Une ruée vers l’or numérique ?

Encore peu compris par une grande majorité d’entre nous, les jetons non fongibles (NFT) ont pourtant été adoptés par une myriade de sociétés publiques qui y voient, peut-être, l’occasion d’être des pionniers, visionnaires et innovateurs dans le Web3. Ou tout simplement de surfer sur une hyper-spéculation à la mode. 

Pour faire simple et résumé, un NFT (Non Fungible Token), est littéralement : un jeton non fongible, autrement dit, tous les NFT ne se valent pas. Ils ne sont pas interchangeables, et au même titre que toutes les œuvres d’arts, ils ne se valent pas. Chaque NFT est différent car unique. De plus, ils reposent sur la blockchain et profitent donc des caractéristiques uniques que propose cette technologie, à savoir la traçabilité et son aspect infalsifiable. 

Vous seul, le propriétaire, pouvez échanger ou vendre le NFT sur la blockchain. N'importe qui en ligne peut partager une photo d'un tableau célèbre, cela ne signifie pas qu'il en est le propriétaire. La signature permet de montrer que l’on est l’unique possesseur, et encore une fois grâce à la blockchain, tout le monde peut voir que le NFT vous appartient. Par exemple : une réplique du célèbre tableau de La Joconde n’a pas beaucoup de valeur. Ce qui fait que le tableau a de la valeur est bel et bien le consensus autour de la signature de Leonardo De Vinci. Il est aujourd’hui “facile” de copier le tableau en lui-même, mais il est impossible de falsifier son origine. Maintenant que nous cernons un peu mieux le concept de NFT, revenons-en à la collection NFTiff.

Le 5 août, l’entité de LVMH a promis de transformer des NFT en bijoux portables. Autrement dit, de transformer quelque chose qui se veut initialement numérique en quelque chose de physique, authentique et réel. 

Sachant cela, quelques heures après avoir eu connaissance de l’information susmentionnée, je me suis empressé d’aller inspecter cette ambitieuse collection :

Source : Site officiel Tiffany & Co

Quelle ne fût pas ma déception quand je vis ce bon vieux “SOLD OUT” (“en rupture de stock”) sur le site officiel de Tiffany & Co. Mais rapidement, je compris que je n’avais aucune chance d’obtenir l’un de ces fameux pendentifs. Ils étaient réservés tout spécifiquement aux détenteurs de NFT CryptoPunk, c'est-à-dire aux propriétaires d'une monstruosité numérique, qui vaut, au moment de la rédaction de cet article, en moyenne de 200 000 euros l’unité. 

A titre d’exemple, Alexandre Arnault, vice-président exécutif de Tiffany & Co et fils de Bernard Arnault, a publié sur Twitter son pendentif correspondant au CryptoPunk #3167 qu’il détient et qu’il arbore fièrement en tant que photo de profil.

Si Alexandre Arnault a pu exposer son pendentif en avant-première, les heureux acquéreurs des NFT qui ont déboursé 30 ETH pourront, eux, le transformer en bijoux tangibles qu’à partir de 2023 selon un communiqué de la société. Les propriétaires détiendront également un NFT personnalisé autonome sur la blockchain Ethereum. 

Notons que si la collection est commercialisée par la société outre-Atlantique, elle est administrée parChain, une startup de technologie blockchain qui construit des registres cryptographiques et une infrastructure cloud pour prendre en charge les produits financiers transformationnels et les applications Web3. 

Les NFTs ont-ils été conservés ou revendus ? Cap sur le réseau Ethereum.

Des ventes massives sur le marché secondaire ? 

Pour l’instant, les NFT qui permettent d’obtenir le pendentif  qu'en 2023 sont majoritairement conservés et non revendus sur le marché secondaire. 

