Avant d’entrer dans le vif du sujet, concentrons-nous sur ce que fait exactement la société canadienne Loop Industries. Celle-ci est à l’origine de la création d’un plastique polyéthylène téréphtalate infiniment recyclable, avec un taux de récupération de 100 %, communément appelé PET. Je ne suis pas scientifique, mais en gros, la société pourrait décomposer du plastique comme les bouteilles de façon chimique. Loop Industries se veut donc être le leader dans la révolution du plastique durable. Malheureusement, il semblerait que cette technologie ne soit pas aussi avant-gardiste que clamé.

Les accusations.

Dans un rapport publié le 13 octobre, le cabinet de recherche avance en effet que Loop Industries est un “écran de fumée sans aucune technologie viable” et qui n’a encore jamais généré de revenus. 

Période Fiscale : Février 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026
Chiffre d'affaires 1 - - - - 0,1728 0,148 35,17 111,2
EBITDA 1 -16,3 -11,93 -30,23 -40,53 -37,6 -20,84 -1,15 49,75
Résultat d'exploitation (EBIT) 1 -16,8 -12,76 -36,05 -41,08 -38,15 -21,2 -5 40,3
Marge d'exploitation - - - - -22 073,98 % -14 324,32 % -14,22 % 36,22 %
Résultat Avt. Impôt (EBT) 1 - -14,51 -36,34 -44,92 -21,3 -21,24 -11 41,66
Résultat net 1 - -14,51 -36,34 -44,92 -21,3 -21,24 -9,067 31,34
Marge nette - - - - -12 323,87 % -14 353,38 % -25,78 % 28,17 %
BNA 2 -0,5200 -0,3800 -0,8900 -0,9900 -0,4500 -0,4450 -0,1433 0,4950
Free Cash Flow 1 -9,455 - - -47,8 -34,97 -253 -176 -168
Marge FCF - - - - -20 234,11 % -170 945,95 % -500,47 % -151,01 %
FCF Conversion (EBITDA) - - - - - - - -
FCF Conversion (Résultat net) - - - - - - - -
Dividende / Action - - - - - - - -
Date de publication 07/05/19 05/05/20 01/06/21 26/05/22 18/05/23 - - -
1USD en Millions2USD
Données Estimées

Par ailleurs, les anciens collaborateurs ont révélé que Loop exploitait deux laboratoires : l'un réservé à deux frères scientifiques et à leur père, où des résultats “exceptionnels” ont été obtenus, et un laboratoire séparé où les employés n'ont pas pu reproduire les soi-disantes découvertes. L’objectif était que la recette reste secrète pour éviter toute fuite chez des concurrents. 

Toutefois, il semblerait que les deux frères scientifiques qui ont co-inventé et breveté le procédé de recyclage n’aient aucune formation supérieure en chimie et n'aient aucune autre expérience professionnelle que celle de Loop. Un peu bizarre quand de grands groupes chimiques s’entourent de solides équipes de scientifiques qui ont l’habitude de publier dans des revues spécialisées

Mais ce n’est peut-être pas aussi bizarre que cela puisque selon les dires d’un ancien employé, les scientifiques de Loop ont été tacitement encouragés à mentir sur les résultats, sous la pression du P-DG Daniel Solomita. Celui-ci n’a pas non plus de passé dans la chimie ou dans les polymères et a été à la tête d’une entreprise qui ne vaudrait presque plus rien. 

Toujours selon un ancien collaborateur, le procédé de recyclage de Loop - qui prétend avoir un taux de récupération de 100 % - était “techniquement et industriellement impossible”.

Dans la catégorie, autre fait plutôt louche.

