Paris (awp/afp) - Kering chutait de plus de 10% en Bourse vendredi, signe que les marchés doutent de la capacité du styliste Demna Gvasalia, choisi comme nouveau directeur artistique de Gucci, à redresser la marque phare du groupe de luxe.

Le créateur géorgien quitte Balenciaga, également propriété de Kering et dont il était le styliste depuis 2015, pour rejoindre la marque italienne, selon un communiqué publié jeudi soir.

Agé de 43 ans, il remplace Sabato de Sarno, qui a quitté Gucci en février seulement deux ans après sa nomination, au moment où les contre-performances de Gucci plombent l'activité de sa maison mère.

"Sa force créative est exactement ce dont Gucci a besoin", selon François-Henri Pinault, PDG de Kering, cité dans le communiqué.

Les investisseurs semblaient plus circonspects.

L'action Kering dégringolait de plus de 11% vers 16H30 à la Bourse de Paris. Depuis le 1er janvier, le titre affiche une baisse de près de 7% après une année 2024 où sa valeur s'était effondrée de 40%.

"La nomination de Demna peut surprendre car les investisseurs anticipaient un créateur externe très connu, ce que cette nomination ne semble pas offrir", a commenté Piral Dadhania, analyste chez RBC Capital Markets.

"Nous pensons que le marché recherchait un candidat poids lourd, capable de diriger et d'influencer avec des perspectives et des idées nouvelles, pour relancer la dynamique de la marque chez Gucci", a expliqué l'analyste.

Les noms de Maria Grazia Chiuri, la directrice artistique des collections femme de Dior, ou de Hedi Slimane, qui vient de quitter Celine, circulaient notamment dans le milieu de la mode depuis plusieurs semaines.

"Minimisation du risque"

Demna est "iconoclaste et ironique, qualités propices" pour "une petite marque comme Balenciaga", estime dans une note la banque Bernstein.

"Toutefois, nous ne sommes pas sûrs que cette stratégie fonctionne aussi bien pour une marque de plus grande envergure", est-il ajouté.

En 2024, Gucci, qui représente près de la moitié du chiffre d'affaires de Kering, a réalisé 7,65 milliards de ventes, en chute de 23% sur un an.

Les analystes de Bernstein ne sont "pas sûrs que Demna soit à la hauteur de la tâche, ni qu'il soit le choix adéquat pour Gucci actuellement".

"Le street-style - qui a fait son succès - semble démodé", selon eux. "Entre 2017 et 2022, Balenciaga est resté en tête de l'indice Lyst des marques les plus en vogue, mais la marque est depuis sortie du top 10", soulignent-ils.

"Par ailleurs, comme Alessandro Michele avant lui (styliste qui a quitté Gucci en novembre 2022, NDLR), ses collections sont devenues plus répétitives et la réputation de Demna a malheureusement été ternie par les scandales autour de campagnes publicitaires accusées de prôner la pédophilie qui ont affecté Balenciaga en 2022", selon la banque.

En 2024, la section "autres maisons" à laquelle appartient Balenciaga, a réalisé un chiffre d'affaires de 3,22 milliards d'euros en baisse de 8% sur un an.

Demna prendra ses fonctions début juillet 2025.

"Commencer en juillet semble un peu juste pour les collections Printemps/Été 2026, surtout en ce qui concerne la mode masculine", ajoutent les analystes de Bernstein qui toutefois disent comprendre "la stratégie de minimisation du risque choisie en optant pour ce qui est déjà reconnu".

afp/rp