Entreprise familiale ayant à cœur de cultiver son ADN entrepreneurial et de s’inscrire dans une vision longue des métiers du soin, LNA Santé a été épargnée par la dénonciation médiatique de certaines pratiques ayant cours dans les Ehpad, à commencer par les établissements du leader Orpea. Il faut dire que le discours de LNA Santé s’était démarqué bien avant ce scandale, même si comme son management l’indique régulièrement, aucun établissement n’est totalement à l’abri d’un acte de maltraitance. A l’occasion de la publication du chiffre d’affaires du 3ème trimestre 2022 du Groupe, nous nous sommes rendus au siège de LNA Santé pour faire le point une fois l’emballement médiatique passé.

Damien Billard, nous arrivons au terme d’une année 2022 éprouvante pour les groupes d’EHPAD avec la parution d’un livre en janvier qui a provoqué l’effondrement progressif du n°1 mondial du secteur. Les autorités se sont saisies du cas Orpea et certaines mesures ont été prises. Quels changements durables cela occasionne-t-il pour le secteur et pour LNA Santé en particulier ?  

" Ce scandale entraîne de nombreuses conséquences tout en confortant la singularité du modèle LNA Santé. Pour rétablir la confiance, les acteurs doivent s’engager dans un effort de transparence auprès de toutes les parties prenantes, et notamment des autorités qui vont effectuer davantage de contrôles sur le terrain (ARS et conseils départementaux) et exiger de nouvelles certifications (HAS). Deux établissements LNA Santé ont déjà fait l’objet d’un contrôle d’une journée depuis cette affaire, sans qu’aucun point critique n’ait été soulevé. Autre changement : la juste place redonnée à l’exploitation des établissements après des années de développement effréné des groupes avec souvent une logique de court terme, de centralisation et de financiarisation excessive. L’expertise médicale, la qualité des pratiques managériales au sein de nos établissements, la culture du dialogue social, la dynamique des relations avec les familles, et l’exigence placée dans tout ce qui concourt à la qualité du service (jusqu’à la conception et la maintenance de l’immobilier) sont au centre de notre attention. Même dans un groupe comme LNA qui est plutôt en pointe sur ces sujets, cela occasionne des investissements continus et influence fortement l’élaboration de notre plan  stratégique "Grandir Ensemble 2027"."

Les transactions dans le secteur faisaient ressortir jusque-là des valorisations jugées déraisonnables par le management de LNA Santé. Voyez-vous dans la configuration actuelle des opportunités de reprise d’établissements dans de bonnes conditions financières ou bien préférez-vous réduire votre exposition aux maisons de retraite françaises ?

"Le paradigme de l’investissement dans le secteur est d’autant plus bouleversé par ce scandale qu’un nouveau cadre économique et financier a émergé avec la remontée des taux d’intérêt et la poussée inflationniste. La perception du secteur et des risques attachés a changé : cadre réglementaire renforcé, expertise et qualité des soins à juste titre exigées, place centrale donnée aux familles et proches aidants dans le projet, questionnement sur la capacité à défendre les niveaux de marge et à répercuter les tensions inflationnistes sur les tarifs, hausse des taux d’intérêt et fermeture du financement des grosses opérations. Pour l’instant, cela se traduit par un gel des transactions, le temps que les prix de vente s’ajustent significativement à la baisse. La politique de développement externe de LNA Santé, restera prudente car au-delà de la nécessaire baisse des prix, la maîtrise du risque d’exécution est au cœur de notre ADN. LNA Santé s’est développé pour 75% de son parc français, par des opérations de reprise d’établissements, en provenance d’acteurs multiples, quel que soit leur statut, y compris public et associatif. Un travail de longue haleine que nous poursuivrons car c’est notre point fort. Sur la reprise d’établissements privés, compliquée ces dernières années par des multiples de transaction de 12 à 15x l’Ebitda, les opportunités pourraient se multiplier compte tenu du besoin de transformation de l’offre et de la fragilité de certains opérateurs ou projets mal préparés aux enjeux de la médicalisation accrue et de la qualité des soins, de l’attractivité RH, de la reconstruction immobilière... LNA Santé dispose aujourd’hui d’une pleine capacité acquisitive grâce à un refinancement complet débuté en 2021 avec la dette et une augmentation de capital début 2022. Notre intérêt se porte plutôt sur des établissements français, notre développement à l’international restant prudent et progressif à l’image du travail en cours que nous menons en Pologne. Les autres zones identifiées, à savoir l’Irlande, l’Italie et la péninsule ibérique sont également concernées par le changement de paradigme à l’œuvre sur le marché français. Nous préférons donc prendre le temps de comprendre le fonctionnement de chaque pays pour ne pas nous positionner n’importe où et à n’importe quel prix. "

