par Balazs Koranyi et Dan Burns
DAVOS, Suisse, 23 mai (Reuters) - Les multiples menaces
pesant sur l'économie mondiale ont été lundi au coeur des
discussions teintées d'inquiétude entre les représentants de
l'élite économique et politique internationale réunis au sommet
annuel de Davos, certains évoquant même le risque d'une
récession générale.
Ce Forum économique mondial dans la station suisse,
rendez-vous traditionnel de dirigeants politiques et grands
patrons, s'est ouvert alors que l'inflation n'a jamais été aussi
élevée depuis une quarantaine d'années aux Etats-Unis comme en
Europe.
Cette flambée des prix affecte le moral des consommateurs,
pèse sur les bénéfices des entreprises de nombreux secteurs et a
amené plusieurs grandes banques centrales, en premier lieu la
Réserve fédérale américaine, à se lancer dans un cycle de
relèvement des taux d'intérêt.
Le problème est aggravé par l'offensive militaire de la
Russie en Ukraine, lancée le 24 février, qui renforce les
tensions sur les prix des produits alimentaires et de l'énergie,
et par les confinements à répétition en Chine face au COVID-19,
qui perturbent les chaînes d'approvisionnement.
"Nous avons au moins quatre crises, qui sont imbriquées.
Nous avons une inflation élevée (...) nous avons une crise
énergétique (...) nous avons la précarité alimentaire et nous
avons une crise climatique. Et nous ne pouvons pas résoudre les
problèmes si nous nous concentrons sur une seule de ces crises",
a dit le vice-chancelier allemand Robert Habeck.
"Mais si aucun de ces problèmes n'est résolu, j'ai vraiment
peur que nous allions tout droit vers une récession mondiale
avec des conséquences énormes (...) sur la stabilité mondiale",
a ajouté Robert Habeck, également ministre de l'Economie et du
Climat.
LE FMI NE PRÉVOIT PAS DE RÉCESSION, "À CE STADE"
Le Fonds monétaire international (FMI) a abaissé le mois
dernier pour la deuxième fois de l'année ses prévisions de
croissance de l'économie mondiale, en citant la guerre en
Ukraine et en qualifiant l'inflation de "danger clair et bien
présent" pour de nombreux pays.
Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI, a déclaré
lundi à Davos que la guerre, le resserrement des conditions
financières et les chocs de prix, en particulier sur les
produits alimentaires, avaient encore, depuis, clairement
"assombri" les perspectives.
Priée de dire si elle s'attendait à une récession, elle a
toutefois répondu: "Non, pas à ce stade. Cela ne signifie pas
que cela soit hors de question."
Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale
européenne (BCE), qui doit s'exprimer mardi à Davos, a prévenu
que la croissance et l'inflation suivaient des directions
opposées, la hausse des prix pesant sur l'activité et réduisant
le pouvoir d'achat des ménages.
"La guerre Russie-Ukraine pourrait bien s'avérer comme un
tournant pour l'hyper-mondialisation", a-t-elle écrit dans une
note de blog publiée lundi sur le site de la BCE.
"Cela pourrait conduire à ce que les chaînes
d'approvisionnement soient moins efficaces pendant un certain
temps et, durant la transition, générer des pressions sur les
coûts plus persistantes pour l'économie", a-t-elle ajouté.
Christine Lagarde a aussi quasiment annoncé des hausses de
taux de la BCE à la fois en juillet et en septembre pour lutter
contre l'inflation, même si le relèvement du coût du crédit
freine théoriquement la croissance.
"Nous savions, tout le monde savait depuis le premier jour
que cette guerre était une mauvaise nouvelle pour l'économie.
Moins de croissance et plus d'inflation", a pour sa part déclaré
le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de
Galhau. "C'est le prix que nous avons accepté ensemble de payer
pour protéger nos valeurs (...) Cela valait la peine de payer ce
prix."
(Avec Jessica DiNapoli, version française Bertrand Boucey,
édité par Nicolas Delame)