Paris (awp/afp) - Un nouveau mandat de trois ans et un conseil d'administration inchangé, mais une politique de rémunération et certains administrateurs contestés: Alexandre Bompard s'est frotté à la résistance de certains de ses actionnaires vendredi lors de l'Assemblée générale du groupe Carrefour.

Le dirigeant de 48 ans va rester à la tête du géant de la distribution jusqu'à l'année 2024 et son conseil d'administration ne change pas, puisque les administrateurs dont le mandat arrivait à échéance ont tous été reconduits. L'ancien dirigeant de Fnac-Darty, arrivé à la tête de Carrefour en 2017, a rassemblé 81,71% des suffrages lors de l'Assemblée générale.

Mais son vice-président Philippe Houzé, par ailleurs président du directoire des Galeries Lafayette, n'a rassemblé que 70,51% des suffrages, contre 97,28% des voix pour l'administrateur référent Stéphane Israël, par ailleurs président exécutif de Arianespace.

Nicolas Bazire, membre du conseil d'administration de Carrefour depuis 2008, a enregistré un score encore moindre, 60,09%, tandis que les autres administrateurs, Claudia Almeida e Silva, Stéphane Courbit, Aurore Domont, Mathilde Lemoine et Patricia Moulin-Lemoine, ont été reconduits avec des scores tous supérieurs à 82%.

"Nous avions un problème sur la désignation de Nicolas Bazire, même s'il y a la présomption d'innocence et qu'il a fait appel, il a quand même été condamné à trois ans de prison ferme" en 2020 pour complicité et recel d'abus de biens sociaux dans le cadre de l'affaire Karachi, rappelle Sylvain Macé, délégué syndical de groupe Carrefour France pour la CFDT, et par ailleurs secrétaire de l'ARASC.

Rémunération en question

Cette Association pour la représentation des actionnaires et salariés Carrefour, créée par le syndicat, avait appelé à voter contre quatre résolutions de cette assemblée générale, parmi lesquels le renouvellement de Nicolas Bazire, ancien directeur de cabinet d'Edouard Balladur, qui posait à ses yeux "un problème d'éthique".

Elle s'était également opposée à la résolution portant sur la rémunération d'Alexandre Bompard et de nombreux actionnaires ont semblé sur la même longueur d'onde vendredi, n'étant qu'un peu plus de 63% à approuver la rémunération du PDG pour 2020 comme pour 2021.

En 2020, il a touché 1,5 million d'euros de rémunération fixe, 2,47 millions d'euros de rémunération variable, plus une attribution d'actions de performance à hauteur de 3,975 millions d'euros qu'il touchera le 26 février 2023 "sous réserve que les conditions de performance aient été atteintes" et qu'il soit toujours présent au sein de l'entreprise.

Pour 2021, sa rémunération fixe restera inchangée (comme depuis 2017), mais le plafond maximum de la rémunération variable a été relevé à 190% de la rémunération fixe, contre 165% précédemment. L'attribution d'actions de performance est également prévue.

"Nous estimons la politique de rémunération non conforme aux résultats sociaux", explique Sylvain Macé.

Certaines organisations syndicales mobilisent depuis des mois contre le passage en "location-gérance" de nombreux hypermarchés, qui externalise le fonctionnement des magasins, confiés à un gérant. La direction y voit un moyen de relancer ces magasins souvent en difficulté, tandis que les syndicats craignent que le procédé ne serve à "contourner le droit du licenciement économique".

Aux yeux d'un bon connaisseur du secteur de la distribution, les actionnaires ont également pu tiquer sur le cours de l'action Carrefour (17,18 euros), toujours loin des niveaux passés - elle était supérieure à 23 euros à la même époque de l'année en 2017 - même si elle a dépassé mi-mai 2021 le niveau qu'elle avait atteint au moment des rumeurs de rapprochement avec le Canadien Couche-Tard (16,61 euros le 15 janvier 2021), finalement stoppé par le gouvernement français.

Au 31 décembre 2020, près de 66% du capital de Carrefour était public. Le principal actionnaire privé du distributeur était la société Galfa, holding de la famille Moulin qui possède les Galeries Lafayette, avec 12,5% du capital, devant le PDG de LVMH Bernard Arnault (5,5%) ou le milliardaire brésilien Abilio Diniz, via le holding Peninsula Europe (7,65%).

Bank of America Merrill Lynch, qui détenait encore 6,6% du capital de Carrefour à cette date, a informé le 18 mai l'Autorité des marchés financiers (AMF) d'une cession d'actions sur le marché, au terme de laquelle elle ne détenait plus que 1,6% du capital.

afp/rp