L'être humain adore les classements, d'autant plus depuis l'avènement de l'ère numérique, qui permet de hiérarchiser à peu près tout en un temps record. Bloomberg tient à jour une liste des 500 principaux milliardaires mondiaux. Il y en a davantage sur la planète, puisque le petit poucet de la liste, le canadien Garrett Camp, co-fondateur d'Uber, est 500e avec une fortune estimée à 4,05 milliards de dollars. A l'autre extrémité du classement, le Français Bernard Arnault vient d'entrer dans le club très fermé des milliardaires à trois chiffres.
C'est l'une des dépêches les plus lues du jour sur les terminaux Bloomberg : Bernard Arnault, le patron de LVMH, vient de rejoindre Jeff Bezos et Bill Gates au nombre des fortunes dépassant 100 milliards de dollars. Le créateur d'Amazon.com est crédité de 119 milliards de dollars, celui de Microsoft de 106 milliards de dollars et le Français de 100 milliards de dollars. Bernard Arnault a bénéficié de l'accélération, hier, de l'action LVMH, qui a signé un nouveau record historique. Il est intéressant de décortiquer la façon dont Bloomberg procède pour déterminer ce montant.
Le classement Bloomberg au matin du 19 juin 2019 (Copie d'écran)
La fortune de chaque milliardaire est évidemment une estimation. Aucun n'a vraiment intérêt à faire connaître la teneur précise de son patrimoine. La partie émergée de l'iceberg est plutôt facile à déterminer : ce sont les sociétés cotées. Dans le cas de Bernard Arnault, ses parts familiales dans Christian Dior et sa filiale LVMH ou les actions détenues dans Carrefour (1,9% au 31 décembre 2018) et Hermès (8,6% au 31 décembre 2018). L'agence financière ne prend pas en compte des actions qui seraient, par exemple, nanties. Elle retire aussi des actifs les engagements connus (l'endettement présumé du Groupe Arnault). Dans le cas du patron de LVMH, le calcul s'arrête là car il est difficile de déterminer et de quantifier ses autres actifs privés. Le ratio de confiance dans l'estimation est de trois étoiles sur cinq, signale Bloomberg, ce qui sous-tend une fiabilité médiocre. Toutefois, il est probable que la fortune réelle de la famille Arnault aille au-delà, puisque l'estimation publiée repose quasi-intégralement sur des actifs faciles à valoriser puisque cotés. Bloomberg demande à chaque milliardaire présent dans son classement s'il veut apporter des modifications ou des précisions. Mais la plupart du temps, l'agence se heurte à un refus poli de commenter l'estimation. C'est le cas avec la représentante de Bernard Arnault.
La fortune de la famille Arnault a connu une énorme accélération depuis cinq ans, avec l'explosion boursière de l'action LVMH. Comme le montre le graphique qui suit, elle a triplé depuis 2014, avec une nouvelle accélération en 2019. Si toute sa fortune était liquide, Bernard Arnault pourrait acheter 74,3 millions d'onces d'or. Elle représente actuellement 0,515% du PIB des Etats-Unis, selon Bloomberg, et 1,84% du total de la fortune des 500 milliardaires suivis par Bloomberg.
Evolution de la fortune estimée de Bernard Arnault depuis 2012 (Source Bloomberg)
On connaît les limites de ces classements, mais il est intéressant de noter que les plus grosses fortunes françaises sont toutes issues du luxe. Françoise Bettencourt Meyers, l'héritière L'Oréal, apparaît au 9e rang (56 milliards de dollars) et François Pinault (Kering) à la 23e place (37,1 milliards de dollars), devant les frères Wertheimer, 31e ex-aequo, qui se partagent Chanel avec 26,7 milliards de dollars chacun. Le premier milliardaire "non-luxe", Patrick Drahi (Altice) est au 174e rang à 8,62 milliards de dollars (N.B. : dans d'autres classements, comme celui de Forbes, les familles Saadé et Dassault apparaissent avant Patrick Drahi). S'il reste à prouver que Bernard Arnault est intéressé par sa progression dans le classement, la prochaine étape s'appelle Bill Gates. Le patron de Microsoft est un sérieux client : sa société a beau être un peu âgée dans l'univers de la technologie américaine, elle poursuit son ascension. C'est d'ailleurs elle, et plus Apple ni Amazon, qui pèse le plus lourd en bourse actuellement.
LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton SE est le leader mondial des produits de luxe. Le CA par famille de produits se répartit comme suit :
- articles de mode et de maroquinerie (48,9%) : marques Louis Vuitton, Kenzo, Celine, Fendi, Marc Jacobs, Givenchy, etc. ;
- montres et bijoux (12,7%) : marques Bulgari, TAG Heuer, Zenith, Hublot, Chaumet, Fred, Tiffany, etc. ;
- parfums et produits cosmétiques (9,6%) : parfums (marques Christian Dior, Guerlain, Loewe, Kenzo, etc.), produits de maquillage (Make Up For Ever, Guerlain, Acqua di Parma, etc.), etc. ;
- vins et spiritueux (7,7%) : champagnes (marques Moët & Chandon, Mercier, Veuve Clicquot Ponsardin, Dom Pérignon, etc. ; n° 1 mondial), vins (Cape Mentelle, Château D'Yquem, etc.), cognacs (notamment Hennessy ; n° 1 mondial), whisky (notamment Glenmorangie), etc.
Le solde du CA (21%) concerne essentiellement une activité de distribution sélective assurée au travers des chaînes Sephora, DFS et des grands magasins Le Bon Marché et La Samaritaine.
A fin 2023, la commercialisation des produits est assurée au travers d'un réseau de 6 097 magasins dans le monde.
La répartition géographique du CA est la suivante : France (7,9%), Europe (16,4%), Japon (7,3%), Asie (30,8%), Etats-Unis (25,3%) et autres (12,3%).