Après avoir vanté sa stratégie de diversification et chanté ses louanges pendant des années, le consensus des analystes tourne soudainement casaque : toujours à voler dans le sens du vent, le voici qui annonce désormais des lendemains difficiles. 

Il est vrai que la demande ralentit tant en Chine qu’aux Etats-Unis, début de récession oblige ; et qu’à force de proliférer, la marque-phare du groupe, Louis Vuitton, a quelque peu perdu de son exclusivité, ce qui conduit certains observateurs à craindre pour elle un scénario à la Gucci ou à la Burberry.

LVMH est par ailleurs la cible d’une agitation croissante sur les réseaux sociaux. Hausses de prix continues mais perçues comme illégitimes face à une qualité qui baisse ; marketing souvent qualifié de « toxique » — notamment outre-Atlantique — tant il joue sur l’apparat et s’adjoint les services d’ambassadeurs parfois controversés ; etc.

Le changement de perception des investisseurs est bien réel, comme le montre l’évolution du cours du titre depuis quelques mois. Le marché anticipe-t-il une chute de Louis Vuitton de son piédestal ? C’est ce que semble signaler la capitalisation boursière de LVMH, passée récemment sous celle de son nemesis Hermès.

C’est que le groupe contrôlé par la famille Dumas, lui, poursuit son sans-fautes. Monomarque et authentiquement « exclusif », il annonçait ce matin des ventes en hausse de 9% sur le premier trimestre 2025. Manifestement invulnérable à la conjoncture, du moins pour l’instant, ses affaires restent bonnes tant en Chine qu’aux Etats-Unis. Voir à ce sujet Hermès : Le roi et sa couronne

Si tous ces sujets d’inquiétude sont bien réels, les fondamentaux de LVMH restent bons, et son historique à dix ans à couper le souffle. Le groupe, rappelons-le, a vu son chiffre d’affaires croître à un rythme annualisé de 10.1% sur la dernière décennie — ce qui n’est pas peu de choses vu le niveau d’où il est parti.

Sur la période, son profit a triplé et la distribution de dividendes quadruplé — sans même évoquer les rachats d’actions, modestes en montants et pour le coup assez mal séquencés puisque réalisés aux plus-hauts. Le cycle a par ailleurs été marqué par une superbe prise de guerre avec l’acquisition de Tiffany. 

Sur le premier trimestre 2025, le segment mode et maroquinerie — qui représente la moitié des ventes — baisse bel et bien, mais de seulement 4%. L'ambiance est morose ailleurs, mais pas catastrophique non plus ; la croissance est nulle ou atone sur les segments distribution, joaillerie et parfumerie, qui pris ensemble représentent 44% des ventes.

C’est le segment vins et spiritueux — le moins stratégique donc — qui n’en finit pas d’accuser le coup, avec une chute des ventes de 8% dans la droite lignée de sa contre-performance de l’année dernière à la même époque. Le secteur reste en proie à de sérieuses difficultés, ce qui ne présage rien de bon pour les prochains résultats de concurrents comme Diageo, Campari, Rémy Cointreau ou Pernod Ricard.

Pour la première fois depuis fort longtemps — depuis la crise de l'euro — la valorisation de LVMH repasse très nettement sous le seuil de vingt fois les profits. Le marché, on le voit, traite encore le groupe avec certains égards, et reste encore loin de jeter l’éponge.

Ce n’est par ailleurs pas la première tempête qu’affronte le paquebot commandé par Bernard Arnault. Ce qui ne veut pas dire que le risque est pris à la légère au siège de l’avenue Montaigne, comme le prouve la réorganisation de son état-major et la rumeur d’une séparation de Moët Hennessy qui enfle depuis la nomination du directeur financier du groupe à la tête de la filiale.