédents défilés-spectacles : horloge de la gare qu'il avait reconstituée, carrousel, fontaine de la cour Carrée du Louvre, escaliers mécaniques et chambres d'hôtel.

Comme s'il faisait son deuil de Vuitton, sa collection entièrement noire présentait des modèles semblables à des oiseaux de nuit couverts de plumes, de broderies et de strass.

Une source proche du dossier avait déclaré à Reuters le 25 septembre que le contrat du créateur pouvait ne pas être renouvelé et que son défilé pouvait donc être le dernier.

Avec Astrid Wendlandt, édité par Jean-Michel Bélot

par Pascale Denis