Actuellement en perte de vitesse, la résilience des géants du luxe est de plus en plus remise en question. Dans un secteur dont la croissance repose largement sur les États-Unis et la Chine, la faiblesse de la consommation asiatique couplée à un contexte géopolitique incertain en Amérique du Nord empêche tout rebond durable. Et même si une accalmie semble se profiler dans les tensions sino-américaines, il faudra patienter avant de voir un retour solide de la consommation chinoise et son impact sur les dépenses discrétionnaires.

La Chine, un moteur primaire

Comme évoqué plus haut, la croissance du luxe se joue sur deux fronts : les États-Unis, et surtout la Chine. En juillet 2023, ma consœur Émilie Servoz observait déjà des signes d’essoufflement sur ces deux marchés. Dans son papier, elle insistait sur la dépendance du secteur aux chiffres chinois. Près de deux ans plus tard, le constat est toujours aussi limpide : pas de Chine, pas de champagne. Ce lundi 19 mai, la publication des ventes au détail en dessous des attentes, une croissance de 5,1% au lieu de 5,5% a suffi à accentuer la fébrilité d’un secteur déjà sous pression.

Depuis le début de l’année 2024, l’Asie hors Japon enchaîne des baisses de 10% par trimestre. En face, les États-Unis ne sauvent pas la mise avec une croissance qui peine à dépasser les 1% sur la même période. “La confiance des consommateurs reste faible en ce début d’année, bien que les ventes au détail et de bijoux aient enregistré une amélioration, surtout en mars,” notent les analystes de Bank of America. Dans ce contexte délicat, certaines entreprises aux fondamentaux solides parviennent à maintenir le cap, à l’image de Richemont ou d’Hermès, qui affichent toutes deux des signaux positifs. Pour autant, d’autres continuent d’accuser le coup et montrent une dynamique de plus en plus préoccupante.

LVMH et Kering dans la tourmente

Deux fleurons français du luxe montrent des signes de faiblesse de plus en plus marqués. À commencer par Kering. La maison mère de Gucci n’arrive pas à redresser la barre. Gucci figure même parmi les dix marques les moins performantes selon le classement de BofA, et le récent changement de direction artistique n’a rien changé à l’affaire. Enchaînant les publications décevantes, Kering évolue désormais à des niveaux boursiers similaires à ceux de l’été 2016 et a gagné une place dans notre fameuse rubrique “Fallait pas l’inviter”. À ce rythme, le groupe de François-Henri Pinault glisse lentement mais sûrement de “luxe” à “premium”.

Autre poids lourd en difficulté : LVMH. Le groupe de Bernard Arnault traverse une zone de turbulences, avec des ventes en berne. Le segment vins et spiritueux, longtemps considéré comme un atout dans la diversification du groupe, pèse désormais lourdement sur ses comptes. Appréciée hier encore pour sa solidité transversale, cette diversité semble aujourd’hui contre-productive, au point de faire émerger des rumeurs de scission. Depuis le début de l’année, l’action LVMH affiche une baisse d’environ -22 % et se négocie à des niveaux proches de ceux de 2021.