Dans un secteur de la distribution physique touché de plein fouet par la crise, le positionnement de Maisons du Monde sur le « bien chez soi » combiné à son savoir-faire éprouvé dans la vente en ligne ont permis de limiter l’impact sur l’activité et les résultats. La baisse de l'EBITDA devrait en effet avoisiner les 10 % par rapport à 2019. En attendant les résultats définitifs et dans un contexte de fermeture par décret de certains magasins depuis quelques jours, nous avons rencontré Eric Bosmans à Vertou (44) où siège le Groupe.

Eric Bosmans, quel regard portez-vous sur l’activité 2020 du Groupe ?

"Nos ventes 2020, estimées à 1.182 milliards d'euros, sont ressorties supérieures aux attentes, à -3.5 % par rapport à l'exercice précédent dont -6.6 % à périmètre comparable. Nous estimons que le premier confinement nous a coûté 130M€ de ventes magasins compensées à hauteur de 20 M€ par la hausse de nos ventes en ligne, avec un impact plus modéré sur le 2e confinement de l’ordre de -60/+10M€. L’impact global ressort donc à -160 M€. Nous avons donc fortement accéléré sur les ventes en ligne qui ont représenté 33% des ventes Groupe sur l’année." 

Vous avez lancé un plan d’économie en 2020 compte tenu de la crise. Quels furent les principaux leviers de réduction du point mort ?

"Nous nous sommes concentrés sur la gestion des coûts et du cash encore plus particulièrement en 2020. Nous avons eu recours au chômage partiel au 1er confinement surtout, et de façon beaucoup plus limitée lors du 2e confinement car le siège a continué de travailler quasi-normalement et une grande partie des magasins sont restés ouverts pour assurer le click&collect. Les coûts opérationnels totaux (magasins, centraux et marketing) ont diminué de 25 millions d’euros au premier semestre, soit une baisse de 14,1 % par rapport à l'année précédente, dépassant l'objectif de -10 % que le Groupe s’était fixé en mars 2020. Les coûts opérationnels des magasins et les coûts centraux ont diminué de 15,7 % au premier semestre 2020 par rapport à l'année précédente grâce aux plans d’économies engagés. Les coûts de publicité ont diminué de 3,3 % au premier semestre 2020 par rapport à l'année précédente grâce à l’optimisation de nos investissements marketing en ligne. Les réductions temporaires de loyers négociées et enregistrées au premier semestre se sont élevées à 5 millions d'euros. En termes de coûts opérationnels et financiers sur une base annuelle, le Groupe estime qu’il aura dépensé environ 2 millions d'euros liés à la mise en œuvre des mesures de distanciation sociale dans ses magasins. Nous n’avons pas encore communiqué les résultats du 2e semestre. Je peux juste vous rappeler que notre marge d’EBITDA était à 14.1% au S1 contre 17,2% un an plus tôt, et que le second semestre sera meilleur que le premier, avec globalement une baisse de l'EBITDA de l'année 2020 d’un peu moins de 10 % par rapport aux 259 M€ réalisés en 2019. Cela implique que l’EBITDA du 2ème semestre 2020 sera supérieur à son niveau de 2019."                

Croissance du CA en ligne, lancement réussi de votre place de marché en France, poursuite des restrictions sanitaires pénalisant la distribution physique …ce contexte ne vous incite-t-il pas à ralentir les ouvertures de magasins en France et dans les pays où vous êtes déjà bien installés ? 

 "Nous avons toujours l’intention d’ouvrir des magasins, même si l’expansion nette du parc a connu une attrition en 2020 avec 7 points de vente en moins. Il est trop tôt pour annoncer une prévision d’ouvertures et nous le ferons en mars 2021 lors de la publication des résultats, mais il est vrai que les ventes en ligne devraient concentrer notre attention, le mouvement vers le online étant engagé. Sur les restrictions actuelles, je préciserais qu’au-delà des couvre-feu, seuls 34 de nos magasins français sont fermés compte tenu des dernières mesures touchant les centres commerciaux de plus de 20 000 m2."

Est-ce que les objectifs du plan 2024 restent d’actualité malgré la crise sanitaire ?

"Les orientations stratégiques déclinées pour 2024 restent d’actualité. Il est cependant trop tôt pour quantifier les conséquences du Covid-19 sur le moyen terme. L’importance prise par les ventes en ligne, que ce soit sur nos produits ou sur les produits tiers, n’aura pas d’impact significatif sur notre niveau de profitabilité, quand bien même nos ventes en ligne sont réalisées à environ 70% sur le meuble (contre environ 35% en magasins), segment où notre marge brute est plus faible."

Pouvez-vous nous en dire plus sur la place de marché ?

