Si le propriétaire du Big Mac et du Happy Meal est aussi rentable, c’est avant tout parce que McDonald’s est, en réalité, davantage un exploitant de foncier qu’un vendeur de hamburgers.

Pour un peu d’historique, dans les années 1960, l’impitoyable Ray Kroc, connu pour ses dictons évocateurs et son caractère intraitable dans les affaires, rachète l’enseigne aux frères fondateurs, Richard et Maurice McDonald. Face au succès et à la nouveauté de la production de burgers à la chaîne, Ray Kroc va véritablement poser les bases de ce qui fait le succès de la société encore aujourd’hui : la franchise. 

Pour faire simple, le franchisé exploite le nom, la notoriété et l’image de marque de “McDo” en échange de la prise en charge des investissements (droits d’entrée, apport personnel requis, formation, etc.), des loyers et du versement de redevances calculées sur le niveau d’activité du restaurant. Un franchisé McDonald’s reste le plus souvent un entrepreneur indépendant, même s’il évolue sous la bannière d’une marque mondialement connue. Il gère seul son ou ses établissements : il recrute, pilote l’exploitation quotidienne, paie les salaires, suit les performances financières et assume tous les risques liés à l’activité. En échange, il bénéficie d’un modèle qui a fait ses preuves, qui dispose d’une clientèle fidèle, de campagnes marketing nationales et d’un accompagnement continu de la part de la maison mère. 

Dans la très grande majorité des cas, le franchisé n’est pas propriétaire des murs. C’est McDonald’s qui détient le local ou le terrain. Et c’est là que réside le cœur du modèle économique : l’entreprise est un gigantesque propriétaire foncier, qui perçoit une part des revenus générés par des franchisés utilisant sa marque.

Concrètement, à la fin de l’année 2024, 95,3 % des 43 477 restaurants de l’enseigne sont exploités en franchise. Seuls 2 045 sont détenus en propre et directement exploités par le groupe. Ces derniers sont de manière générale plus performants que les franchisés. Ils sont souvent situés dans des zones très fréquentées, très visibles ou considérées comme stratégiques, et bénéficient d’investissements plus soutenus. Ils servent aussi de laboratoires opérationnels ou technologiques, où sont testées de nouvelles offres et innovations avant un éventuel déploiement plus large.

A titre informatif, l’ensemble des restaurants franchisés de McDonalds réalisent 120,9 Mds$ de chiffre d’affaires – toujours en 2024 – soit environ 2,9 M$ par restaurant et par an. Ceux détenus et exploités en propre font 9,8 Mds$ de revenus soit 4,8 M$ par établissement. On voit ici ce qui a été mentionné plus haut : les restaurants exploités par McDonald’s ont un niveau d’activité bien supérieur. 

Comment le chiffre d’affaires est-il réparti ? 

En 2024, McDonald’s a réalisé un chiffre d’affaires de 25,9 Mds$. Celui-ci se divise comme suit : 

  • 60,6 % (15,7 Mds$) proviennent des restaurants franchisés, dont près de la moitié aux États-Unis, 43% dans des marchés et pays développés notamment l’Australie, le Canada, la France, l'Allemagne, l'Italie, la Pologne, l'Espagne et le Royaume-Uni et le reste (11,1%) dans des marchés en développement, ou l’exploitation est confiée à des partenaires locaux sous licence, comme en Chine ou au Japon. 
  • 37,7 % (9,8 Mds$) sont issus des ventes réalisées dans les établissements détenus en propre. La majorité le sont dans des pays développés hors des États-Unis. 
  • 1,6 % (423 M$) correspondent à d’autres revenus, notamment les redevances payées par les franchisés pour financer les plateformes technologiques mises à leur disposition (comme les applications ou les systèmes de commande), ainsi que les licences de marque permettant à des tiers de vendre des produits dérivés (sauces, jouets, etc.) sous l’étiquette McDonald’s.

À ce stade, vous vous demandez peut-être comment 37,7 % du chiffre d’affaires peut provenir de restaurants exploités en propre alors que plus de 95 % du réseau est franchisé. L’explication est simple : selon que le restaurant est franchisé ou détenu par la société, il ne génère pas de revenus de la même manière pour le groupe. Pour les franchisés, McDonald’s n’enregistre que les loyers, redevances et frais, soit une petite partie des ventes totales. En revanche, pour les restaurants détenus directement, l’intégralité des ventes aux clients est comptabilisée comme chiffre d’affaires. C’est cette différence de traitement comptable qui explique le paradoxe apparent : une minorité de restaurants détenus en propre génère à elle seule près de 38 % du chiffre d’affaires global, non pas parce qu’ils sont plus rentables, mais parce que 100 % de leurs recettes sont intégrées aux comptes, contrairement aux franchisés, dont seules les contributions sont prises en compte.

Imaginez deux restaurants McDonald’s réalisant chacun 3 millions de dollars de ventes par an. Le premier est franchisé, le second détenu en propre. Pour le premier, McDonald’s percevra environ 300 000 dollars via loyers et redevances, soit 10 % des ventes – c’est une estimation. Pour le second, l’entreprise enregistrera l’ensemble des 3 M$ dans ses revenus. C’est aussi simple que cela.

L’espoir reposait jusqu’ici sur les marges 

Depuis 2015 – soit dix exercices complets – la croissance du chiffre d’affaires du groupe est quasi nulle : il se situe aujourd’hui à un niveau similaire à celui d’il y a dix ans. Pourtant, cette décennie peut être divisée en deux périodes distinctes. 

De 2015 à 2020, McDonald’s a connu une forte décroissance de ses revenus qui sont passés de 25,4 à 18,9 Mds$. Malgré cela, le groupe a mis l’accent sur la maîtrise des coûts : les profits ont tout de même progressé.  

De 2020 et aujourd’hui, le chiffre d’affaires est reparti à la hausse jusqu’à retrouver son niveau de 2015. Cette remontée s’explique par un important travail sur l’image de marque – avec un marketing repensé et une rénovation des restaurants, où le vert a complètement remplacé le rouge emblématique des années 2000 – mais aussi par le développement d’un programme de fidélité pensé pour ne pas dégrader les marges. Le retour progressif des clients, après une chute de fréquentation durant les années Covid a également soutenu l’activité.

Grâce à ces efforts, McDonald’s affiche des profits par action en progression satisfaisante sur la décennie – x 2,4 – qui ont d’autant plus été dopés par des gros montants de rachats d’actions : plus de 22 % du capital depuis 2015. Pour rappel, moins d’actions en circulation gonfle le bénéfice par action, c’est mécanique. 

Mais McDonald’s évolue désormais dans un environnement ultra concurrentiel avec des consommateurs plus attentifs à leurs dépenses. Les derniers résultats trimestriels montrent une hausse du nombre de clients mais aussi une baisse du panier moyen, conséquence directe de l’inflation. Dans ce contexte, le rythme de progression des marges semble désormais plus difficile à maintenir à l’avenir d’autant plus que l’enseigne multiplie les promotions et les offres à petits prix.

Pour autant, l’action reste proche de ses plus hauts historiques, avec des niveaux de valorisation en ligne avec ceux de la décennie écoulée, autour de 25 fois les bénéfices. Les prochaines années s’annoncent exigeantes mais McDonald’s reste sans doute le groupe le mieux armé de son secteur pour affronter un environnement économique tendu. Son image de marque, sa notoriété et son ancrage culturel dans l’imaginaire collectif en font un actif comparable à Coca-Cola, indémodable et  emblématique, dont nous avions d’ailleurs analysé le business model l’an dernier.