Le rapport Hindenburg indique que Daniel Solomita a engagé Henry Lorin afin d’aider Loop à lever ses premiers fonds alors qu’il avait plaidé coupable de manipulation d'actions en 1989. Celui-ci a par la suite introduit Lance Bauerlein à Solomita, qui avait également plaidé coupable de fraude boursière en 2015 et avait été condamné par la SEC. Bien sûr, cela ne prouve rien du tout, et Solomita n’était peut-être pas au courant de ces condamnations. Néanmoins, cela laisse songeur, sachant que des entreprises chimiques ou des fonds de capital-risque sont déjà activement impliqués dans le recyclage des plastiques et auraient pu faire l’objet d’une collaboration pour récolter des fonds.

Qu’en pensent les partenaires de Loop Industries ? 

Les dirigeants d'une division du partenaire Thyssenkrupp, avec lequel Loop a conclu un "accord d'alliance globale" en décembre 2018, assure que leur partenariat est en attente "indéfinie" et que Loop a "sous-estimé" à la fois les coûts et la complexité de son processus.

En outre, Hindenburg Research soupçonne également que les partenariats avec Danone, Coca-Cola Co, et PepsiCo Inc. n'ont abouti à rien. La propriétaire de la marque Evian affirme que le PET de Loop n’a pas été acheté jusqu’à présent tandis que les deux entreprises américaines de boissons n’ont pas encore déclaré si du plastique avait bien été recyclé dans le cadre de leur partenariat. 

Quant à la joint venture avec la société chimique Indorama, souvent présentée depuis 2018 comme une source de revenus imminente, est "toujours en cours de finalisation". D’après un collaborateur d'Indorama, aucune production n'a eu lieu jusqu'à présent.

Suite à ce dossier de recherche, les conclusions ont été soumises aux régulateurs et l’analyste de chez Hindenburg a pris une position vendeuse sur l’action Loop. Celle-ci a chuté de plus de 32 % après les accusations. Depuis son cours de 13,6 $ fin septembre, la société affiche une baisse de 45 % et se traite aujourd’hui à 7,55 $.

Source Bloomberg : Graphique de Loop Industries en journalier sur 2020

Après avoir atteint une capitalisation boursière de 515 millions de dollars, l’analyste Nate Anderson prévoit qu’une fois le cash de Loop épuisé (environ 48 millions de dollars), la société ne vaudra plus rien.

Des actions collectives ont déjà été menées au Québec - lieu du siège social de Loop - notamment celle du cabinet LPC Avocat qui cherche à obtenir des dommages-intérêts et couvrir les pertes financières des investisseurs ayant cru au projet de Loop. Ce type de sollicitation de la part de cabinets d'avocats opportunistes est monnaie courante quand des allégations de ce genre émergent. 

La réponse de Loop Industries.

La société affirme que les accusations de Hindenburg sont soit infondées, soit incorrectes, soit que les allégations concernant son PET étaient "basées sur la première itération de la technologie de Loop, connue sous le nom de Gen 1, qui était utilisée entre 2014 et 2017". Alors qu’en 2017, “Loop a réinventé son procédé et a développé sa technologie Gen 2, qui est au cœur des projets de commercialisation aujourd’hui" a déclaré la société.

Le mois dernier, Hindenburg Research a accusé la start-up de camions électriques Nikola Corp. d'être une "fraude complexe" et a déclaré que son fondateur Trevor Milton avait trompé les investisseurs, ce qui avait conduit à sa démission en tant que président exécutif. Ces allégations ont donné lieu à une enquête du ministère américain de la justice et de la Securities and Exchange Commission.

D’ailleurs, on peut noter quelques points communs avec l’affaire Nikola : 

  • Les deux entreprises ont fait leur entrée en bourse grâce à une fusion inversée ; 
  • Elles se positionnent sur des thématiques porteuses et révolutionnaires, l’une sur le recyclage du plastique, l’autre sur le développement de véhicules propres ; 
  • Aucun chiffre d’affaires n’est réalisé sur plusieurs années ; 
  • Des P-DG et une équipe de managers qui ne semblent n’avoir aucun background dans leurs domaines respectifs(hydrogène et chimie) ;
  • Des partenariats chancelants qui ne valident pas la technologie.

A suivre...