L’année dernière dans ces mêmes colonnes, nous faisions le point sur sa situation ainsi que sur l’entrée à son capital du milliardaire de la pétrochimie Jim Ratcliffe, déjà derrière l’OGC Nice, familier des investissements sportifs, et réputé pour sa gestion à la prussienne. 

Le moins que l’on puisse dire est que les termes de la transaction ne nous emballaient pas. Malgré une valorisation franchement hors-de-prix, Manchester United avait connu un parcours mitigé sous la tutelle de la famille Glazer, et restait lourdement empêtré dans ses problèmes.

Si les Glazer ont réalisé une superbe — mais prédatrice — opération financière, le club, lui, n'a gagné aucun championnat de Premier League depuis le départ de son mythique entraîneur Alex Ferguson, tandis que son étoile pâlissait en Europe.

Il se retrouvait donc surchargé de dettes, frisant l’insolvabilité, et avec des comptes dans le rouge. Il faut dire que son actionnaire de référence avait vidé la réserve de cash par des distributions de dividendes, le laissant ainsi bien mal armé pour assurer de beaux transferts et rénover ses installations sportives. 

Comme nous l’avions conclu, une fois le citron pressé jusqu’au bout, une vente voire une cession partielle semblait évidente. Jim Ratcliffe est donc rentré à ce que nous évaluions comme une valorisation parfaitement déraisonnable. Quelques mois plus tard, sans surprise, la valeur de son investissement est déjà divisée par deux.

Ratcliffe a directement taillé dans le gras — comme il sait bien faire — avec une première vague de licenciements. Malheureusement cela n’y suffit pas, et les comptes demeurent dans le rouge cette année. Si les revenus évoluent de manière stable partout — merchandising, droits de diffusion et vente de tickets —  la structure de coûts, elle, n’échappe pas à l’inflation.  

Plus gênant, voire polémique et pourtant mystérieusement ignoré par la presse, le club supporte cette année une charge « exceptionnelle » de £47.8 millions liée à l’investissement de Jim Ratcliffe — en fait une sorte de compensation pour ce dernier. 

Drôle de manoeuvre ici, car il est certain que tous les investisseurs qui nous lisent aimeraient bien eux aussi recevoir dès leur entrée au capital quelque part de juteux chèques des entreprises dans lesquelles ils prennent une participation... 

Véritables machines à brûler du cash, évoluant dans un environnement qui exige de financer des transferts hors-de-prix pour susciter l'intérêt des diffuseurs et des sponsors internationaux, les équipes sportives reposent sur des modèles d’affaires fragiles.

En contrôler une recèle assurément divers intérêts stratégiques — par exemple en matière de fiscalité ou de relations publiques — pour les actionnaires qui les contrôlent, mais il faut en retour composer avec des résultats financiers dans l’ensemble très médiocres.

Voir à ce sujet Juventus Football Club S.p.A. : Tonneau des danaïdes et Borussia Dortmund GmbH : N'échappe pas à la règle.

Avec ses performances sportives décevantes et d’importants investissements — de transferts comme de rénovation de ses installations — à financer, Manchester United se trouve présentement à un carrefour de problèmes.

Jim Ratcliffe n’y est bien entendu pas entré à l’aveugle, mais c’est un coup franc de quarante mètres plutôt qu’un penalty qu’il doit tirer ici.