Paris (awp/afp) - Une croissance moins forte et une demande moins dynamique: le ralentissement de l'économie chinoise a des effets sur les entreprises européennes. Ceux-ci ont touché l'automobile et le luxe au 3e trimestre, et ce coup de froid pourrait s'installer dans la durée.
"La Chine connaît une transformation structurelle", explique à l'AFP Famke Krumbmüller, du cabinet de conseil EY. "Les périodes de croissance très élevée que nous avons connues en Chine au cours des dernières décennies appartiennent au passé." Pour 2024, Pékin vise une croissance "d'environ 5%", un objectif rendu en outre compliqué par la conjoncture. L'économie chinoise connaît plusieurs maux: la crise du secteur immobilier, des tensions commerciales avec les Etats-Unis et l'Union européenne, et la confiance en berne des ménages et des entreprises.
Au point que pour relancer l'activité, Pékin a dû mettre la main au portefeuille via plusieurs mesures de relance. Dans un contexte où il n'y a pas d'État-providence, la population épargne donc pour assurer son avenir, décrypte Famke Krumbmüller.
"Les ménages en Chine ne dépensent pas de la même manière qu'avant, avec plus de dépenses dans les services, moins dans les biens", abonde Françoise Huang, économiste pour l'assureur Allianz Trade. Cette morosité a des conséquences sur les entreprises européennes, qui ont longtemps tablé sur l'appétit du marché chinois pour compenser des marchés occidentaux atones.
Au troisième trimestre, nombre d'entre elles ont commencé à faire état d'un vague à l'âme. A titre d'exemple, le franco-italien EssilorLuxottica, géant de l'optique, a mentionné "la dégradation des conditions macroéconomiques en Chine" lors de la présentation de ses résultats en octobre. Le groupe hôtelier français Accor s'est lui aussi dit pénalisé par la baisse de la consommation en Chine, tandis que l'industriel néerlandais Philips a abaissé ses perspectives annuelles à cause de la demande chinoise morne.
Rappel à l'ordre
Les exemples se multiplient. Et parmi les secteurs les plus affectés, l'automobile européenne tire particulièrement la langue. "Les résultats du troisième trimestre ne sont pas à la hauteur de nos ambitions", a reconnu lors de la publication de ses derniers résultats l'allemand Mercedes-Benz, mentionnant lui aussi la Chine.
Même chose pour Volkswagen, fleuron de l'industrie outre-Rhin, qui a vu son bénéfice net chuter de 64% sur un an, notamment en raison de la baisse des ventes en Chine, son premier marché. "On a vu au Mondial de l'automobile (en octobre à Paris) la présence plus forte des constructeurs chinois, qui avaient anticipé le ralentissement de la dynamique du marché intérieur depuis des années. Pour chercher des relais de croissance, il y a expansion sur le territoire européen", souligne Eric Kirstetter, du cabinet Roland Berger.
Le luxe, dopé durant des années par la Chine, est aussi rappelé à l'ordre, loin des sommets atteints ces dernières années. Si les groupes français Kering et LVMH ont annoncé des ventes en recul au troisième trimestre, l'italien Prada a, lui, réussi à sortir son épingle du jeu. Mais son PDG Andrea Guerra a prévenu fin octobre que le marché en Chine était "plus compliqué aujourd'hui et ne s'améliorera pas nécessairement dans un avenir proche".
Le second mandat de Donald Trump aux Etats-Unis, qui a promis de taxer certains produits chinois jusqu'à 60%, laisse planer de sérieux doutes sur une embellie de la demande chinoise. En outre, "si Trump met en oeuvre les droits de douane qu'il a annoncés, cela détournera les produits chinois de l'économie américaine avec des répercussions sur d'autres marchés, y compris l'Europe", commente Famke Krumbmüller.
Sans oublier le fait que la compétition en Chine même par des produits fabriqués sur place est devenue plus importante, que ce soit pour les voitures ou les cosmétiques, souligne Françoise Huang, chez Allianz Trade. L'économiste se veut toutefois rassurante: "Il y a des poches de croissance, notamment dans des villes de deuxième ou troisième rang en Chine, où le pouvoir d'achat de la classe moyenne s'améliore", dit-elle.
afp/vj