Mentions Twitter vs Trading de NFTiff
Source : Dappradar

La collection NFTiff a compté 100 traders indépendants sur la première semaine suivant la vente, ce qui est le plus bas jamais enregistré pour une collection selon le fournisseur de données DappRadar. Cependant, cette collection est très exclusive et met fortement l'accent sur la communauté détenant le NFT pour en tirer des avantages futurs. En conséquence, les détenteurs choisissent de ne pas vendre leur NFT pour un profit à court terme. Notons aussi que,
si un détenteur de NFTiff vend son NFT sur le marché secondaire avant l'expédition du pendentif, en 2023, il devient inéligible pour recevoir le pendentif. Ce qui explique aussi, bien évidemment, cette conservation.

Les mesures financières actuelles suggèrent que le marché accorde une grande valeur à la collection compte tenu de la fiabilité de la société sous-jacente. Le premier jour du lancement, le volume des échanges a atteint 1 million de dollars, diminuant les jours suivants de près de 90 %. Même si le volume des transactions a considérablement diminué, la valeur de la vente moyenne est stable et se situe actuellement à 24,4 ETH (45 990 $), soit une baisse de 8 % par rapport au prix de vente le jour du lancement.

Si la semaine dernière, vous pouviez vous procurer des NFTiff sur le marché secondaire entre 40 000 et 50 000 dollars, le coût du Floor Price (le prix minimum de vente) actuel est de 59 ETH soit 92 000 dollars afin d’obtenir le NFTiff #123.

NFTiff #123
Source : OpenSea

Entre conservation et concentration

La collection NFTiff a actuellement un ratio de détenteurs uniques de 71 %, ce qui indique qu’il s’agit d’une collection distribuée très élevée. Plus il y a de titulaires uniques, moins il y a de risque de collusion entre les titulaires. La concentration de baleines est de 8,8 %, ce qui est la plus élevée jamais analysée sur DappRadar. il y a 3 baleines de premier plan :

Ces 3 adresses détiennent 8,8% de l’offre de NFTiff en circulation. Communément, une concentration plus élevée de baleines suggère un risque accru de manipulation des prix par les détenteurs de collections. Une concentration plus élevée de gros détenteurs augmente également le risque de fortes ventes en cas de liquidation de leurs avoirs. La liquidation de ces whales provoque souvent une réaction en chaîne forçant de nombreux petits détenteurs à vendre également. 

En définitive, l'industrie de la mode de luxe a adopté les NFT plus rapidement et avec plus de passion que d'autres secteurs, et le Web3 jouera probablement un rôle important dans son avenir. Et cela a énormément de sens. La haute couture et les NFT fonctionnent sur des notions d'exclusivité et de rareté, ce qui peut aider à expliquer l'ouverture de l'industrie au Web3 par rapport à d'autres entreprises de secteurs plus industriels qui commencent à peine à l'expérimenter. On pourrait imaginer que le Web2 à permis le “copier/coller” de contenus en ligne, le Web3, lui, avec les NFT, permettra de “couper/coller” le contenu. Une nuance indispensable pour assurer une non fongibilité des données, des informations et des actifs, d’autant plus dans un secteur comme le luxe.

Pour LVMH, et son entité Tiffany & Co, cette collection de NFT a été un franc succès. Cela lui permet de se familiariser avec les enjeux et les processus liés à la commercialisation de ces actifs non fongibles. Bien que la commercialisation soit une première étape, viendra plus tard, en 2023, la vente des pendentifs aux détenteurs du NFT. Il sera intéressant de voir comment seront utilisés les NFTiff aussi bien sur le marché secondaire que dans de potentiels métavers. Cette collection ouvre la voie à Tiffany & Co de la commercialisation de ses produits dans une nouvelle ère d’internet, où l’utilisateur pourra, on l’espère, avoir plus de poids pour contrôler ses données, ses informations et ses actifs.

Résultats des courses, avec la vente de cette collection, Tiffany & Co aura généré 12,5 millions de dollars, derrière Nike qui est à la tête du classement avec 185 millions de dollars générés avec les NFT, et Gucci entre les deux, avec 25 millions de dollars générés. Ci-dessous le classement des sociétés qui ont généré les plus gros revenus avec des collections de NFT. (Cliquez sur l'image ci-dessous pour l'agrandir).

Source : KingJames / Dune