PARIS (awp/afp) - Quarante ans après l'arrivée de McDonald's, les Français ont pris du poids et mangent moins bien. La faute au burger? Pas si simple, répondent les spécialistes interrogés par l'AFP.

Les Français ont-ils grossi en 40 ans?

Oui, et ils ne sont pas les seuls puisque le phénomène est observé dans tous les pays développés.

En France, la prévalence du surpoids des enfants de 5 à 12 ans a été multipliée par quatre entre 1960 et 2000, selon un rapport sénatorial.

En 2014-2015, 13% des enfants et adolescents en France étaient en surpoids et 4% obèses, selon l'agence sanitaire Santé publique France. Pour les adultes (18-79 ans), ces chiffres se montent à 34% et 17%.

Le surpoids et de l'obésité ont considérablement augmenté entre les années 80 et 2000 notamment chez les enfants, souligne Serge Hercberg, professeur de nutrition à Paris Descartes et président du Programme national nutrition santé (PNNS) de 2001 à 2017.

Récemment, la Drees, le service statistique des ministères sociaux, a dévoilé une enquête menée en 2016 et 2017 auprès de 7.200 élèves: 18,2% des élèves de 3e sont en surcharge pondérale, dont plus d'un quart (5,2%) sont obèses. Ces proportions étaient de 17% et 3,8% en 2009 et 15,8% et 3,5% en 2001.

La hausse est notable "en particulier pour les filles", souligne la Drees.

Les fastfoods responsables du surpoids et de la malbouffe?

"C'est beaucoup plus complexe, on ne peut pas considérer que c'est uniquement le fastfood", estime le Pr. Hercberg. "Cela a contribué mais on ne peut pas considérer que c'est un élément majeur".

En cause, "un ensemble de choses": la consommation accrue d'aliments moins bons pour la santé et le poids, le grignotage, une diminution de l'activité physique, une plus grande sédentarité (rester assis plus souvent, plus longtemps) et le temps passé devant les écrans ainsi que l'accessibilité économique des aliments de meilleure qualité devenue plus difficile...

"Le fastfood est un des éléments qui a facilité l'émergence de l'obésité, mais ce n'est pas en le supprimant que l'on réglera le problème", relève pour sa part le Dr Pierre Azam, nutritionniste, fondateur de l'Observatoire de l'obésité.

Comme le surpoids, les modes de vie et d'alimentation sont un marqueur social.

Les populations à plus faibles revenus mangent plus de charcuterie et moins de poissons que des gens plus aisés et les plus pauvres mangent plus gras, plus sucré, plus salé.

"Les cadres mangent 50% de plus de fruits et 30% de plus de légumes que les ouvriers", ajoute le Pr Hercberg, défenseur du code couleur Nutri-Score pour aider les gens à choisir les aliments industriels les plus équilibrés possibles.

Manger un McDo, est-ce si mauvais?

Le McDo passe pour le symbole de la malbouffe, même si la chaîne a évolué pour se débarrasser de cette image, avec une offre de salades et de bouteilles d'eau, du coca zéro, des fruits à croquer pour les enfants.

D'une façon générale, ce n'est pas le simple burger de base qui pose problème, mais tout ce qu'on y rajoute et surtout l'offre des grands formats XL (double, triple) avec leurs couches de fromages, du bacon, assortis de grands cornets de frites, de sauces grasses, de boissons et desserts sucrés. McDo est loin d'être la seule enseigne de fastfoods concernée.

Dans tous les cas, cela ne devrait pas faire partie d'une alimentation quotidienne, s'accordent les spécialistes.

Dans l'alimentation courante, y a-t-il pire?

"La malbouffe ne se résume pas qu'au McDo", selon le Pr. Hercberg. Il pointe par exemple des tacos encore plus caloriques: cet aliment adapté de la cuisine mexicaine est actuellement en pleine explosion en France.

Autre exemple, des chaînes de sandwicheries offrant de nombreux ajouts d'ingrédients proposent des produits dépassant les 1.000 calories, remarque le Dr Azam.

Il prône pour tous les fastfoods "un affichage bien visible de la quantité de calories par menus", également pour les sauces, boissons (jus de fruit et sodas) et desserts.

Les plats préparés à la maison ou achetés en grandes surfaces peuvent aussi participer à une alimentation déséquilibrée. Des pizzas à près de 1.500 calories enfoncent allégrement le BigMac (503 calories le sandwich, d'après le site de McDonald's)

Et les excès frappent dès le plus jeune âge, comme l'a récemment constaté l'agence sanitaire Anses, selon laquelle "75% des 4-7 ans, 60% des 8-12 ans et 25% des 13-17 ans" consomment trop de sucres.

Des apports excessifs "préoccupants" car c'est dans l'enfance et l'adolescence que s'acquièrent des bonnes ou mauvaises habitudes alimentaires qui risquent de persister à l'âge adulte, et de favoriser l'obésité et le diabète.

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