* L'autorité du jeune prince héritier s'en trouve consolidée

* Le nouveau ministre de l'Economie est un ex-banquier HSBC

* Création d'un organisme de lutte contre la corruption

* Ce comité a procédé à des dizaines d'arrestations-TV (Edité avec détails)

par Stephen Kalin et Katie Paul

RYAD, 5 novembre (Reuters) - Les autorités saoudiennes ont procédé à une spectaculaire vague d'arrestations touchant les plus hauts cercles du pouvoir et de la famille royale, renforçant de fait la mainmise du prince héritier Mohamed ben Salman sur les affaires du royaume.

Onze princes, des dizaines d'anciens membres du gouvernement et quatre ministres en exercice ont été arrêtés à la demande d'un nouvel organe de lutte contre la corruption, dont le roi Salman a annoncé la création et confié la présidence au prince héritier.

Parmi les personnalités arrêtées, figure le prince Alwalid ben Talal, neveu du roi, richissime homme d'affaires et principal actionnaire de la société d'investissement Kingdom Holding, présente un peu partout dans le monde.

Dans le cadre du remaniement effectué par le roi Salman, le prince Miteb ben Abdallah est relevé de ses fonctions de ministre de la Garde nationale et remplacé par Khaled ben Ayyaf.

Adel Fakieh, ministre de l'Economie, est remplacé par son adjoint, Mohammed al Touaïdjri, comme l'annonce un décret royal transmis aux premières heures de dimanche par la télévision publique.

Miteb ben Abdallah, fils préféré du défunt roi Abdallah, a été considéré un temps comme possible prétendant au trône avant l'ascension inattendue du prince Mohamed il y a deux ans.

Le prince Miteb avait hérité du contrôle de la Garde nationale, les services d'élite de la sécurité intérieure, que son père avait dirigée pendant cinq décennies.

Il était le dernier représentant de la branche Abdallah au sein de la famille royale à occuper de hautes fonctions.

On retrouve également dans cette liste l'ancien ministre des Finances Ibrahim al Assaf.

"La patrie ne pourra pas exister tant que la corruption ne sera pas éradiquée et que les corrompus n'auront pas rendu compte de leurs actes", dit le décret royal.

CONSOLIDER LE POUVOIR

"Cette répression rompt avec la tradition de consensus qui prévalait au sein de la famille royale, habituée à travailler dans le secret comme cela fut par exemple le cas au Kremlin à l'époque de l'Union soviétique", estime James Dorsey, enseignant à la S. Rajaratnam School of International Studies de Singapour.

"Pourtant, les limogeages et les mises en détention laissent entendre que le prince Mohamed, plutôt que de forger des alliances, resserre son emprise sur la famille royale, l'armée et la garde nationale pour endiguer une opposition qui semble étendue, tant au sein de la famille royale que dans l'armée, contre ses réformes ou la guerre au Yémen."

Un économiste salarié d'une grande banque du Golfe qui s'exprimait sous le sceau de l'anonymat assure que personne en Arabie saoudite ne peut penser que ces arrestations puissent être dictées par la volonté de lutter contre la corruption.

"Il s'agit de consolider le pouvoir et d'une frustration devant le rythme insuffisant des réformes", dit-il.

MAINMISE DU PRINCE MOHAMED SUR LA SÉCURITÉ

Ces changements consolident la mainmise du prince Mohamed sur les différentes forces de sécurité du royaume, longtemps partagées entre les différentes lignées de la famille souveraine.

Le prince Mohamed, qui est âgé de 32 ans, occupe déjà les fonctions de ministre de la Défense. Il a été nommé héritier du trône au mois de juin, lors d'un remaniement qui a mis sur la touche son cousin le prince Mohamed ben Nayef, qui fut ministre de l'Intérieur.

Le prince Mohamed dirige à la fois la guerre menée par l'Arabie saoudite au Yémen voisin, et la politique énergétique du royaume avec pour objectif de préparer l'après-pétrole.

Celui qui s'est engagé à traquer la corruption dans les plus hautes sphères du pouvoir dirigera désormais un organe ayant toute latitude pour mener des enquêtes, émettre des mandats d'arrêt ou des interdictions de voyage, et geler des actifs.

Le nouveau ministre de l'économie, Mohammed al Touaïdjri, a été pilote dans l'armée de l'air saoudienne puis a occupé le poste de directeur général des opérations au Moyen-Orient de la banque HSBC. Il a à ce titre organisé la privatisation de biens de l'Etat d'une valeur de 200 milliards de dollars.

Son prédécesseur Adel Fakieh avait été confronté à une contestation féroce du monde des affaires lorsque, en tant que ministre du travail, il avait mis en place des quotas pour les salariés étrangers afin de favoriser l'embauche de Saoudiens. (Avec la rédaction de Dubaï, Jean-Philippe Lefief, Jean Terzian et Nicolas Delame pour le service français, édité par Danielle Rouquié et Gilles Trequesser)