"La Cour de justice a annulé l'arrêt du Tribunal qui avait confirmé l'amende de 1,06 milliard d'euros infligée à Intel par la Commission pour abus de position dominante", peut-on lire dans un communiqué de la CJUE.

"L'affaire est renvoyée au Tribunal afin que celui-ci examine les arguments avancés par Intel quant à la capacité des rabais litigieux à restreindre la concurrence", ajoute la cour, basée à Luxembourg.

Sa décision pourrait amener la Commission à revoir son approche sur d'autres dossiers comme ceux de Qualcomm et d'Alphabet, maison mère de Google.

Dans son arrêt de 2014, le Tribunal avait confirmé la décision prise en 2009 par la Commission européenne mais en octobre dernier, Intel s'était trouvé conforté par l'avis rendu par l'avocat général de la Cour de justice, qui exprimait ses doutes sur la réalité d'une atteinte à la concurrence par les pratiques du fondeur.

L'amende infligée à Intel a longtemps constitué un record en Europe jusqu'à ce que la CE inflige en juin à Google une sanction de 2,4 milliards d'euros.

L'exécutif européen avait sanctionné Intel en l'accusant d'avoir profité entre 2002 et 2007 de sa position dominante sur le marché mondial des semi-conducteurs pour accorder des rabais à quatre grands fabricants d'ordinateurs (Dell, Lenovo, Hewlett-Packard et NEC), à condition qu'ils se fournissent quasiment intégralement auprès de lui pour leurs processeurs, le but étant d'évincer son concurrent Advanced Micro Devices.

Les autorités de régulation sont généralement méfiantes face aux rabais, notamment ceux qui sont accordés par des groupes en position dominante sur un marché, les jugeant anticoncurrentiels par nature. Les entreprises de leurs côté estiment que les régulateurs doivent prouver dans les faits que ces rabais sont anticoncurrentiels avant de les sanctionner.

"C'est un revers pour la Commission car ses décisions seront surveillées de plus près à l'avenir. Il y a maintenant une obligation claire d'avancer des arguments prenant en compte les effets", dit Foad Hoseinian du cabinet Freshfields.

"Les entreprises seront plus confiantes lorsqu'elles iront devant la Commission et davantage de sociétés seront tentées d'attaquer la Commission en justice avec des arguments mettant en avant les effets (et non le principe)", ajoute-t-il.

La Commission a dit qu'elle regarderait le jugement avec attention et que c'était au Tribunal de première instance de revoir sa décision.

Intel a dit avoir "toujours été convaincu que ses mesures étaient légales et ne portaient pas atteinte à la concurrence".

L'affaire, qui dure déjà depuis une dizaine d'années, pourrait se prolonger encore longtemps dans la mesure où Intel pourrait faire appel du jugement du Tribunal de première instance à la suite du réexamen, s'il ne va pas dans son sens.

(Michele Sinner et Philip Blenkinsop, Claude Chendjou et Juliette Rouillon pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat et Bertrand Boucey)