"La ‘marketplace’ de Maisons du Monde, qui est un projet stratégique, a été lancée avec succès en France au début du mois de novembre et sa performance est supérieure aux attentes. La marketplace augmente notre agilité et notre capacité à offrir des produits variés sans coûts logistiques puisque nous sommes sur un modèle de ‘drop shipping’. Nous suivons et adaptons régulièrement l’offre de produits tiers : notations, qualité du sourcing, critères RSE, délais de livraison, etc. Nous sommes aujourd’hui confortables avec les 20% de volume de ventes visés via la place de marché annoncés dans le cadre de notre plan 2024. Le modèle sur la marketplace consiste à enrichir notre offre avec des produits complémentaires, sans effet de cannibalisation, avec une commission perçue sur notre volume de ventes qui vient ajouter du chiffre d’affaires relutif sur nos marges d’EBITDA. Nous visons un accès omnicanal en France à ces produits tiers puis, dans un 2e temps, un déploiement de la place de marché dans les pays voisins de la France."

Source : Maisons du Monde

Votre paysage concurrentiel est bouleversé depuis 1 an. Qui sont aujourd’hui vos principaux concurrents ? 

 "Nous n’avons pas d’équivalent sur la totalité de notre périmètre et de notre modèle. En termes de positionnement concurrentiel, nous sommes 4e en France derrière Ikéa et But-Conforama qui se sont rapprochés, et sont tous les trois positionnés sur le segment fonctionnel. Sur le segment inspirationnel et  multi-style, où les prix sont un peu supérieurs, nous sommes devant Alinéa, La Redoute, Zara Home, etc. Nous sommes les seuls à avoir ce positionnement équilibré meubles/décoration avec une présence omnicanale. A l’international, la situation diffère pays par pays."

 Concernant l’international, comment se passe le développement en Europe ? Et aux Etats-Unis ?

 "Nous sommes aujourd’hui présents dans 12 pays avec encore un potentiel important dans chacun d’entre eux. Autant notre modèle duplique bien partout en Europe, avec récemment l’ouverture au Portugal qui fonctionne bien. Autant aux Etats-Unis, nous avons décidé de fermer nos deux magasins test en Floride début 2020 car le contexte ne nous a pas paru opportun pour investir et développer le concept Maisons du Monde dans ce pays. Cependant, avec Modani, chaîne américaine acquise en 2018, après un exercice 2019 d’investissement et de redressement de la rentabilité nécessaire suite à de nombreuses ouvertures, nous avons encore du potentiel outre-Atlantique. Avec 17 magasins fin 2020 contre 18 un an plus tôt, mais seulement 10 lors de la reprise, 2020 marquera l’amélioration de la profitabilité de Modani."

 Le fonds Suisse Teleios a pris une part importante du capital de Maisons du Monde, avec une volonté affichée d’infléchir certaines décisions. Quelle influence ont-ils sur l’entreprise ?  

"Le fonds a monté progressivement sa position depuis juin 2019 et pointe aujourd’hui à plus de 20%, ce qui en fait le 1er actionnaire du Groupe. Nous avons avec eux des échanges réguliers et constructifs. Les échanges sont cordiaux entre nos actionnaires, le conseil d’administration, renouvelé, et la direction."

Quelle est la politique financière de l’entreprise ?

"La réduction de l’endettement fait partie des priorités. Hors acquisitions, que nous ne nous interdisons pas mais qui ne sont pas d’actualité, nous avons annoncé dans notre feuille de route 2024 viser 300 M€ de free cash flow cumulé et la poursuite de notre politique de retour à l’actionnaire via le dividende. La crise sanitaire nous a conduit, par prudence, à recourir à un PGE de 150 M€ que nous n’avons pas utilisé. Nous indiquerons nos intentions quant à son remboursement dans les prochaines semaines. Cette situation nous a contraint à stopper le versement de tout dividende en 2020. Nous souhaitons cependant reprendre son versement dès que possible."

De quelles initiatives récentes êtes-vous fiers chez Maisons du Monde en matière de RSE ?

"Tout au long de l’année, Maisons du Monde a poursuivi ses actions pour agir en entreprise citoyenne et solidaire. Avec ses clients, Maisons du Monde et sa Fondation ont donné près d’1 million d’euros à 27 associations pour préserver les arbres et les forêts. Dans le monde entier, celles-ci mettent en place sur le terrain des programmes de préservation menés par et pour les populations locales. En 2020, ce sont 565 000 € donnés par la Fondation Maisons du Monde et 418 000 € collectés grâce à l’arrondi et notre produit partage (une gourde dont deux euros étaient reversés à la Fondation Jane Goodall). Nous avons également donné plus de 70 000 euros à la Croix Rouge et à Emmaüs. Et plus de 37 000 produits ont été donnés aux soignants, à la Fondation des Femmes, à Emmaüs et à la Croix Rouge."