Milan (awp/afp) - Après moult revirements, la privatisation d'ITA Airways semble être arrivée à bon port: l'Etat italien et Lufthansa ont fini par signer jeudi un accord sur l'entrée du géant aérien allemand au capital de la compagnie publique née des cendres d'Alitalia.

Lufthansa compte acquérir dans un premier temps une part minoritaire de 41% de la compagnie publique italienne, se réservant l'option de monter davantage à son capital à moyen terme, a indiqué à l'AFP une source gouvernementale.

Rome avait donné en février 2022 son feu vert à la privatisation d'ITA Airways, contrôlée à 100% par l'État, après des années de recherches infructueuses d'un repreneur pour son ancêtre Alitalia.

L'accord a été signé à Rome par le ministre de l'Economie Giancarlo Giorgetti et le patron de Lufthansa, Carsten Spohr.

Lufthansa a indiqué débourser 325 millions d'euros pour acquérir sa participation, alors que le ministère italien des Finances injectera de son côté une dernière tranche de 250 millions d'euros afin de renforcer le capital d'ITA Airways.

Cette opération d'"importance stratégique" va permettre au groupe allemand d'élargir son "accès au troisième plus grand marché aérien en Europe", s'est félicité la Lufthansa.

La somme investie, issue d'une augmentation de capital, ira directement dans la trésorerie de la compagnie italienne, est-il ajouté.

Bruxelles avait donné en 2021 son feu vert au décollage d'ITA et a autorisé un financement de 1,35 milliard d'euros de fonds publics, à condition qu'elle finisse par voler à terme de ses propres ailes.

"Situation gagnant-gagnant"

Cette entente "débouchera sur une situation gagnant-gagnant pour l'Italie, ITA Airways et le groupe Lufthansa", a commenté M. Spohr.

"C'est une bonne nouvelle pour les consommateurs italiens et pour l'Europe, car le renforcement d'ITA stimulera la concurrence sur le marché italien", a-t-il assuré.

Cet accord "marque la fin d'un parcours de l'histoire de la compagnie nationale, qui mène à la perspective d'une intégration avec un grand transporteur européen", s'est félicité M. Giorgetti.

"ITA a tourné la page, nous avons résolu une situation qui semblait impossible, personne n'y était parvenu", avait déclaré fin avril la Première ministre italienne Giorgia Meloni en commentant l'accord imminent avec Lufthansa.

Elle s'est entretenue sur le sujet avec le chancelier allemand Olaf Scholz vendredi dernier en marge du sommet du G7 à Hiroshima.

Une cession d'ITA Airways constituera une bouffée d'oxygène pour l'Etat italien car, au fil des années, il a dû débourser plus de 13 milliards d'euros pour renflouer la compagnie nationale.

Mais rien n'y a fait, Alitalia, placée sous administration publique en 2017, a cumulé des pertes de 11,4 milliards d'euros entre 2000 et 2020.

Après 74 années de vol mouvementées, Alitalia a éteint ses moteurs en octobre 2021 pour laisser piste libre à ITA Airways, dans un marché aérien qui peinait à se relever des turbulences de la pandémie de coronavirus.

Deux tentatives avortées

La mainmise de Lufthansa sur ITA Airways survient après deux tentatives avortées d'entrer au capital d'Alitalia, en 2009 et 2019.

De nouveau candidate aux côtés du géant italo-suisse du transport maritime MSC en janvier 2022, elle s'était fait coiffer au poteau par le fonds d'investissement américain Certares.

L'offre de Certares, associé à Air France-KLM et Delta Air Lines, avait été retenue par l'ancien Premier ministre Mario Draghi en vue de négociations exclusives, avant d'être écartée par son successeur, Giorgia Meloni.

Des turbulences avaient aussi secoué ITA Airways, dont le président exécutif Alfredo Altavilla a été désavoué à deux reprises par l'Etat actionnaire et a dû plier bagage en novembre, avant d'être remplacé par Antonino Turicchi.

Lufthansa, qui a déjà dans sa besace Brussels Airlines, Austrian Airlines, Swiss et une autre compagnie italienne, Air Dolomiti, devrait profiter de son alliance avec ITA pour se renforcer sur le continent américain, mais aussi en Afrique et Asie, en utilisant le hub Rome-Fiumicino.

ITA Airways dessert actuellement 64 destinations, dont dix intercontinentales, et cherchait à se renforcer sur le long-courrier.

Côté comptes, la jeune compagnie n'a fait guère mieux que son ancêtre, en essuyant en 2022 une perte nette de 486 millions d'euros, due notamment à la hausse des prix du kérosène.

Dès l'acquisition d'une part minoritaire, Lufthansa devrait prendre les commandes d'ITA sur un plan opérationnel, même si l'Etat italien garde un droit de regard sur les décisions stratégiques.

afp/rp