Il y a deux ans presque jour pour jour, nous soulignions qu’à un cours de $14 par action, la valorisation de Levi’s à dix fois ses profits ne manquait a priori pas d’attrait pour une entreprise aussi bien établie. L’actionnariat familial, la gestion prudente et l’historique de profitabilité somme toute convaincant représentaient par ailleurs de solides gages de qualité.

Dans un registre moins probant, il est certain que la croissance patinait, tant au niveau des ventes que des profits. La rentabilité accusait une érosion permanente, même avec un levier financier en augmentation. L’année 2023 — marquée par un changement de direction — s’inscrivait à nouveau dans cette veine.

L’activité appelait donc une restructuration en profondeur, tant pour capitaliser sur la vente en direct et le digital que pour améliorer les marges. Or, preuve était faite que Levi’s, malgré sa popularité, ne disposait en réalité que d’un pricing power limité. Cette réalisation impliquait une nouvelle orientation stratégique, avec l’efficacité opérationnelle — plutôt que la montée en gamme — en ligne de mire.

Le patient est pour l’instant sur la table d’opération, si bien qu’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Sur les neuf premiers mois de l’année 2024, on observe néanmoins que la panne de croissance des ventes se poursuit. Seule l’Europe tire l’ensemble vers le haut, tandis que l’Amérique du Nord recule et que l’Asie stagne.

En revanche, il n’a pas échappé aux analystes de Zonebourse que la marge brute avait atteint sur la période son niveau le plus élevé depuis quinze ans — conséquence directe d’un drastique programme d’économies. Ce dernier entraîne une charge de restructuration de $174 millions qui pèse sur le profit, mais l’amélioration est notable si l’on retranche cet élément exceptionnel. 

Bilan mitigé du côté des autres marques du groupe : acquise pendant la pandémie, Beyond Yoga affiche une croissance à deux chiffres, mais cette performance est hélas neutralisée par le recul des ventes de Dockers, à deux chiffres lui aussi. En difficulté structurelle depuis des années, Dockers pourrait être cédée prochainement. 

S’ils ne s’emballent pas outre-mesure, les investisseurs semblent en tout cas maintenir une relative confiance envers la directrice générale Michelle Gass, et continuer de miser sur la réussite du plan de restructuration ; en témoigne la valorisation à quatorze fois le profit attendu l’an prochain.