par Casey Hall et Mimosa Spencer

SHANGHAI/PARIS, 18 août (Reuters) - Des bobs à 300 dollars aux baskets à 900 dollars, en passant par des T-shirts à 700 dollars, l'industrie du luxe s'inquiète de l'appétit des consommateurs de la "Génération Z", à court d'argent, pour de tels produits.

Ces craintes concernent notamment les jeunes clients chinois. Non seulement parce que la Chine a été l'un des principaux moteurs de la croissance du secteur ces dernières années, mais aussi parce que les consommateurs de produits haut de gamme de la deuxième économie mondiale sont plus jeunes que ceux des autres pays - la moyenne mondiale est de 38 ans, une dizaine d'années de moins en Chine.

Les jeunes adultes à travers le monde ont été "un très gros facteur de croissance pour le luxe ces dix dernières années", explique Grégory Boutté, directeur du digital et de la relation client de Kering, propriétaire notamment de la marque Gucci.

Des données publiées cette semaine montrent que l'économie chinoise a ralenti de manière inattendue en juillet, poussant la banque centrale du pays à procéder à une baisse de taux, tandis que le contexte macroéconomique affecte de manière disproportionnée les fonds que pourraient utiliser les jeunes nés au début des années 2000 pour accéder au marché du luxe.

Alors qu'en Amérique du Nord et en Europe, le pouvoir d'achat des jeunes est plombé principalement par l'inflation, le problème en Chine diffère.

"Aux Etats-Unis, l'inflation est un gros souci, la préoccupation principale d'un grand nombre d'entreprises du luxe (...) "En Chine, c'est le taux de chômage des jeunes qui inquiète à l'heure actuelle", note Kenneth Chow, du cabinet Oliver Wyman.

Selon des données gouvernementales portant sur le mois de juillet, le taux de chômage chez les jeunes âgés de 16 à 24 ans dans les régions urbaines chinoises a atteint 19,9%, un record, sur fond de mesures de confinement face au COVID-19 et d'une baisse des embauches au sein des grands groupes technologiques ayant pour habitude de recruter nombre de jeunes diplômés.

"C'est peut-être la première fois que beaucoup de jeunes adultes (en Chine) sont confrontés à un impact économique, il faudra donc observer l'évolution de leurs dépenses concernant les produits de luxe", estime Kenneth Chow.

"S'il y a une récession, j'achèterai moins, ou j'arrêterai d'acheter tout simplement", déclare Jeffrey Huang, un TikToker de 28 ans qui partage des vidéos dans lesquelles il exhibe une vie de luxe et de voyages.

PLAN B POUR LA GÉNÉRATION Z ?

Une étude du cabinet Oliver Wyman montre que certaines marques de luxe réduisent de manière significative leurs prévisions de ventes pour le marché chinois en raison des conditions actuelles. Le cabinet a refusé de nommer les marques sur lesquelles son étude a porté.

Les résultats publiés le mois dernier par des groupes comme LVMH et Kering ont indiqué une résilience face aux vents économiques contraires, certaines marques de luxe ayant profité d'une vague d'achats post-crise sanitaire de leurs clients les plus fortunés.

Priorité a été donnée à la consolidation des ventes de sacs à main et de manteaux haut de gamme, plutôt qu'à attirer de nouveaux consommateurs pour les produits d'entrée de gamme.

Les groupes de luxe pourraient continuer d'attirer les consommateurs de la génération Z en offrant des produits à des prix attrayants pouvant être utilisés régulièrement, explique Yi Kejie, gestionnaire de contenu marketing âgée de 26 ans.

Des coques de téléphone, des boucles d'oreilles, des barrettes ou encore des parfums griffés sont des produits populaires auprès des jeunes de la "Gen Z" en Chine, ajoute-t-elle. "Ce sont pour (les jeunes) les produits au seuil d'accès le plus bas pour avoir ce logo, cette icône."

Certaines marques, dont Balenciaga et Dior, parient sur le métavers pour susciter l'intérêt des adolescents et des jeunes adultes. Des baskets virtuelles, comme celles proposées par Gucci, ont déjà rencontré un vif succès.

Qu'ils soient virtuels ou réels, les produits d'entrée de gamme requièrent un important investissement créatif.

Il y a toutefois une bonne nouvelle pour les marques : l'appétit pour le luxe ne diminue pas. "Les jeunes chinois sont enthousiasmés par les produits de luxe", indique Yi Kejie. "Ni les confinements, ni le taux de chômage ne changeront leurs préférences sur le long terme." (Reportage Casey Hall, Doyinsola Oladipo et Mimosa Spencer; version française Camille Raynaud, édité par Jean Terzian et Kate Entringer)