La fierté du chemin accompli plus de 60 ans après la sortie du premier chariot tout-terrain et la confiance dans l’avenir résument l’ambiance de l’Assemblée Générale qui s’est tenue ce 13 juin. 10 ans après le point culminant d’une crise qui a failli anéantir l’offensive majeure du groupe sur le marché nord-américain, à savoir le rachat de Gehl, Manitou accélère sur ce marché à 20 Md€. La moitié du marché mondial de Manitou. Entretien avec Hervé Rochet, Secrétaire général.

Hervé Rochet, après deux très bonnes années, 2019 s’annonce record à tous points de vue. Pourtant, les investisseurs se montrent très circonspects, même à l’annonce d’un excellent premier trimestre. Comment préparez-vous la prochaine crise ?
"Nous veillons à garder des ressources humaines flexibles, quand bien même cela engendre un surcoût. Sur un effectif d’environ 5300 personnes, 80% sont en CDI, 3% en CDD et 17% en intérim. La part des intérimaires a beaucoup progressé. Elle était de 8% en 2016, et de 13% en 2017. En ce qui concerne nos investissements industriels, commerciaux et R&D, il s’agit d’investissements structurants, longs à mettre en place et qui continuent de monter en puissance compte tenu de nos fortes ambitions de croissance à long terme. Par ailleurs, notre chiffre d’affaires est de plus en plus diversifié en termes de produits, de clients et de zones géographiques. Leader mondial sur le marché du chariot télescopique, avec près d’une machine sur quatre vendue dans le monde, nous renforçons notre positionnement commercial sur les autres lignes produits à notre catalogue. Nous investissons fortement, notamment dans l’innovation produits et services, pour qu’elle progresse encore dans les années à venir. Une des priorités aujourd’hui en matière de conquête est l’Amérique du Nord, sur les nacelles en particulier."

Pouvez-vous développer cette offensive dans la nacelle ?
"La nacelle est un marché en très forte croissance, sur lequel nous avons décidé d’accélérer dès 2017, avec succès. Nous faisons aujourd’hui près de 200 M€ de chiffre d’affaires sur la nacelle, avec une place de n°3 en Europe pour les gammes que nous commercialisons. Nous souhaitons maintenant nous faire une place sur le marché nord-américain. Nous allons poser la première pierre d’une nouvelle usine de nacelles à Candé, à proximité de l’usine de nacelles actuelle. Chaque usine sera spécialisée sur une gamme de nacelles. L’investissement s’élève à 26 M€ et sera étalé jusqu’à fin 2019. Nous aurons alors une capacité de production de nacelles plus que doublée."

La gamme Manitou (Source Présentation résultats 2018 - Cliquer pour agrandir)

Le marché de la location de machines se consolide, avec l’OPA récemment annoncée de Loxam sur le finlandais Ramirent. Cela aura-t-il un impact pour vous ?
"Nous n’avons pas d’inquiétude particulière sur ce sujet : nous sommes déjà bien placés chez ces deux acteurs qui, de toutes façons, veillent à garder plusieurs fournisseurs. Les grands loueurs consolident leur marché régulièrement, mais celui-ci reste encore atomisé. Par ailleurs, les loueurs grands comptes ne pèsent pas plus de 20% de notre chiffre d’affaires."

Manitou vise une profitabilité opérationnelle de 7,4% en 2019, et de plus de  8% en 2022. Cela reste loin des 10% atteint lors des derniers hauts de cycle. Comment expliquer le faible levier opérationnel de la croissance sur vos marges ?
"Nous faisions à l’époque l’essentiel de nos ventes sur trois pays : la France, l’Espagne et le Royaume-Uni. Avec 80% de notre chiffre d’affaires réalisé à l’international, la répartition de notre activité est aujourd’hui beaucoup plus diffuse, ce qui nécessite de gros investissements commerciaux. De plus, les machines d’aujourd’hui sont beaucoup mieux équipées, en électronique et en termes de moteurs. Ces derniers ont vu leurs prix fortement augmenter entre 2010 et 2015 avec le passage des moteurs Euro 3 à Euro 5. Nous n’avons pas pu répercuter la totalité de ces surcoûts. Nous avons encore des gisements d’amélioration de notre profitabilité, en renforçant notre pricing power grâce à une meilleure valorisation de nos progrès en matière de Total Cost of Ownership ou en matière de réduction de coût et d’efficience industrielle. La division CEP, issue historiquement de l’acquisition des marques Gehl et Mustang, recèle un fort potentiel de redressement avec une marge opérationnelle de 3% en 2018, contre 0% en 2017. Nous avons beaucoup investi et continuons d’investir fortement sur cette division qui est en train de changer de taille, notamment grâce à une gamme de produits élargie. Cela doit notamment nous permettre d’élargir notre réseau de distributeurs sur tout le territoire américain. Nous investissons actuellement énormément en Amérique du Nord, où se situent les plus gros marchés, et où nos parts de marché sont les plus faibles. Les moyens marketing et commerciaux y sont considérablement renforcés, sur les services en particulier."

Une exposition à trois secteurs (Source Présentation résultats 2018 - Cliquer pour agrandir)

Un mot sur les pays émergents ?
"Ces marchés sont encore très peu développés pour nos produits, mais nous y mettons nos pions. L’acquisition de Terex Equipment Private Limited en 2017 constitue un atout majeur pour adresser l’Asie, l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Amérique Latine. Nous y produisons des modèles adaptés, simples, robustes, sans électronique. Nous avons présenté, le mois dernier, les quatre premiers modèles."

Et pour finir, avez-vous d’autres projets d’acquisition ?
"Nous regardons en permanence. Certaines opérations prennent plusieurs années à se concrétiser. Manitou est un accumulateur de niches, à l’échelle mondiale. Les acquisitions constituent un bon moyen d’accélérer nos conquêtes."


(L'Auteur est actionnaire de la société)