Mardi dernier, Alexandre accompagnait son père à Washington pour assister à l’investiture de l’émissaire américain pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff. Le président Donald Trump, qui les a salués à la Maison Blanche, a évoqué à l’antenne le jeune Arnault comme étant "le futur", laissant entendre qu’une rencontre privée avait ensuite eu lieu. LVMH n’a pas souhaité commenter.
Tous les enfants Arnault occupent des postes de direction au sein du groupe, qui chapeaute plus de 70 marques de luxe, de Dior à Tiffany. Delphine (50 ans) dirige Dior, Antoine (47 ans) supervise la communication du groupe, Frédéric (30 ans) pilote Loro Piana, et Jeanne (26 ans) est responsable marketing des montres Louis Vuitton. Alexandre, troisième de la fratrie, a quitté Tiffany pour rejoindre Moet Hennessy en février, en tant qu’adjoint de Jean-Jacques Guiony, nouveau PDG et fidèle lieutenant de Bernard Arnault.
"MH" dans une passe délicate
Moet Hennessy, division historiquement génératrice de liquidités, a connu des jours meilleurs. En 2024, elle a enregistré près de 6 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Mais face à la baisse de la demande en Chine et aux États-Unis, les ventes ont reculé pour la deuxième année consécutive et le résultat opérationnel a fondu d’un tiers. L’augmentation éventuelle en juillet des droits de douane américains sur les produits européens comme le champagne et le cognac, aggrave la situation.
"La véritable mesure d’un manager, c’est sa capacité à affronter les crises", estime Markus Hansen, gérant de portefeuille chez Vontobel. Une manière de souligner l’écart avec les succès bâtis par le patriarche Arnault.
Le 30 avril, le groupe français a annoncé une réduction de 13% des effectifs chez Moet Hennessy, et une concentration des budgets marketing sur les marques globales phares. Dans une vidéo visionnée par Reuters, Alexandre a reconnu que "la situation est très difficile". Selon Frédéric Merceron, représentant syndical Force Ouvrière, le ton se veut honnête mais les salariés attendent toujours des mesures concrètes pour redresser la barre.
Alexandre s’est également vu confier en direct le pilotage de Moet Hennessy Private, entité dédiée à la clientèle ultra-fortunée. Cette division d’environ 80 personnes propose des expériences exclusives et des assemblages personnalisés. En 2022, elle s’était illustrée avec la vente d’un fût de whisky Ardbeg pour 16 millions de livres à un investisseur asiatique.
"Nous avons décidé d’en faire une entité autonome qui me rapportera directement", a-t-il déclaré dans la vidéo. Une stratégie qui vise à amortir l’impact des hausses de tarifs en misant sur les ultra-riches, moins sensibles aux hausses de prix. Mais la majorité des clients de Moet Hennessy restent des consommateurs de classe moyenne, plus hésitants à payer une bouteille de Moet au-delà de 50 ou 60 dollars, souligne l’analyste d’HSBC Anne-Laure Bismuth.
De 20% du résultat opérationnel à 6% en dix ans
Pendant longtemps, cette division a joué un rôle crucial dans l’expansion de LVMH. Le cash-flow généré par les ventes de Veuve Clicquot, Hennessy XO ou Dom Pérignon a permis à Bernard Arnault de financer des acquisitions majeures — Hublot, Bulgari — et de nouveaux points de vente. Dans les années 1990, Moet Hennessy représentait plus de 40% du résultat opérationnel du groupe.
Mais cette importance stratégique s’est érodée : en 2024, les vins et spiritueux ne comptaient plus que pour 6% du résultat opérationnel, contre 20% encore en 2015, selon Bernstein.
D’après HSBC, une cession de la division, après restructuration, pourrait la valoriser à 14 milliards d’euros. Bernard Arnault a toutefois écarté cette option : "La cession n’est pas à l’ordre du jour", a-t-il affirmé en janvier. La banque estime néanmoins qu’un recentrage sur le cœur du luxe — mode, maroquinerie, montres et joaillerie — donnerait à LVMH un portefeuille plus lisible, susceptible d’être mieux valorisé par les marchés.
Pour Alexandre Arnault, l’heure tourne. "Donnez-leur deux ans pour prouver ce qu’ils peuvent faire", a déclaré son père en guise d’avertissement.
Pour compléter :
- Quelques éléments sur la valorisation de LVMH, qui est tombé de son piédestal ces derniers mois.
- La réorganisation en cours dans la galaxie Arnault.
- Faut-il scinder LVMH ?
Avec Reuters