« Deeptech » sur le marché en pleine expansion du stockage et du traitement intelligent des données tant au niveau du « Cloud » que du « Edge », Kalray a développé une technologie unique de processeurs permettant d’exploiter au mieux des données massives et disparates. S’appuyant sur une acquisition stratégique dans les solutions de stockage pour les applications de calculs intensifs, elle annonce un décollage de ses ventes en 2022 suivi d’une accélération en 2023. Avec, en ligne de mire, un début d’indépendance financière.

Eric Baissus, 2022 s’annonce comme l’année de l’accélération pour Kalray ?

" Oui. Notre technologie de rupture, qui permet de traiter énormément de données à la volée afin de les exploiter instantanément, est au point. Sur ce marché très porteur, nous ne sommes pas les seuls : des géants des semi-conducteurs comme Intel ou Nvidia ont des solutions plus traditionnelles à proposer, et d’autres jeunes entreprises ont mis au point des solutions innovantes intéressantes. Cependant, la technologie et la feuille de route de Kalray ont un temps d’avance. Nous en sommes à notre 3ème génération de processeur et avons commencé à générer nos premières ventes et notre modèle « fabless », c’est-à-dire sans usine, ne demande plus qu’à passer en production à grands volumes et à dégager des effets d’échelle. Pour cela, il ne manque plus qu’à accélérer les ventes auprès de nos clients actuels et de nouveaux clients. D’où l’acquisition d’Arcapix (N.D.L.R. : Arcapix a réalisé environ 7 M€ de CA et un Ebitda positif en mars 2021. La valorisation retenue pour l’acquisition essentiellement en titres Kalray avoisine les 20 M€ avec les compléments de prix). "

Que va vous apporter Arcapix exactement ?

" Arcapix dispose d’une offre de logiciels qui va élargir les applications et démocratiser notre technologie. La couche logicielle d’Arcapix va non seulement augmenter les potentialités des puces et cartes de Kalray, mais également ouvrir de nouveaux débouchés sur des segments pour lesquels notre technologie est pertinente. Arcapix dispose d’un portefeuille de clients et d’une culture commerciale complémentaire de notre culture d’ingénieurs focalisés sur la R&D. Sur un effectif de 50 personnes chez Arcapix, 30 sont directement liées à la vente et l’après-vente des produits. De plus, Arcapix est basée en Angleterre et opère majoritairement aux Etats-Unis, conférant à Kalray la possibilité d'accélérer sur ces deux marchés. Ce projet d'acquisition nous permet de viser un CA proforma 2022 de 20 M€, sachant qu’Arcapix est déjà profitable ".

Votre Ebitda est ressorti stable, à -5,8 M€ à fin 2021 contre -5,9 M€ à fin 2020 malgré des ventes encore faibles, à 1,45 M€. Pourquoi ne visez-vous pas une amélioration de votre Ebitda en 2022 sachant qu’Arcapix dégage un Ebitda positif et que le CA va bondir à 20 M€ ?

" Notre objectif de 20 M€ de ventes en 2022 soit plus qu’un doublement de nos ventes cumulées viendra du décollage de nos ventes de solutions de stockage, accélérées par la valorisation des clients d’Arcapix et de la poursuite des ventes d’Arcapix en tant que tel. En face de ces ventes, les charges vont également fortement progresser compte tenu des nombreux recrutements réalisés ces derniers mois. Chez Kalray par exemple, nous sommes aujourd’hui 120, contre 103 fin 2021 et 90 fin 2020. Toutes les fonctions sont amenées à croitre, en particulier la R&D et le support client. Nous allons aussi fortement investir dans les produits de nouvelle génération. Cela est essentiel pour conserver et développer notre avance technologique. Le développement de nouvelles puces implique l’achat de modules de propriété industrielle et de moules de fabrication en petite série." 

 

Coolidge, la 3e génération de puces MPPA de Kalray
Coolidge, la 3e génération de puces MPPA de Kalray

 

Quelles hypothèses sous-tendent votre objectif de 100 M€ de CA en 2023 ?

" Notre produit vise différents marchés. En 2023, nous comptons majoritairement sur une nouvelle accélération des ventes de solutions de stockage, que viendront compléter des ventes à destination de deux autres segments pour lesquelles nous finalisons actuellement les solutions : des cartes d’accélération pour la 5G – des projets sont en cours avec Orange, Atos, Renault, 6Wind, pour développer des solutions souveraines sur les réseaux télécoms, ou encore avec Vodafone sur des technologies liées à la 5G -  et le Edge Computing notamment pour l’industrie. Concernant les débouchés dans l’automobile, il faudra plutôt attendre 2025. "

Kalray a multiplié les levées de fonds ces derniers temps. A quel horizon pouvez-vous tabler sur une plus grande autonomie financière ?

" L’industrie du semi-conducteur est une industrie qui demande beaucoup d’investissements et gourmande en financements. A titre de comparaison, certains de nos concurrents, notamment aux Etats-Unis lèvent jusqu’à plusieurs centaines de millions d’euros. Nous avons pour habitude de nous donner une visibilité financière à au moins 12 mois, ce que nous donnera la prochaine émission d’obligations convertibles pour un montant de l’ordre de 10 M€. Au-delà, nos besoins de financement dépendront de l’ampleur de nos investissements dans la croissance future, laquelle constitue notre priorité. Mais les ventes significatives attendues en 2023 devraient mécaniquement réduire notre consommation de trésorerie."