Le texte stipule qu'une chambre de compensation - soit l'intermédiaire assurant la parfaite exécution d'une transaction entre deux parties - étrangère sera soumise à une surveillance accrue si elle veut servir les clients de l'Union européenne (UE).

Mais si une chambre de compensation est jugée d'importance systémique pour la zone euro, alors toutes les transactions en euro faites avec des clients de l'UE devront migrer vers les Vingt-Huit.

Cette proposition de loi a provoqué une levée de boucliers en Grande-Bretagne car elle entraînerait des pertes d'emplois et de recettes fiscales.

Londres héberge LCH, filiale de London Stock Exchange qui compense la plus grande partie des swaps en euro négociés en Europe. Le LSE a prévenu qu'un déplacement de la compensation en euro hors de Londres se traduirait par la perte de milliers d'emplois dans le secteur des services financiers, gros pourvoyeur d'argent pour le fisc britannique.

Lors du premier débat consacré à ce dossier mardi, des députés des deux principales formations du Parlement européen, le Parti populaire européen (centre-droit) et l'Alliance progressiste des socialistes et démocrates (centre-gauche), ont globalement apporté leur soutien au projet de loi, en réclamant toutefois quelques amendements.

"C'est une bonne proposition pour la Commission européenne", a dit à la commission des affaires économiques du Parlement Danuta Hübner, députée polonaise de centre-droit.

"Je soutiens par principe cette proposition, que je juge nécessaire", a déclaré Roberto Gualtieri, un député italien de centre-gauche qui préside la commission.

Les Etats membres et le Parlement européen auront le dernier mot au terme - non fixé - d'une procédure qui devrait comporter de fait des amendements.

Pour l'heure, les clients européens de LCH ne savent pas s'ils pourront encore passer par son intermédiaire une fois que la Grande-Bretagne aura officiellement quitté l'UE.

Tirant parti de cette incertitude, l'opérateur boursier allemand Deutsche Börse a fait savoir lundi qu'il mettrait en place un dispositif de partage de profits sur ses activités de compensation des swaps de taux, initiative destinée rien moins qu'à capter des parts de marché au détriment de LCH.

Eurex Clearing, la filiale de compensation de Deutsche Börse, lancera le mois prochain un programme de partenariat dont les participants bénéficieront d'une partie des profits réalisés sur la compensation des swaps de taux d'intérêt, en fonction du volume d'activité apporté.

"PRUDENTS, RÉFLÉCHIS ET À L'ÉCOUTE"

Danuta Hübner estime que le texte est trop compliqué par endroits; on ne sait pas exactement, par exemple, de quelle manière les autorités de régulation européennes et la Banque centrale européenne (BCE) décideront à quel moment la compensation en euro devra migrer vers l'UE.

"Il faut tout faire pour éviter que la prise de décision soit incohérente", observe-t-elle. "Il ne faut pas que la procédure prenne un tour politique".

Pour Roberto Gualtieri, renforcer la surveillance de l'UE sur la compensation s'impose mais il faut être "très prudent, réfléchi et à l'écoute" au vu des conséquences potentielles.

D'autres disent qu'il ne faut pas verser dans le protectionnisme ou tenter, par ce biais, d'infliger un châtiment à une Grande-Bretagne qui a déjà maille à partir avec elle-même.

Kay Swinburne, parlementaire britannique de centre-droit représentant l'une des rares voix dissonantes vis-à-vis de l'initiative, juge qu'encadrer au plan régional une monnaie de réserve est mal pensé.

"C'est pourquoi nous avons autant travaillé au plan international et j'espère qu'on ne va pas renoncer à tout cela pour un proctectionnisme qui aurait à voir avec la décision du Brexit", explique-t-il.

Les banques et le LSE disent que relocaliser une partie de la compensation aboutirait à un éclatement des marchés qui provoquerait une hausse des coûts des entreprises de l'UE qui utilisent les swaps pour se couvrir des risques de taux, de change, et de variation des cours des matières premières.

(Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Véronique Tison)

par Huw Jones

Valeurs citées dans l'article : Deutsche Boerse, London Stock Exchange