LNA Santé a pour modèle économique l’externalisation des murs neufs ou rénovés de ses établissements. Ce modèle n’est-il pas mis à mal par l’image du secteur et la hausse des taux de rentabilité exigés par les investisseurs particuliers et institutionnels ?

"Certes, le nouveau contexte de taux et la nouvelle prime de risque sur notre activité peuvent peser sur les taux de capitalisation. Je pense que ce sera moins le cas pour LNA Santé qui externalise des murs systématiquement neufs ou remis à neuf et qui dispose en interne d’une plateforme étendue d’expertises immobilières enrichie par le rapprochement en cours avec notre partenaire et filiale FIDEXI. Cette collaboration renforcée au service du montage des opérations de revente à des particuliers et family office est une force pour viser des taux de capitalisation inférieurs aux grands institutionnels. Pour nous, ce modèle d’externalisation, en assurant la maîtrise complète de l’exploitation et donc des taux d’occupation des établissements, reste très pertinent."

Dans quelle mesure les résultats du Groupe seront impactés par la hausse des salaires, des factures énergétiques et des taux d’intérêt ?

"Les hausses de salaires ont été accélérées par la crise sanitaire. Le Ségur de la Santé financé par l’Etat a contribué à la revalorisation salariale de tous les métiers au sein des établissements avec un reste à charge parfois substantiel, et LNA Santé accompagne aussi activement la revalorisation des métiers sur le plan des rémunérations, des parcours professionnels, de la qualité de vie au travail. L’inflation salariale sera répercutée dans les tarifs et de manière progressive. Concernant nos factures énergétiques, qui représentent 1,5% de notre chiffre d’affaires, nous sommes, en moyenne selon les contrats, protégés jusqu’en 2024 voire 2025 contre la hausse des tarifs de marché observée en 2022. Enfin, l’effet de la hausse des taux sur nos résultats financiers devrait être limité par la duration de notre dette d’exploitation, proche de 6 ans, sachant que la partie non couverte de notre dette à taux variable, minoritaire et à caractère circulant, sera en partie compensée par une meilleure rémunération de nos placements."

LNA Santé a opéré des rachats d’actions cette année. Quelle est l’ambition et la vocation de ces opérations ? 

"Nous avons effectivement opéré des achats d’actions LNA Santé sur le marché pour servir certains des objectifs définis dans notre programme de rachat d’actions. Aujourd’hui, alors que le groupe détient 2% de son propre capital, nous souhaitons structurer notre politique de rachat d’actions pour les allouer de manière plus précise à certains de ces objectifs. Aux cours actuels et au regard des prix d’entrée d’opérations récentes, nous sommes convaincus qu’il va de l’intérêt de tous les actionnaires du Groupe, et notamment de ceux qui ont une place prépondérante comme les familles fondatrices, les salariés et les investisseurs de proximité, d’acheter des titres."

Une éthique qui s’affiche au siège du Groupe, situé près de Nantes

Notez bien que l'auteur de l'interview est actionnaire de la société à titre personnel.