S’il n’a encore jamais dirigé d’entreprise dans le secteur du luxe, Luca de Meo n’est pas un néophyte en la matière. L’homme d’affaires a un goût prononcé pour les belles choses, en particulier les montres suisses.
Luca de Meo est aussi, et surtout, un spécialiste des situations compliquées. Il a fait ses preuves en matière de redressement d’entreprises. Il a notamment occupé des fonctions de directeur de marques au sein du groupe Fiat dans les années 2000 où il a contribué à redonner vie à l’iconique Fiat 500. Il s’est ensuite forgé de solides compétences en marketing chez Volkswagen. Puis c’est au pire moment de la pandémie mondiale de 2020 qu’il prend les commandes de Renault. Le constructeur français sortait de plusieurs exercices déficitaires, aussi bien en termes de chiffre d’affaires que de marges.
Luca de Meo a réussi à inverser la vapeur alors que la tâche était loin d’être acquise compte tenu du niveau d’inflation, des hausses de taux, de l’arrivée de véhicules moins chers et de la transition vers le véhicule électrique.
Le patron de Renault s’est appuyé sur un plan en trois phases, nommé Renaulution. La première partie, Résurrection, de 2021 à 2023, a servi à restaurer la rentabilité en réduisant les coûts, en optimisant les capacités de production et en se concentrant sur les modèles les plus rentables. La seconde phase, Rénovation, avait pour but de renouveler et d’enrichir la gamme, en mettant l’accent sur la montée en gamme et l’innovation. Le retour de la R5 en version électrique et d’Alpine, aussi bien sur la route qu’en Formule 1, figurent parmi les meilleurs exemples de la volonté de redonner vie à des modèles emblématiques. Le troisième pilier du plan se fera donc sans Luca de Meo. Baptisé Révolution, l’objectif est de transformer un groupe remis sur les rails en une entreprise technologique axée sur l’électrification et les services connectés.
Luca de Meo s’en va donc l’esprit léger. Une bonne partie de la tâche a été accomplie, et il laisse le constructeur sur de bien meilleures bases que lorsqu’il est arrivé, il y a cinq ans. D’autant qu’il a réussi à exfiltrer le groupe du trio devenu gênant avec Nissan et Mitsubishi. Il a réussi là où les méthodes traditionnelles ne fonctionnaient plus.
La tâche chez Kering sera tout aussi complexe. Le secteur du luxe est amorphe. Seules les marques indémodables et protégées des préoccupations liées à la hausse des prix (Hermès, Brunello Cucinelli et quelques-unes chez LVMH) parviennent à garder la tête hors de l’eau. Mais globalement, la baisse de la demande chinoise et la menace des droits de douane affectent le secteur. Chez Kering, la situation est d’autant plus délicate que la famille Pinault n’est pas parvenue à redorer le blason de la marque principale, Gucci, qui est responsable de 45 % des ventes et des deux tiers des profits. Les divers bouleversements dans le management et la progression de l’endettement n’ont pas aidé à y voir plus clair au fil des trimestres. Le titre a perdu près de 80 % de sa valeur depuis les sommets d’août 2021.
Le défi sera donc de taille pour l’homme qui a travaillé toute sa vie dans le secteur de l’automobile. Mais peu, sur le marché, sont aussi bien armés que lui pour prendre la direction d’une telle entreprise à la dérive. Le marketing et la gestion de marques sont ses atouts et ils concernent particulièrement le cas de Kering.
On comprend ainsi la réaction pleine d’enthousiasme sur le titre, qui a gagné près de 12 % ce lundi.